Océane vient d’être diagnostiquée narcoleptique

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Océane vient d’être diagnostiquée narcoleptique

Publié le 2 février 2025
Par Nathalie Belin
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Océane, 22 ans, se sent « fatiguée en permanence, depuis le lycée ». Après plusieurs années d’errance, elle a finalement été orientée vers un centre du sommeil où le diagnostic de narcolepsie vient d’être établi.

À savoir

Législation

Le modafinil est un médicament d’exception à prescription initiale annuelle réservée aux neurologues ou aux médecins exerçant dans les centres du sommeil. Le renouvellement est possible par tout prescripteur sur présentation de l’ordonnance initiale du spécialiste datant de moins d’un an.

Contexte

C’est quoi ? La narcolepsie est une maladie neurologique rare, chronique, caractérisée par une hypersomnolence diurne. On distingue la narcolepsie de type 1 avec présence de cataplexie correspondant à une perte brutale de tonus musculaire, sans altération de la conscience (voir encadré), et la narcoplepsie de type 2, sans cataplexie.

L’hypersomnolence diurne, commune aux deux types de narcolepsie, est particulièrement invalidante. Elle se caractérise par des envies irrépressibles et soudaines d’endormissement à n’importe quel moment de la journée, survenant d’autant plus lors d’activités monotones, mais aussi parfois en pleine conversation ou pendant la conduite automobile… Des hallucinations visuelles, auditives ou sensitives et des paralysies du sommeil sont parfois présentes au moment de l’endormissement ou du réveil. Les paralysies du sommeil correspondent à des pertes du tonus musculaire (impossibilité de bouger ou parler) durant quelques minutes. 

Comment est établi le diagnostic ? Le diagnostic puis la prise en charge sont établis en centre de référence ou de compétence des narcolepsies et hypersomnies ou dans un centre du sommeil en relation avec ces structures spécialisées. Il est orienté par la recherche d’une hypersomnolence diurne, de troubles du sommeil et de cataplexies. Deux examens de référence confirment le diagnostic : la polysomnographie nocturne, permettant par exemple d’éliminer des apnées du sommeil qui pourraient favoriser l’hypersomnolence, et un test itératif d’endormissement. Une ponction lombaire permettant d’évaluer le taux d’hypocrétine-1 dans le liquide céphalorachidien peut être proposée : un taux bas étant un critère de diagnostic de la narcolepsie de type 1, alors que ce taux est normal dans la narcolepsie de type 2.

Pour Océane, une narcolepsie de type 2 a été diagnostiquée.

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Quelle prise en charge ? Les traitements sont uniquement symptomatiques et reposent sur la prescription de traitements « éveillants » : modafinil, pitolisant, solriamfétol ou méthylphénidate. Ces traitements ont une AMM dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie. Une combinaison de plusieurs molécules est possible en cas d’efficacité insuffisante.

Prescription

Ordonnance d’exception

Centre du sommeil

Dr N.,
neurologue

Océane V.,
née le 3 avril 2002
1,66 m, 55 kg

Le 3 décembre 2024

Modafinil (Modiodal) cp 100 mg : 2 cp par jour pendant 1 mois

À renouveler 2 fois.

Médicaments

Le modafinil est un sympathomimétique d’action centrale inhibant notamment la recapture de la dopamine et de la noradrénaline et potentialisant l’action alpha-1 adrénergique cérébrale (stimulant la vigilance).

Repérer les difficultés

Il est nécessaire d’alerter sur les effets indésirables possibles (notamment les troubles du sommeil, en cas de prise trop tardive). Par ailleurs, le modafinil, comme les autres traitements de la narcolepsie, est potentiellement tératogène. De plus, c’est un inducteur de cytochrome P450 : il peut notamment augmenter le métabolisme des contraceptifs hormonaux et donc diminuer leur effet. Océane étant sous contraception estroprogestative, il est indispensable de l’alerter sur ce point.

Dico +

  • Polysomnographie nocturne : examen analysant le sommeil nocturne, via un électroencéphalogramme (évaluant l’activité cérébrale), un électro-oculogramme (pour les mouvements des yeux), un électromyogramme (mesurant l’activité musculaire), et les fonctions respiratoires et cardiaques.
  • Test itératif d’endormissement : il évalue la capacité à s’endormir de façon répétée au cours de la journée dans des conditions propices à l’endormissement.
  • Hypocrétine-1 : encore appelée orexine A, il s’agit d’un neuromédiateur « éveillant » produit par les neurones hypocrétinergiques au niveau de l’hypothalamus. La narcolepsie de type 1 est liée à une destruction sélective des neurones à hypocrétine-1, vraisemblablement d’origine auto-immune.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Comment se sont passés les examens en centre du sommeil ? » et « Que vous a dit le neurologue ? » permettent de faire le point sur le diagnostic et les informations données sur la maladie.

« Le médecin a-t-il précisé les modalités de prise du traitement ? », « Vous a-t-il recommandé de changer de contraception ou d’y associer une méthode mécanique comme un préservatif ? » permettent de vérifier l’assimilation des informations par le patient.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action. Le modafinil est un stimulant de l’éveil. Il renforce l’activité cérébrale en augmentant l’action de certains neuromédiateurs cérébraux.

Effets indésirables. Des céphalées sont très fréquentes. Du fait de son mode d’action, la molécule peut aussi induire nervosité, anxiété, irritabilité, insomnie, agitation, voire plus rarement des troubles neuropsychiatriques graves (troubles de la personnalité, agressivité, idées suicidaires…). Par ailleurs, des troubles gastro-intestinaux sont fréquents (douleurs abdominales, nausées, sécheresse de la bouche…) ainsi que des palpitations ou une diminution de l’appétit. On observe plus rarement une augmentation de l’appétit, des douleurs musculosquelettiques ainsi que des troubles cardiovasculaires (hyper ou hypotension, arythmies…), ceux-ci justifiant un électrocardiogramme (ECG) avant d’initier le traitement puis la surveillance trimestrielle de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle*. Rares mais graves, des réactions cutanées, dont le syndrome de Stevens-Johnson, sont rapportées : elles imposent l’arrêt immédiat du traitement. Un risque de dépendance et de mésusage est potentiellement à surveiller.

Utilisation. Les comprimés s’avalent avec de l’eau en une prise le matin ou en deux prises le matin et à midi, mais pas le soir du fait du risque de développer une insomnie. Il revient au patient, avec l’accord du médecin, de déterminer les modalités de prise les plus pertinentes pour lui en fonction de ses besoins d’éveil. Les posologies sont généralement ajustées par le patient en fonction de ses activités : elles peuvent notamment être diminuées le week-end.

J’accompagne

La prescription. La dose de 200 mg de modafinil peut être portée à 400 mg/jour si besoin. En l’absence d’efficacité après quelques jours de prise, proposer à la patiente de contacter le spécialiste pour éventuellement adapter le traitement.

La contraception. En attendant de faire un point avec le gynécologue, recommander d’associer une contraception mécanique (préservatif masculin ou féminin, par exemple) lors des rapports sexuels car l’efficacité contraceptive de la pilule peut être compromise par le modafinil. L’usage d’un stérilet au cuivre peut s’avérer préférable.

Le quotidien. Des horaires de coucher réguliers sont recommandés ainsi que des microsiestes préventives (d’une quinzaine de minutes), qui permettent de restaurer la vigilance et d’anticiper des endormissements « incontrôlables ». L’entourage doit savoir que ces siestes sont importantes car « réparatrices ».

Rappeler les conseils « d’hygiène du sommeil » pour favoriser un bon sommeil nocturne. Des oublis liés à la baisse de vigilance sont fréquents : ne pas hésiter à noter les informations importantes (bloc-notes, agenda électronique, rappels sur son téléphone…).

Vente associée. La prise de compléments alimentaires stimulant la vigilance, par exemple ceux renfermant de la vitamine C à 500 mg ou 1 g (gammes Vitascorbol, Upsa Vitalité…) ou de la caféine (Berocca Boost, Supradyn Boost, Vitamin’22 Caféine+…), peut être proposée ponctuellement*.

* Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) Narcolepsie de type 1 et 2, Haute Autorité de santé, septembre 2021.

La patiente me demande

« Je n’ai pas de cataplexie, heureusement ! Car j’ai l’impression que c’est particulièrement handicapant… »

Effectivement, mais tout dépend de la fréquence des crises et des muscles concernés. Les cataplexies se manifestent par un relâchement musculaire, généralement de quelques secondes, survenant souvent lors d’une émotion (rire, surprise…). Ce relâchement concerne le plus souvent une partie du corps – on parle alors de cataplexie partielle –, par exemple la mâchoire (ce qui entraîne des difficultés à parler, sourire…), la tête (qui tombe brutalement vers l’avant), les membres inférieurs (qui se dérobent), etc. Plus rarement, il affecte tous les muscles, exposant à des chutes parfois graves. Des antidépresseurs, en particulier la venlafaxine ou la fluoxétine, sont efficaces et utilisés hors autorisation de mise sur le marché pour traiter les cataplexies de la narcolepsie de type 1 si celles-ci ne sont pas suffisamment améliorées par les traitements « éveillants ».