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Une femme souffrant d’une crise hémorroïdaire

Publié le 30 août 2022
Par Nathalie Belin
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Mme V., 48 ans, a souffert de crises hémorroïdaires. Depuis une semaine, un nouvel épisode est en cours, pour lequel elle s’automédique. Elle a vu aujourd’hui un médecin spécialisé en proctologie.

Ce que je dois savoir

Législation

Pas de problèmes particuliers.

Contexte

C’est quoi ?

• Les hémorroïdes internes et externes sont des formations vasculaires de capillaires et de petits vaisseaux artériels et veineux qui assurent la continence anale fine. Elles se dilatent et peuvent provoquer une « crise » hémorroïdaire en cas de troubles du transit ou de pressions.

• La dilatation des hémorroïdes internes induit des rectorragies, qui se traduisent par du sang éclaboussant la cuvette lors des selles, indolores, parfois abondantes. Une sensation de tension ou de gonflement interne est possible, ainsi qu’un prolapsus lors de la selle ou d’un effort correspondant à l’extériorisation des hémorroïdes. Leur réintégration se fait spontanément ou manuellement, en appuyant dessus.

• Les hémorroïdes externes se manifestent par une thrombose externe sous la forme d’une tuméfaction d’apparition brutale à l’entrée de l’anus, souvent douloureuse avec œdème. Elle se résorbe en deux à trois semaines mais peut laisser une cicatrice, ou marisque, responsable de démangeaisons et gênant l’hygiène locale. Mme V. présente une thrombose hémorroïdaire.

Quelle prise en charge ?

• La maladie hémorroïdaire est bénigne, sans symptôme spécifique. Le diagnostic est à poser une fois pour éliminer tumeur, abcès…

• Si les saignements persistent ou si les crises se répètent, un geste chirurgical est proposé.

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Objectifs du traitement

• Soulager les symptômes : brûlures, tension, douleurs. Les topiques, crèmes, suppositoires, sont recommandés en première intention. Si les douleurs prédominent, privilégier ceux avec anesthésique local. En cas de gonflement ou de thrombose hémorroïdaire, ceux avec corticoïde. Un veinotonique est parfois utile.

Un anti-inflammatoire non stéroïdien en cure courte est indiqué si la douleur est invalidante.

• Réguler le transit pour soulager les symptômes et prévenir les récidives. Le plus souvent, il s’agit de prendre en charge une constipation, cas de Mme V., responsable de pressions et d’efforts de poussée à l’origine des crises.

Médicaments

Ultraproct

Association de fluocortolone, corticoïde local, et de chlorhydrate de cinchocaïne, anesthésique local, indiquée dans le traitement des manifestations douloureuses et prurigineuses anales, en particulier la crise hémorroïdaire.

Titanoréïne suppositoire

Mucoprotecteur et lubrifiant composé de carraghénate, extrait d’algues formant un mucilage en milieu humide, d’oxyde de zinc, antiseptique, et de dioxyde de titane, protecteur cutané. Il est indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs, prurits et sensations congestives lors des poussées hémorroïdaires.

Transilane

Tégument de la graine d’ispaghul, laxatif de lest, qui, en retenant l’eau, augmente la masse fécale et en modifie la consistance, indiqué dans le traitement symptomatique de la constipation.

Acide tiaprofénique

Anti-inflammatoire non stéroïdien indiqué ici pour ses propriétés anti-inflammatoires et antalgiques.

Repérer les difficultés

• Durée du traitement. Mme V. se soigne depuis une semaine mais des saignements persistent et la thrombose n’est pas encore résorbée. Les topiques sont parfois nécessaires deux à trois semaines, l’AINS pris à dose minimale efficace sur la durée la plus courte.

• Application des topiques. Des conseils d’utilisation sont utiles pour optimiser leur action.

• La régulation du transit est la seule mesure préventive des crises à l’efficacité démontrée.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Que vous a dit le spécialiste? » fait le point sur la stratégie de traitement de la crise, voire des suivantes. « Où en êtes-vous côté transit ? » et « Le médecin vous a-t-il donné des conseils diététiques ? » permettent de revenir sur la prévention de la maladie hémorroïdaire.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

• Ultraproct. Le corticoïde et l’anesthésique réduisent l’œdème, l’inflammation et la douleur.

• Titanoréïne. Ce topique lubrifie et protège la muqueuse, ce qui limite la douleur lors du passage des selles et favorise la cicatrisation.

• Transilane sans sucre. Ce laxatif doux agit comme les fibres alimentaires en captant l’eau et en formant un mucilage, qui se mélange aux selles, augmente leur volume et les lubrifie.

• Acide tiaprofénique. Cet anti-inflammatoire est très efficace sur la douleur de la thrombose hémorroïdaire en complément du corticoïde topique si ce dernier ne suffit pas.

Mode d’administration

• Ultraproct. Appliquer avec un doigt propre. En usage interne, des spécialistes recommandent de ne pas utiliser l’applicateur, en raison d’un risque de blessure de la muqueuse fragilisée.

• Titanoréïne. Un peu de vaseline ou de pommade Ultraproct sur le suppositoire facilite son insertion, une à deux fois par jour.

• Transilane sans sucre. Délayer le sachet dans un grand verre d’eau et boire. Ajuster la posologie pour réguler le transit. Un sachet par jour ou tous les deux jours en entretien peut suffire.

• Acide tiaprofénique. À prendre à la dose minimale efficace, et seulement en cas de douleur.

Effets indésirables

• Ultraproct. Rares allergies de contact. Atrophie cutanée possible en cas d’applications prolongées (supérieures à quatre semaines).

• Titanoréïne. Possible hypersensibilité.

• Transilane sans sucre. Flatulences et douleurs abdominales, mais réduites en augmentant peu à peu la posologie. Obstruction du transit en cas d’hydratation insuffisante. En cas d’inhalation de la poudre renfermant des allergènes, des réactions d’hypersensibilité (rhinite, conjonctivite…) sont possibles. Prendre à une heure de distance d’autres médicaments, au risque de diminuer leur absorption.

• Acide tiaprofénique. Douleurs abdominales limitées par une prise au repas, voire ulcère peptique, perforations gastro-intestinales. Atteintes rénales en cas de déshydratation, cutanées et au long cours, cardio-vasculaires.

J’accompagne

Observance

• Appliquer les topiques jusqu’à disparition des symptômes. Arrêter le corticoïde dès la guérison pour éviter tout effet indésirable.

• Boire 1,5 l d’eau avec le laxatif de lest pour son efficacité et limiter le risque d’obstruction.

Hygiène de vie

• Lutter contre la constipation évite les poussées et le gonflement des veines hémorroïdaires. Enrichir son alimentation en fibres (légumes verts, fruits frais et secs, légumineuses, céréales complètes…) et pratiquer une activité physique.

• Le rôle de certains facteurs alimentaires, alcool, épices…, à l’origine de la crise n’est pas prouvé.

Vente associée

Un nettoyant doux, sans parfum (Pain surgras A-Derma, Rogé Cavaillès Dermozero…), des lingettes pour apaiser la zone anale (Calmorrhoïde, Saforelle, Hydralin…).

Prescription

Dr D., gastroentérologue, proctologue. Mme V., 48 ans, 1,65 m, 58 kg.

• Ultraproct pommade rectale

2 applications par jour sur la thrombose et si besoin les hémorroïdes internes pendant

7 jours.

• Titanoréïne suppositoire

1 à 2 suppositoires par jour pendant 7 jours.

• Acide tiaprofénique (Surgam) 100 mg

Si douleur, 1 à 2 cp matin et soir pendant 5 jours.

• Transilane sans sucre

1 à 3 sachets par jour pendant 1 mois. À renouveler 2 fois.

La patiente me demande

« Le médecin ne m’a pas prescrit de Dafl on. Dois-je continuer à en prendre ? »

Non. Si un traitement de sept jours à dose adéquate – aux doses requises dans l’insuffisance veinolymphatique – a déjà été réalisé, il ne semble pas y avoir d’intérêt à le poursuivre. Les veinotoniques peuvent aider à réduire les saignements, le prurit, les suintements, mais, faute de données suffisantes, leur utilisation au long cours n’est pas recommandée. Ils ne limitent pas le risque de survenue d’une nouvelle poussée hémorroïdaire.