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Mon enfant a du mal à dormir

Publié le 31 octobre 2015
Par Florence Piussan
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1 Je questionne

Cernez le rythme de vie de l’enfant

« Quel âge a-t-il ? », « Où dort-il ? » et « À quelle heure se couche-t-il régulièrement ? » renseignent sur les habitudes.

Recherchez la cause et le contexte

« Est-ce la première fois ? » et « Depuis quand ? » Enchaînez avec : « Y a-t-il eu un changement majeur et récent dans votre vie : déménagement, séparation, problème scolaire ou de santé dans la famille ? »

Faites préciser le trouble

« Est-ce une difficulté à s’endormir le soir ? Une peur du noir ? » S’il s’agit d’un réveil nocturne, « Est-ce en fin ou en début de nuit ? » À compléter par « Est-il somnambule ? » ou « Fait-il des cauchemars ? »

Cherchez d’autres symptômes

« A-t-il d’autres signes : douleur, fièvre, infection ORL, du reflux, une poussée d’eczéma ou une allergie aux protéines de lait de vache ? » Demandez aussi : « Ronfle-t-il la nuit et est-il angoissé la journée ? »

2 J’évalue

L’enfant souffre fréquemment de troubles du sommeil, souvent transitoires (voir contexte). Seuls ceux d’apparition récente, liés à une cause psychologique définie, et sans autres signes ou anxiété associés, sont du ressort du conseil officinal.

Des troubles qui perturbent la vie familiale et épuisent les parents, la présence de ronflements avec suspicion d’apnée du sommeil conduisent à consulter. L’autisme ou des maladies neurologiques peuvent aussi être en cause. Chez les 6-10 ans, orienter vers un psychologue si les réveils anxieux avec peur de la mort sont répétitifs.

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3 Je passe en revue

La prise en charge passe d’abord par des mesures d’hygiène de vie. Un produit n’est pas à conseiller systématiquement, mais éventuellement, en seconde intention, sur la durée la plus courte possible face à des troubles d’apparition récente, quotidiens, affectant la vie familiale.

Conseils aux parents

• Difficultés d’endormissement

→ Avant 6 ans : elles font souvent suite à un rythme de vie trop soutenu ou irrégulier. À faire : rentrer plus tôt certains soirs pour mieux respecter le rythme et le temps de sommeil de l’enfant ; ne pas supprimer la sieste avant 4 ans ; instaurer un rituel pour faciliter le passage de l’éveil au sommeil, qui peut « être un moment angoissant », explique le docteur Royant-Parola (voir encadré). Prendre un quart d’heure avec lui pour brosser les dents, lire une histoire, chanter, etc. permet une transition vers le coucher dans une chambre calme, seul si possible et à un horaire raisonnable. Une fois couché, ne pas revenir dans sa chambre. Un doudou ou une veilleuse peut rassurer.

→ Après 6 ans : des difficultés scolaires ou familiales sont souvent en cause. À faire : écouter et rassurer l’enfant mais le laisser s’endormir seul dans sa chambre ; garder un rythme de vie régulier et fixer un horaire maximum de coucher le week-end et les vacances ; limiter le temps devant les écrans et les activités stimulantes en fin d’après-midi et en soirée ; éviter les boissons excitantes.

• Réveils nocturnes : le petit enfant se rendort normalement seul en quelques minutes. À faire : sauf maladie ou fièvre, attendre un peu avant d’intervenir ; aller le voir brièvement, le rassurer puis le laisser se rendormir seul dans sa chambre ; chez les plus grands, rassurer face à des réveils anxieux ponctuels.

• Parasomnies : rassurer les parents.

→  Un cauchemar peut ou non réveiller. À faire : prendre le temps de rassurer, l’enfant, le recoucher dans sa chambre et le laisser se rendormir seul ; en reparler le lendemain s’il le demande est important afin d’éviter que ce mauvais rêve l’empêche de s’endormir les jours suivants.

→ En cas de terreur nocturne, ne pas réveiller l’enfant car il dort ! À faire : s’asseoir près de lui, lui parler doucement le temps qu’il se calme en veillant qu’il ne tombe pas du lit. Inutile d’en reparler le lendemain, il ne s’en souvient pas.

→ Un enfant somnambule peut ou non se réveiller. À faire : le ramener calmement à sa chambre et le recoucher. En général, il ne s’en rappelle pas sauf s’il se réveille debout. Gare aux accidents corporels.

Médicaments

• Phytothérapie : dix-neuf plantes ont une AMM dans les médicaments « traditionnellement utilisés dans le traitement symptomatique des états neurotoniques […] des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du sommeil ».

→ Plantes sédatives : coquelicot (pétale), lavande (fleur), oranger amer (fleur et feuille), verveine odorante (feuille), camomille romaine (capitule). Les inflorescences de tilleul ont des propriétés légèrement sédatives et anxiolytiques.

→ Inductrices du sommeil : « Éviter avant 6 ans » la racine de valériane, précise le docteur Morel, médecin phytothérapeute, l’eschscholtzia et ses alcaloïdes à la toxicité non évaluée avant 7 ans et le cône de houblon à activité œstrogénique.

→ Actions sédative et anxiolytique : passiflore (partie aérienne fleurie), aubépine (fleur et sommité fleurie), en cas d’anxiété liée à un surmenage avec oppression thoracique, l’aspérule (partie aérienne fleurie) si angoisse vespérale.

→ Action antispasmodique : l’innocuité de la feuille de mélisse est établie, mais pas celle de la ballote, non recommandée en raison d’alcaloïdes hépatotoxiques. Le Dr Jean-Michel Morel conseille : « une pincée par tasse à parts égales de fleurs d’aubépine, de lavande et d’oranger, inflorescences de tilleul, pétale de coquelicot ».

• Homéopathie : Gelsemium 15 CH en cas de difficultés d’endormissement avec anxiété d’anticipation ou peurs nocturnes. Y associer en 15 CH : Stramonium si terreurs nocturnes, Hyoscyamus si cauchemars ou réveils nocturnes, Kalium bromatum si terreurs nocturnes et somnambulisme. En cas de troubles de l’endormissement, Tilia tomentosa bourgeons macérat glycériné (1 goutte/kg). Les associations : Passiflora composé granules (tout âge), L72 gouttes buvables (dès 2 ans), Noctium sirop (dès 1 an), Quiétude sirop (dès 30 mois)…

4 Je choisis

• Systématiquement : essayer de trouver la cause et de résoudre le problème par une bonne hygiène de vie.

• Dans un second temps : un produit si la demande des parents est trop forte.

5 J’explique

L’enfant souffre fréquemment de troubles du sommeil transitoires et bénins. Trouver l’élément déclenchant règle souvent le problème. Modifier certaines habitudes du coucher lui permettront d’apprendre ou de réapprendre à s’endormir seul. Être ferme et ne pas rester près de lui jusqu’à ce qu’il s’endorme.

Les terreurs nocturnes disparaissent vers 7 ans, au plus tard à la puberté, de même pour le somnambulisme. Afin que l’enfant n’associe pas « sommeil » et « médicament », celui-ci doit être donné ponctuellement et brièvement.

6 Je conseille

• Tenter de trouver un rythme de vie familial qui respecte le plus possible le temps de sommeil de l’enfant. Prendre un moment avec lui avant son coucher.

• Si le trouble persiste, faire le point avec le médecin, le pédiatre, voire un réseau de soins pour un regard extérieur.

Avec l’aimable collaboration de Sylvie Royant-Parola, psychiatre, présidente du Réseau Morphée, Garches (92), et de Jean-Michel Morel, médecin généraliste phytothérapeute, Besançon (25), auteur du Traité pratique de phytothérapie, Éditions Grancher.

Le contexte

Le sommeil : de 2 à 5 ans, l’enfant dort en moyenne 12 h par jour et fait une sieste. À partir de 5 ans, il n’y a plus de sieste et la nuit dure 10/11 h jusqu’à 10 ans.

Les troubles du sommeil sont retrouvés chez 20 à 30 % des enfants. Ils sont le plus fréquemment d’origine psychologique et transitoires. Il en existe deux types :

→ les difficultés d’endormissement : entre 2 et 5 ans, elles sont le plus souvent liées à une séparation ou à un rythme de vie perturbé. Après 6 ans, elles sont surtout dues à des angoisses. Des réveils anxieux avec peur de la mort peuvent apparaître ;

→ les parasomnies : le cauchemar est un rêve effrayant dont l’enfant se souvient. Il survient en fin de nuit à partir de 2 ans. La terreur nocturne se produit en début de nuit jusqu’à 7 ans environ. L’enfant est assis dans le lit, crie et semble effrayé sans qu’on puisse le réveiller. L’épisode dure quelques minutes et l’enfant ne s’en souvient pas. Le somnambulisme est une déambulation inconsciente, les yeux ouverts. Il survient à partir de 4 ans, particulièrement chez les garçons.

Interview

Docteur Sylvie Royant-Parola, psychiatre, présidente du Réseau Morphée (www.reseau-morphee.fr), Garches (92)

Quel est le premier conseil à donner aux parents ?

D’abord, dédramatiser la situation. Leur dire de rassurer l’enfant mais ne pas rester près de lui jusqu’à ce qu’il s’endorme ou se rendorme. S’ils n’y parviennent pas, il y a peut-être une cause sous-jacente. Cela demande alors d’accomplir une démarche particulière de consultation, au moins un médecin. Les parents ont peut-être des comportements qui entretiennent un peu le trouble. À ce moment-là, un regard extérieur s’impose.