Matéo commence un traitement contre les condylomes

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Matéo commence un traitement contre les condylomes

Publié le 13 novembre 2024
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Matéo, 35 ans, a découvert lors de sa toilette un bouquet d’excroissances rosées sur le prépuce. Le dermatologue a diagnostiqué des condylomes, qu’il décide de traiter par un topique immunomodulateur.

Prescription

Dr M., dermatologue-vénéréologue

Matéo L., né le 3 mars 1989, 84 kg, 1,79 m

Le 5 novembre 2024 :

Imiquimod crème (Aldara) : 1 application le soir au coucher, 3 fois par semaine pendant 6 semaines

Cicalfate + crème réparatrice : 1 tube

Rendez-vous de contrôle dans 6 semaines

Ce que je dois savoir

Contexte

C’est quoi ?

Les condylomes ou « verrues » se développent sur les parties génitales ou anales, plus rarement au niveau de l’oropharynx. Ils sont dus à une infection par des papillomavirus humains (HPV), très contagieuse et très fréquente (80 % des personnes sont infectées par des HPV à un moment de leur vie), qui se transmet par contact sexuel, avec ou sans pénétration, plus rarement par portage (doigts, sex-toys…). Quand l’infection n’est pas éliminée spontanément par le système immunitaire (90 % des cas), des lésions peuvent apparaître dans les mois voire les années suivantes. Les condylomes sont dus en grande majorité aux HPV6 et HPV11, à bas risque oncogène. Ils se présentent typiquement sous forme d’excroissances à crêtes dentelées (condylomes dits acuminés ou en crête-de-coq), plus rarement sous forme de papule ou de lésions planes. Environ 100 000 personnes sont touchées en France chaque année. Hommes et femmes sont concernés.

Les condylomes sont des tumeurs bénignes qui n’évoluent pas en lésions cancéreuses. Ils peuvent néanmoins être associés dans certains cas à une infection par d’autres HPV à haut risque oncogène (responsables de cancers orogénitaux). D’où la nécessité de réaliser un bilan afin de rechercher d’autres lésions. Les condylomes peuvent s’accompagner de douleurs, d’un prurit, de saignements et d’une adénopathie. Très contagieux et disgracieux, ils ont un impact important sur la vie sexuelle.

Prise en charge

> L’apparition de condylomes doit mener au dépistage de maladies sexuellement transmissibles associées (chlamydia, VIH, syphilis, hépatite B) ; à un bilan locorégional à la recherche d’autres zones atteintes ou d’autres lésions liées à un autre HPV ; au bilan des partenaires (à l’œil nu chez l’homme, par examen gynécologique et frottis ou test HPV chez la femme)1.

> En l’absence d’antiviral efficace pour éradiquer l’infection, le traitement a pour objectif de faire disparaître les lésions visibles, le taux de récidive étant élevé. Il peut faire appel aux méthodes chimiques (podophyllotoxine, 5 fluorouracile…), immunomodulatrices (imiquimod) ou physiques et chirurgicales (cryothérapie, laser, excision…). Aucune n’ayant montré de supériorité, le choix dépendra du type de lésion, de l’expérience du praticien, des possibilités individuelles d’auto-application…
> L’information sur les risques de transmission, les moyens de protection des partenaires et la surveillance des récidives fait partie intégrante de la prise en charge1.

Objectifs

La prescription vise à faire disparaître les condylomes visibles en stimulant localement l’immunité et à apaiser les effets locaux du traitement.

Médicaments

Imiquimod

Ce modificateur de la réponse immunitaire se comporte comme un agent antitumoral dans les infections virales, principalement par induction de l’interféron alpha et d’autres cytokines. Il est l’une des options recommandées1 dans le traitement des condylomes acuminés génitaux et périanaux de l’adulte.

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Cicalfate

Contenant un actif réparateur postbiotique, des sulfates de cuivre et de zinc assainissants, de l’eau thermale apaisante, ce topique protecteur forme un film au niveau des couches superficielles de l’épiderme.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

Expliquer que le mode et le rythme d’application d’Aldara (imiquimod) doivent être respectés à la lettre : « La bonne tolérance et les résultats de ce traitement dépendent fortement des consignes d’application qui doivent être rigoureusement suivies. »

Informer sur la conduite à tenir en cas d’effets irritants mal supportés.
Rappeler les mesures pour limiter la contamination des partenaires et insister sur la surveillance régulière : « Des précautions pour éviter de transmettre l’infection sont également nécessaires. Qu’avez-vous retenu les informations données par votre médecin ? »

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

Le traitement vise à faire disparaître les lésions visibles en stimulant localement les défenses immunitaires. Son efficacité peut varier individuellement, mais c’est une première option avant d’envisager, si besoin, d’autres méthodes ; ou en parallèle d’autres méthodes. Dans tous les cas, il n’éradiquera pas l’infection, qui reste latente dans l’organisme et peut récidiver. D’où l’importance de protéger au maximum ses partenaires sexuels d’une contamination, de surveiller régulièrement l’évolution des lésions et, après disparition, leur possible réapparition.

Mode d’administration

Imiquimod. Appliquer trois fois par semaine à des jours non consécutifs – par exemple les lundi, mercredi, vendredi ou mardi, jeudi, samedi –, jusqu’à la disparition totale des verrues ou jusqu’au prochain rendez-vous fixé à six semaines. Avant l’heure du coucher, les mains propres, prélever la quantité nécessaire de crème pour une application en couche mince sur la zone atteinte, sans déborder sur la peau saine, puis masser jusqu’à pénétration complète. Se laver les mains soigneusement après et attendre que la zone soit sèche avant de remettre un sous-vêtement. Ne pas utiliser de pansement occlusif. Chaque sachet est à usage unique et doit être jeté après ouverture. Le lendemain matin, soit 6 à 10 heures plus tard, procéder systématiquement à une toilette soigneuse avec eau et savon doux, en décalottant le gland (si non circoncis), pour éliminer le produit.

Cicalfate. Appliquer une à plusieurs fois par jour selon besoin sur la zone lésée, entre la toilette du matin et l’application du traitement le soir, ainsi que les jours sans Aldara, puis quotidiennement après disparition des lésions jusqu’à cicatrisation complète.

Effets indésirables

Imiquimod. Reflet de l’action du traitement, les réactions locales au site d’application sont fréquentes : érythème, œdème, érosion, desquamation… ; plus rarement, une induration, une ulcération, des croûtes. Le risque de réactions est augmenté par un surdosage et/ou une absence de toilette le matin.
Des réactions systémiques sont également possibles, notamment des céphalées, un syndrome grippal, des myalgies : elles imposent l’arrêt du traitement et une consultation médicale.
De rares cas de phimosis (affection du gland qui empêche le décalottage) ont été décrits chez des patients non circoncis.

Cicalfate. Bien tolérée. Parfois des rougeurs et picotements temporaires à l’application, rarement une allergie.

J’accompagne

Être patient…

La disparition des lésions avec traitement prend en moyenne un à six mois. Le délai est plus long sans traitement même si, à l’instar des verrues vulgaires, les lésions finissent par disparaître spontanément. Les récidives ne sont jamais exclues.

En cas de réactions indésirables locales

Rassurer sur le fait qu’elles sont fréquentes et signe que le traitement agit. Revoir si besoin le temps de pose du produit et l’application en couche mince. En cas de gêne intolérable, laver à l’eau et au savon, appliquer Cicalfate plusieurs fois par jour et suspendre les applications d’Aldara pendant quelques jours jusqu’à amélioration. Pour limiter l’irritation, éviter l’utilisation de papier toilette sur la zone, les gants de toilette, les savons parfumés…

Sexualité et contraception

Même si sa protection est incomplète, le préservatif réduit le risque de transmission aux partenaires. Il est donc conseillé tant qu’il existe des lésions visibles – période de transmission plus à risque des HPV – et, idéalement, au moins pendant les trois mois qui suivent leur disparition (période de sécurité admise pour les récidives).
Aldara peut fragiliser les préservatifs et diaphragmes. Il doit dans tous les cas être éliminé à l’eau et au savon avant tout rapport sexuel.
Le bilan des partenaires sexuels est fortement conseillé pour une prise en charge conjointe éventuelle.

Surveillance

La surveillance clinique par un médecin doit être systématique pour évaluer l’évolution des lésions puis, après disparition, à trois mois et à six mois au moins.

Vente associée

De la vaseline pour isoler et protéger la peau saine autour de la lésion lors du traitement et un savon doux type Syndet pour la toilette peuvent notamment être proposés.

1. « Recommandations diagnostiques et thérapeutiques pour les maladies sexuellement transmissibles, verrues génitales (condylomes) externes », section MST/SIDA de la Société française de dermatologie (SFD), février 2016.

Le patient me demande : « Le vaccin peut-il me guérir ? »

Non, le vaccin contre les HPV est uniquement préventif. Il permet de se protéger et de limiter la transmission, à condition de le faire avant toute contamination, donc idéalement à l’adolescence. En revanche, il n’a pas d’efficacité sur l’infection en cours ni sur les lésions existantes.