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Renouvellement de l’IPP… pour un RGO récalcitrant

Publié le 18 février 2021
Par Nathalie Belin
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Mme P., 38 ans, souffre d’un reflux gastro-œsophagien, qui s’est bien amélioré il y a trois mois avec un IPP sur quatre semaines. Les symptômes étant revenus, le médecin reconduit l’IPP à la dose minimale efficace.

Ce que je dois savoir

Législation

L’ordonnance ne pose pas de problèmes.

Contexte

C’est quoi ?

• Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est lié au passage du contenu acide de l’estomac dans l’œsophage. Ce phénomène physiologique devient pathologique lorsqu’il est gênant ou occasionne des lésions de la muqueuse.

• Le principal facteur de risque est l’obésité, qui augmente la pression intra-abdominale. Un RGO est par ailleurs fréquent après une chirurgie de l’obésité (voir Porphyre n° 571, février 2021). Certains médicaments peuvent le déclencher ou l’aggraver : atropiniques, dérivés nitrés, inhibiteurs calciques, nicotine, certains hypoglycémiants, tels exénatide, liraglutide, dulaglutide…

• Un RGO est le plus souvent bénin, mais il peut altérer la qualité de vie et favoriser une œsophagite liée à l’acidité chronique.

Quels signes cliniques ?

• Les signes typiques sont le pyrosis, sensation de brûlure rétrosternale pouvant irradier vers l’épigastre, le cou, voire le dos ou les bras, et les régurgitations, remontées de liquide acide ou non dans la gorge. Ces symptômes sont souvent accentués par le fait d’être allongé ou de se pencher en avant. Ils suffisent à poser le diagnostic.

• Parfois, seuls sont présents des signes atypiques : douleurs thoraciques, toux chronique à prédominance nocturne, enrouement ou laryngite chronique. Ils doivent conduire à des examens complémentaires, comme une fibroscopie œso-gastro-duodénale, tout comme les « signes d’alarme » : apparition des symptômes après 50 ans, résistance au traitement initial ou rechute précoce, perte de poids, hémorragie digestive…

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Quelle prise en charge ?

Les mesures hygiéno-diététiques sont associées à des traitements choisis selon la fréquence des symptômes.

• Symptômes occasionnels, soit moins d’une fois par semaine : antiacides ou alginates suffisent.

• Symptômes fréquents, soit plus d’une fois par semaine : un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) est indiqué durant quatre semaines. Si les symptômes réapparaissent et sont gênants malgré la prise d’antiacides, un IPP peut être repris, soit en cures courtes séquentielles, soit en continu à la dose minimale efficace. Il s’agit de limiter les effets indésirables au long cours des IPP : surrisque de colites à Clostridium difficile car la sécrétion acide gastrique joue un rôle antibactérien, de fractures, notamment chez des personnes âgées, d’hypomagnésémie, notamment en association aux diurétiques, et de malabsorption de la vitamine B12 (lire Décryptage p. 13). Les anti-H2 sont une alternative aux IPP mais ils sont moins efficaces et ne permettent pas la cicatrisation de la muqueuse en cas d’œsophagite.

Objectifs

La prescription vise à soulager les symptômes, à prévenir les récidives et à cicatriser la muqueuse en cas d’œsophagite.

Médicaments

Ésoméprazole

Inhibiteur de la pompe à protons bloquant la libération d’ions H+ dans l’estomac en se fixant sur l’enzyme « pompe à protons ». L’action antisécrétoire, puissante, dure 24 heures. Elle est dose-dépendante et atteint un plateau entre les troisième et cinquième jours de traitement.

Alginate et bicarbonate de sodium

Ce médicament associe le bicarbonate de sodium, un antiacide qui neutralise l’acidité des sécrétions gastriques, et un alginate de sodium. Ce dernier forme un gel visqueux qui couvre le contenu gastrique et protège l’œsophage lors du reflux. En cas de reflux sévère, le gel régurgite en premier dans l’œsophage et s’interpose entre la paroi œsophagienne et le liquide gastrique irritant. L’action est rapide mais brève, de deux à quatre heures.

Repérer les difficultés

• S’assurer de la bonne prise de l’IPP pour une efficacité optimale.

• La gestion du traitement au long cours, en réservant l’IPP aux périodes où le topique ne suffit plus, une durée suffisante pour réduire les symptômes mais sans la prolonger inutilement.

• Vérifier le suivi des règles hygiéno-diététiques.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Je vois que vous êtes à nouveau gênée par votre reflux gastro-œsophagien. Que vous a dit le médecin ? » fait le point sur les informations reçues et les éventuels examens prescrits.

« Que vous a-t-il dit à propos des pr ises d’Inexium ? » permet d’ajuster, voire de préciser le bon usage de l’IPP. « Avez-vous repéré ce qui favorise l’apparition des symptômes ? » introduit les mesures de prévention à rappeler.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

• Ésoméprazole. Ce puissant inhibiteur de la sécrétion acide de l’estomac agit de façon prolongée, ce qui permet une seule prise par jour.

• L’alginate et le bicarbonate de sodium réduisent l’acidité de l’estomac et forment surtout un gel qui flotte à la surface et protège ainsi la muqueuse de l’œsophage en cas de remontée acide. Ce médicament agit rapidement, ce qui le rend intéressant pour vite soulager des symptômes occasionnels, ou en attendant le plein effet de l’ésoméprazole.

Modes d’administration

• Ésoméprazole : avaler le comprimé avec de l’eau non gazeuse sans le croquer, avant le petit déjeuner pour un effet antisécrétoire maximal. On peut dissoudre le comprimé gastrorésistant dans un demi-verre d’eau non gazeuse et boire les microgranules dispersées sans les écraser.

• Alginate et bicarbonate de sodium : après les repas et éventuellement au coucher, à deux ou trois heures de distance de tout autre traitement afin de ne pas en réduire l’efficacité.

Effets indésirables

• Ésoméprazole : parfois céphalées et troubles digestifs bénins à types de douleurs abdominales, nausées, constipation ou diarrhée. En cas d’arrêt brutal après une prise au moins d’un mois, un rebond d’acidité peut survenir, rendant le traitement difficile à arrêter. Au long cours, certains effets indésirables (voir plus haut) imposent de réévaluer toute prescription et de rechercher la dose minimale efficace.

• Alginate et bicarbonate de sodium : rares réactions d’hypersensibilité.

J’accompagne

Observance

• Ne pas arrêter trop tôt l’IPP, dont l’action optimale s’observe après trois à cinq jours. Respecter les recommandations du médecin, des cures de dix à quinze jours, sans prolonger les prises si les symptômes ont disparu. Utiliser l’alginate si les symptômes restent occasionnels. Réserver l’IPP aux manifestations gênantes et fréquentes, soit plus d’une fois par semaine.

• Consulter en cas de récidives précoces ou fréquentes après l’arrêt de l’IPP bien suivi afin de vérifier notamment l’absence d’œsophagite.

Vie quotidienne

• Éviter de s’allonger dans les deux ou trois heures suivant un repas. Limiter les efforts physiques après le repas. En cas de symptômes nocturnes, surélever la tête de lit.

• En cas de surpoids et de tabagisme, encourager une modification de ces habitudes en abordant le sujet.

Vente associée

Des solutions alternatives en compléments alimentaires peuvent être essayées : Arkodigest No Reflux, NeoBianacid Acidité et reflux… Certains probiotiques, tel BioGaia Gastrus, pourraient avoir un intérêt en cas de troubles gastriques.

Prescription

Dr N., généraliste.

Mme P., 38 ans, 60 kg.

• Ésoméprazole (Inexium) 20 mg 1 comprimé par jour pendant une à deux semaines.

1 boîte de 14, à renouveler deux fois.

• Bicarbonate de sodium + alginate de sodium (Gaviscon) 1 sachet 3 fois par jour, et au coucher si besoin.

1 boîte, à renouveler deux fois.

La patiente me demande

« Faut-il éviter certains aliments en cas de reflux gastro-œsophagien ? »

La suppression de certains aliments tels que les sucres rapides, le café, le thé ou le chocolat, ou encore le vinaigre, les tomates, les agrumes ou les épices, ne semble pas avoir d’impact sur les symptômes dans les études cliniques. Je vous recommande simplement de limiter les aliments qui vous paraissent favoriser le reflux. En revanche, comme je sais que vous fumez et que vous faites souvent des repas copieux, je vous conseille vivement de limiter alcool et tabac. D’ailleurs, avez-vous déjà pensé à vous arrêter de fumer ? Nous pouvons en discuter si vous voulez…