Délivrance Réservé aux abonnés

Kétum à nouveau à l’officine !

Publié le 6 février 2010
Par Véronique Pungier
Mettre en favori

Dans la bataille qui oppose l’Afssaps et Ménarini, le gel Kétum 2,5 % ressort gagnant. Le Conseil d’Etat a en effet décidé de lever la suspension d’AMM. Le point sur les éléments scientifiques et économiques retenus par le juge des référés.

Coup de théâtre. Le gel anti-inflammatoire Kétum 2,5 % revient sur le marché ! Les pharmaciens peuvent commander le tube classique de 60 g et le tube doseur de 120 g auprès des grossistes-répartiteurs depuis le 27 janvier. La spécialité aura finalement disparu des tiroirs durant quinze jours. En revanche, l’AMM de toutes les autres spécialités à base de kétoprofène sous forme de gel, retirées du marché le 12 janvier, reste suspendue, en tout cas pour le moment (voir Le Moniteur n° 2811/2812).

Des valses-hésitations déconcertantes

La levée d’une suspension d’AMM pourtant décidée par le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) est inédite en France. Si les tenants et aboutissants de la décision ne sont pas faciles à comprendre, que dire de la gestion au comptoir de la situation ?

Revenons sur les circonstances qui ont engendré ce revirement. Mécontent de la mesure de l’Afssaps annonçant mi-décembre la suspension de l’AMM de tous les gels de kétoprofène à compter du 12 janvier 2010, le laboratoire Ménarini déposait fin décembre une requête en référé-suspension auprès du Conseil d’Etat pour défendre ses intérêts et son produit. « La procédure de réévaluation des gels de kétoprofène a été entamée en 2005 par l’Afssaps. Celle-ci se manifeste subitement fin 2009 alors qu’entre 2006 et 2009, il n’y a rien de nouveau en termes d’effets indésirables », s’étonne Edouard Ralitera, responsable des affaires scientifiques chez Ménarini.

Les deux parties ont fourni leurs arguments de défense. Et, le 26 janvier, le juge des référés suspendait l’exécution de la décision de l’Afssaps pour le gel Kétum 2,5 % uniquement.

Publicité

Des raisons scientifiques et économiques

Le juge des référés a tout d’abord retenu que l’étude montrant des cas de photoallergie – sur laquelle l’Afssaps s’est basée – ne remet pas en cause l’efficacité des propriétés antalgiques du gel de kétoprofène (élément évidemment confirmé par les représentants de l’Agence présents à l’audience de référé). Il a noté aussi que « l’effet indésirable sur lequel repose la mesure litigieuse ne concerne qu’une trentaine de cas sur plusieurs millions de gels de kétoprofène vendus chaque année, et que cet effet, connu depuis l’origine, semble pour une large part imputable au non-respect des précautions d’emploi ».

Le laboratoire annonce en effet une fréquence des cas de photosensibilisation de 30cas par an sur plus de 5millions de tubes vendus. Il ajoute que le nombre d’effets indésirables cutanés est stable dans le temps.

Le juge a également pris en compte la position des autres Etats membres de l’Union européenne, notamment celle du pays corapporteur, la République tchèque, qui estime le bénéfice-risque du gel de kétoprofène inchangé, et le fait qu’aucun des 20 Etats consultés n’envisage son retrait.

Enfin, la mise en difficulté économique de Ménarini liée à l’arrêt de commercialisation du gel de kétoprofène, le deuxième chiffre d’affaires du laboratoire, est un élément retenu « pour caractériser une situation d’urgence » et justifier le jugement en référé.

Si la décision du juge des référés est suspensive et s’applique immédiatement, la décision du Conseil d’Etat sur le fond du dossier interviendra d’ici un an. Mais le sort de Kétum devrait être réglé avant. La réévaluation européenne des gels de kétoprofène doit être achevée d’ici la fin du premier semestre 2010. La décision européenne s’imposera alors à la France (et aux autres Etats membres). Le gel Kétum 2,5 % semble avoir encore quelques beaux jours devant lui.