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“J’en ai assez des cystites !”

Publié le 29 août 2019
Par Nathalie Belin
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1 Je questionne

Préciser la demande

« Avez-vous des symptômes de cystite en ce moment ? », « les épisodes sont-ils fréquents ? », et « qu’a dit le médecin ? » évaluent une infection en cours, la fréquence des récidives, les indications données par le médecin et les traitements prescrits.

Délimiter le conseil

« Êtes-vous enceinte ou suivie pour une maladie particulière ? » et, en cas d’épisode déclaré, « avez-vous de la fièvre, des frissons, des douleurs lombaires ? » orientent si besoin vers le médecin.

Rechercher certains critères

« Avez-vous déjà pris quelque chose pour vous soulager ou limiter les récidives ? », « buvez-vous assez ? » et « avez-vous tendance à être constipée ? » guident les conseils et le choix du produit.

2 J’évalue

Fréquente chez la femme, une cystite est habituellement bénigne et peut même régresser spontanément sous réserve de boire beaucoup dès les premiers signes.

Des solutions conseils peuvent aider à enrayer une infection débutante ou à limiter les récidives.

Un avis médical est impératif devant des signes de pyélonéphrite tels que fièvre, frissons, douleurs lombaires, ou de risque de complications de l’infection, notamment immunodépression, grossesse, et âge supérieur à 65-75 ans. La présence de sang dans les urines est anxiogène, mais n’est pas un critère de gravité.

Toute infection urinaire chez un homme ou un enfant impose aussi de consulter.

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3 Je passe en revue

Plantes anti-infectieuses et/ou diurétiques

• À visée antiseptique urinaire : bruyère, busserole, genévrier et hibiscus sont notamment utilisés.

• À visée diurétique +/- anti-inflammatoire : bruyère, hibiscus, piloselle, pissenlit, solidage, etc.

→ La busserole. L’Agence européenne du médicament reconnaît l’usage traditionnel de la busserole pour soulager les sensations de brûlures et les mictions fréquentes liées aux cystites chez la femme. Son agent actif majeur, l’arbutine, est transformé en hydroquinone dans l’organisme, un antiseptique éliminé dans les urines. La busserole est une plante souvent proposée par les phytothérapeutes lors de cystite débutante.

→ La bruyère a une composition proche, mais est moins riche en arbutine. Les phytothérapeutes l’emploient en général en prévention des récidives.

→ L’hibiscus a fait l’objet d’études cliniques montrant un certain intérêt pour limiter les récidives.

• Précautions : ne pas utiliser par prudence lors de la grossesse. Ne pas prendre de busserole plus de 7 jours d’affilée.

Huiles essentielles à visée anti-infectieuse

Sarriette des montagnes, cannelle, thym à thymol, origan compact, riches en composés phénoliques aux propriétés antiinfectieuses, ainsi qu’arbre à thé, font partie des huiles essentielles traditionnellement utilisées pour soulager les infections urinaires. En pratique : « En cas de cystite débutante, je recommande l’huile essentielle de sarriette en association avec l’huile essentielle de romarin 1,8 cinéole, anti-inflammatoire et antalgique, à raison de 1 goutte de chaque par voie orale 5 fois par jour pendant 5 jours », indique le Dr Philippe Goeb, spécialiste en aromathérapie. Utilisation possible aussi en application locale, sauf pour la sarriette et la cannelle de Chine, entre le pubis et le nombril ou dans le bas du dos, en dilution à 5 % c’est-à-dire 1 goutte d’HE dans 19 gouttes d’huile végétale. Précautions : pas d’utilisation pendant la grossesse ni, pour les huiles essentielles à phénols, en cas d’antécédents de brûlures d’estomac ou de reflux gastro-œsophagien (RGO). Prudence en cas d’antécédents d’asthme et de convulsions. Pas plus de 5 à 7 jours de prise continue.

Avec effet « anti-adhésion »

• La canneberge américaine ou cranberry (Vaccinium macrocarpon) renferme des proanthocyanidines A (PAC A). Ces PAC A, qui agissent au niveau des adhésines de la bactérie Escherichia coli, l’empêchent de se fixer aux parois de la vessie et des voies urinaires et favorisent son élimination par les urines. Cet effet « anti-adhésion » est démontré pour une dose d’au moins 36 mg par jour de PAC A. Des études cliniques montrent un effet supérieur avec 72 mg par jour de PAC A. En pratique : malgré de nombreuses études cliniques, les données sont insuffisantes pour affirmer l’efficacité de la canneberge en prévention ou en traitement des cystites (1). « De nombreuses femmes souffrant de cystites récidivantes l’utilisent et en sont toutefois satisfaites, souligne le Dr Jean-Marc Bohbot, infectiologue. Son action peut être boostée par des plantes anti-infectieuses, la propolis ou encore les probiotiques. » L’usage de la canneberge en prévention des cystites récidivantes est cité dans les recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française de 2017 (2). Précautions : prudence sous antivitamines K au risque d’augmenter leur effet.

• D-mannose : ce sucre est présent naturellement au niveau des parois des voies urinaires sur lesquelles les bactéries Escherichia coli ont la capacité d’adhérer via des récepteurs. En concentration suffisante dans les urines, il sature ces récepteurs et prévient l’adhérence bactérienne. En pratique : des études cliniques montrent son intérêt en prévention des cystites à la dose de 2 g par jour. « Le D-mannose et la canneberge ayant un mode d’action différent, il peut être intéressant de les combiner », souligne le Dr Bohbot. Le D-mannose, pas ou peu absorbé par l’organisme, convient donc également aux patients diabétiques.

Rééquilibrage de la flore bactérienne

Les lactobacilles proposés visent à maintenir un pH acide. Ils tendent à rééquilibrer la flore vaginale et à limiter le développement d’agents pathogènes. Les germes impliqués viennent de la région périanale et colonisent le vagin avant de remonter le long de l’urètre. En pratique : différentes études cliniques montrent l’intérêt des lactobacilles pour limiter les récidives. « Je les conseille en cas de cures fréquentes d’antibiotiques, à celles qui sont sujettes aux infections vaginales et/ou en début de ménopause », précise le Dr Bohbot.

La voie vaginale permet une action plus rapide et semble plus efficace que la voie orale.

4 Je choisis

Cystite débutante

• En priorité : plantes, notamment busserole, et/ou huiles essentielles à visée antiinfectieuse pendant 5 à 7 jours.

• Éventuellement : de la canneberge en complément.

Prévention des récidives

• En relais de la busserole ou des huiles essentielles : plantes antiseptiques urinaires/ diurétiques de type bruyère ou hibiscus durant 10 à 15 jours « pour éliminer les dernières bactéries et éviter une récidive précoce », préconise le Dr Goeb.

• Si récidives fréquentes : canneberge sur plusieurs mois, +/- probiotiques, notamment si cure fréquente d’antibiotiques, début de ménopause, etc., +/- plantes à visée antiseptique urinaire/diurétique 15 à 20 jours par mois. Si échec : D-mannose, plus onéreux, éventuellement associé à la canneberge, aux plantes et/ou à des probiotiques.

• En cas de grossesse : canneberge et/ou probiotiques et/ou D-mannose.

5 J’explique

Pour enrayer une cystite, la prise de plantes ou d’huiles essentielles est d’autant plus efficace qu’elle se fait dès les premiers signes de gêne urinaire.

Sans amélioration après 48 heures, un avis médical s’impose.

Pour limiter les récidives, des mesures hygiéno-diététiques sont recommandées en complément de l’automédication (voir plus loin).

6 Je conseille

Modalités de prise

• Canneberge : en continu ou en cure de 20 jours par mois pendant plusieurs mois.

• Probiotiques par voie orale : en continu pendant 2 à 3 mois au minimum, à renouveler si besoin ; par voie vaginale : quelques jours par mois.

• Busserole et huiles essentielles : 5 à 7 jours au maximum en prise continue.

• Autres plantes : utilisation possible pendant 10 à 20 jours par mois.

• D-mannose : en continu sur plusieurs mois, « puis en cas d’efficacité, proposer une prise 1 semaine sur 2 », indique le Dr Bohbot.

• En cas de douleur : prendre du paracétamol, mais pas d’anti-inflammatoire non stéroïdien sans couverture antibiotique.

Mesures hygiéno-diététiques

• Boire pour assurer au moins 5 ou 6 mictions par jour.

• Réguler son transit en luttant contre la constipation.

• En cas de cystite postcoïtale, uriner juste après les rapports sexuels.

• Proscrire toute hygiène intime excessive notamment la pratique des douches vaginales ou encore l’usage de savons antiseptiques.

• Éviter les pantalons serrés et les sous-vêtements synthétiques.

(1) Canneberge et infections urinaires, Anses 2016.

(2) « Recommandations pour la prise en charge des infections urinaires communautaires de l’adulte », Spilf Actualisation 2017.

Avec la collaboration du Dr Philippe Goeb, spécialiste en aromathérapie, et du Dr Jean-Marc Bohbot, infectiologue, spécialiste des infections uro-génitales.

Le contexte

Une cystite aiguë est une inflammation de la vessie le plus souvent d’origine bactérienne. Les bactéries, Escherichia coli dans 70 à 95 % des cas, proviennent de la flore digestive et colonisent le vagin, puis l’urètre. Une cystite aiguë est dite récidivante si au moins 4 épisodes sont survenus au cours de 12 mois consécutifs.

→ Signes cliniques : pollakiurie (mictions fréquentes, peu abondantes), mictions impérieuses (besoin urgent d’uriner) et/ou brûlures ou douleurs en urinant. En cas de doute, une bandelette urinaire positive (leucocytes et/ou nitrites positifs) confirme le diagnostic ; une bandelette négative fait rechercher une autre origine chez la femme.

→ Évolution : une cystite aiguë « simple », sans facteur de risque de complication (anomalies de l’arbre urinaire, sondage vésical, grossesse, âge supérieur à 65-75 ans, immunodépression sévère, insuffisance rénale grave, etc.) peut guérir spontanément. Une cystite aiguë « à risque de complication » peut plus fréquemment évoluer vers une pyélonéphrite.

→ Facteurs favorisants : grossesse, modifications hormonales, diabète, immunodépression, anomalies du tractus urinaire, constipation, apports hydriques insuffisants, rapports sexuels pour les cystites postcoïtales.