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“Je voudrais un substitut nicotinique”

Publié le 23 septembre 2019
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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1 Je questionne

Préciser la demande

« C’est une bonne résolution, bénéfique pour votre santé » encourage l’initiative. « Vous voulez arrêter, ou réduire votre consommation de tabac ? » oriente vers le dosage du substitut.

Rechercher certains critères

« Quand voulez-vous arrêter ? » apprécie la motivation. « Je vous propose de faire un test pour estimer votre dépendance » incite à réaliser le test de Fagerström (voir « J’évalue » et encadré).

Guider le conseil

« Avez-vous déjà essayé des substituts nicotiniques ? Lesquels et avec quel succès ? » aident au choix.

2 J’évalue

La substitution nicotinique

• Objectifs. Les traitements nicotiniques substitutifs (TNS) sont l’un des volets de l’aide à l’arrêt du tabac dont l’objectif principal est l’abstinence et son maintien sur le long terme, via un arrêt total et immédiat ou une réduction progressive.

• Indications. Les TNS sont recommandés en première intention dans la prise en charge du patient dépendant, parallèlement à un accompagnement par un professionnel de santé pour un sevrage total, une réduction progressive ou un arrêt temporaire volontaire ou forcé (hospitalisation, etc.) dès 15 ou 18 ans selon les produits. Ils ont montré une efficacité qui double le taux d’abstinence à 6 mois.

La dépendance

Le test de Fagerström (voir encadré) évalue la dépendance et oriente la conduite à tenir et le dosage d’un éventuel TNS.

La motivation

L’accompagnement par un professionnel de santé, associé ou non à un traitement, a montré son efficacité. Il comprend un soutien psychologique avec des entretiens individuels, des conseils, des informations et un suivi. Une fiche d’aide à l’arrêt du tabac est disponible sur www.cespharm.fr.

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Passer la main

Orienter vers le médecin ou le tabacologue en cas d’antécédents de troubles anxieux, psychiatriques, de dépression, de dépendance très forte, de maladie chronique lourde (cardiovasculaire, respiratoire), de traitements dont la concentration diminue avec le tabac (AVK, clozapine…), de coaddictions (alcool, cannabis, benzodiazépines…), d’échecs répétés et de grossesse.

3 Je passe en revue

Principe

• Mode d’action. Quelle que soit la forme, les TNS soulagent des symptômes du sevrage, notamment les envies impérieuses de fumer. Ils limitent le risque de rechute en délivrant de la nicotine par voie veineuse de manière lente et régulière.

• Prise en charge. Les TNS inscrits sur la liste des médicaments remboursables sont pris en charge à 65 % sur prescription d’un médecin, dentiste, infirmier, kinésithérapeute ou d’une sage-femme.

Les formes

• Patchs. La diffusion lente de la nicotine par voie transdermique permet d’atteindre un niveau de nicotinémie stable, avec un délai d’action de 1 à 2 heures. Dosages et durée d’action : 16 heures pour ceux dosés à 10, 15 ou 25 mg de nicotine ; 24 heures pour ceux à 7, 14 ou 21 mg. Effets indésirables : signes de surdosage tels que agitation, anxiété, insomnie, rêves anormaux, étourdissements, céphalées, nausées, sueurs, hypersalivation ; réactions au site d’application, attribués le plus souvent à l’adhésif, avec irritation, sensation de brûlure, œdème, érythème, prurit, éruptions cutanées. En pratique : coller au lever sur une peau propre et sèche, sur la face externe du bras, la fesse, l’omoplate, en pressant quelques secondes. Laisser 24 heures ou retirer au coucher pour un patch de 16 heures. Changer de site chaque jour.

• Formes orales. Elles permettent l’absorption de la nicotine au niveau de la muqueuse buccale avec une action rapide, en 2 minutes, mais ponctuelle. Effets indésirables : outre les effets de surdosage, nausées, sensations de brûlure buccale et gastrique, irritation de la gorge, toux, etc., lors de déglutition trop rapide.

→ Gommes à mâcher. La nicotine liée à une résine échangeuse d’ions est libérée progressivement au niveau de la muqueuse buccale. Dosage et durée d’action : 2 ou 4 mg libèrent respectivement 1 ou 2 mg de nicotine durant 30 à 60 minutes. En pratique : mâcher une fois puis placer contre la joue 5 à 10 minutes, puis alterner lentement mastication et pause avec 1 mastication par minute en replaçant la gomme dans des endroits différents.

→ Comprimés et pastilles à sucer. La nicotine est libérée progressivement lors de la dissolution. Dosage et durée d’action : 1, 1,5, 2, 2,5 ou 4 mg. Action limitée à 20 ou 30 minutes. En pratique : sucer le comprimé sans croquer en le déplaçant dans la cavité buccale, ou laisser fondre les formes sublinguales sous la langue ou entre la joue et la gencive.

→ Inhaleur. Ce dispositif médical contient une cartouche avec un tampon imprégné de menthol et de nicotine. L’inhalation dépose des microgouttes de nicotine dans la cavité buccale. Dosage et durée d’action : 10 mg pour une durée de 20 à 80 minutes. En pratique : aspirer en adaptant la fréquence et l’intensité aux besoins. Utiliser la cartouche dans les 12 heures, car la nicotine s’évapore.

→ Spray buccal. Chaque pulvérisation de la solution en flacon pompe délivre 1 mg de nicotine. Action la plus rapide des TNS. En pratique : pulvériser une dose sur la face interne de la joue sans inhaler ou déglutir immédiatement après.

4 Je choisis

La forme

• Efficacité. Aucune forme n’est plus efficace qu’une autre.

• Recommandations. Toutes les formes sont utilisables même si la consommation de tabac perdure, sauf le spray buccal. Pour une diminution progressive, les patchs sont préférables parce qu’ils maintiennent une nicotinémie stable et limitent les envies, mais continuer de fumer avec expose à un risque accru de surdosage en nicotine. La Haute autorité de santé recommande, depuis octobre 2014, d’associer le patch aux formes orales afin d’ajuster le dosage quotidien en nicotine et de lutter contre les envies irrépressibles de fumer par des prises « à la demande ».

• Préférences. Adapter la forme au choix de la personne.

• Autres. L’âge, de 15 à 18 ans au minimum selon le produit, une prothèse dentaire excluant les gommes ou une allergie à l’adhésif des patchs sont à prendre en compte. Préférer les formes sans sucre en cas de diabète et pour éviter les caries.

Le dosage

• Titration. Le dosage initial est évalué de façon approximative via le test de Fagerström (voir encadré ci-dessus).

→ Patchs : 25 mg/16 h ou 21 mg/24 h lors de dépendance forte, 21 mg/24 h ou 15 mg/16 h si elle est moyenne, 14 mg/ 24 h ou 10 mg/16 h si elle est faible. Plusieurs patchs peuvent être associés.

→ Formes orales : 5 à 6 gommes ou comprimés par jour avec un patch de 2 à 4 mg selon le cas (en commençant par le 2 mg) ou, si utilisées seules, 8 à 12 par jour sans dépasser 30 formes à 2 mg ou 15 à 4 mg. L’inhaleur s’emploie selon les besoins sans dépasser 12 cartouches/j. Le spray buccal : 1 à 2 pulvérisations par prise, jusqu’à 4 par jour et 64 au maximum par 24 heures. À savoir : on peut s’aider de l’équivalence approximative « 1 mg = 1 cigarette ou 1/2 cigarette roulée », mais la dépendance dépend aussi du mode de consommation ou du tabac (1 cigare = 2 à 4 cigarettes).

• Ajustement dès la première semaine en cas d’éventuels signes de surdosage (palpitations, céphalées, bouche pâteuse, diarrhée, nausées, vertiges) ou de sous-dosage (troubles de l’humeur, insomnie, irritabilité, anxiété, difficultés de concentration, augmentation de l’appétit, persistances de pulsions à fumer, etc.).

• Entretien et diminution. Maintenir la dose au moins 1 mois et aussi longtemps que nécessaire. Diminuer progressivement, en commençant par réduire le dosage du patch et en conservant les formes orales à la demande. Poursuivre le traitement total au moins 3 mois pour limiter les rechutes, mais ce peut être plus long.

5 J’explique

Les substituts nicotiniques diffusent de la nicotine lentement et régulièrement contrairement aux « pics » de la cigarette. Bien dosés, ils permettent de se libérer peu à peu de la dépendance physique. Ils augmentent les chances d’y arriver mais, dans tous les cas, la motivation est essentielle. Parfois, de nombreux essais sont nécessaires. Rechuter arrive, ce n’est pas grave. Pour éviter les rechutes, il est primordial de trouver la bonne dose et de ne pas la diminuer trop vite. Dites : « Je vous propose un suivi régulier à l’officine avec un entretien dans quelques jours pour évaluer votre ressenti. »

6 Je conseille

Utilisation

Indiquer mode d’emploi et précautions : • Ne pas laisser à la portée des enfants en raison d’un risque d’intoxication à la nicotine potentiellement grave.

• Avec un patch : éviter de le découper. La douche est possible en veillant à ne pas l’asperger directement. Mieux vaut l’ôter et le recoller sur la peau sèche après un bain. Ne pas l’enlever en cas d’envie irrépressible de fumer. Lors d’irritation malgré un changement quotidien de site d’application, essayer une autre marque.

• Avec une forme orale : ne pas mâcher les gommes comme un chewing-gum car une mastication trop rapide diminue l’efficacité, avec un risque accru d’effets indésirables comme le hoquet, l’irritation de la gorge, etc. Il en est de même pour la déglutition des comprimés. Éviter de pulvériser le spray dans la gorge.

Substitution

Si le patient est bien équilibré, l’ANSM recommande de ne pas substituer une marque de patch par une autre, la bio-équivalence n’étant pas garantie.

Aides comportementales

• Lors d’envie de fumer : prendre un TNS oral avant que l’envie ne soit trop forte. Patienter quelques minutes, boire, se relaxer, garder à l’esprit que la pulsion forte ne dure pas.

• Orienter si besoin vers le soutien de Tabac Info Service sur www.tabac-infoservice. fr.

Hygiène de vie

• Pratiquer une activité physique pour s’occuper et éviter les situations de stress.

• Une prise de poids est possible car le tabac a un effet coupe-faim et brûleur de calories. Environ 3 à 5 kg de plus en moyenne sont à prévoir. Éviter le grignotage. Manger équilibré autant que possible et se rassurer, les kilos superflus pourront se perdre par la suite.

• Des troubles de l’humeur sont probables au début, liés au changement comportemental et à l’arrêt de l’effet sérotoninergique du tabac, car la nicotine inhalée induit une libération accrue de certains neuromédiateurs, dont la sérotonine. S’ils perdurent, consulter.

• En cas de constipation, car le tabac accélère la vidange gastrique, enrichir son alimentation en fibres. Si besoin, prendre ponctuellement un laxatif doux.

• L’apparition d’une toux est classiquement observée au cours des 2 à 3 premières semaines de sevrage, liée à la fluidification des sécrétions bronchiques grâce à l’arrêt du tabac fumé.

Le contexte

• Fumer entraîne rapidement un désir physique et psychique de continuer à fumer, une dépendance qui concerne aussi d’autres formes de tabac. Elle apparaît dès les premières semaines de consommation, même faible, et persiste après l’arrêt.

• Cette dépendance se caractérise par la perte de liberté de s’abstenir de consommer, associée à un syndrome de sevrage lors de l’arrêt avec anxiété et irritabilité. La dépendance « psychologique » est la sensation de plaisir et d’émotions liées au fait de fumer ; celle « comportementale » est le « réflexe conditionné » qui incite à fumer dans certaines situations. Ces deux dépendances nécessitent, dans un contexte de sevrage, d’apprendre à se passer de la gestuelle et à remplacer l’effet « plaisir » induit par la cigarette. Accompagnement psychologique, thérapies cognitivo-comportementales ou autre traitement du sevrage peuvent se révéler nécessaires.

Test de Fagerström en 6 questions

1. Le matin, combien de temps après être réveillé(e) fumez-vous votre première cigarette ?

a. Dans les 5 minutes 3

b. 6 à 30 minutes 2

c. 31 à 60 min 1

d. Plus de 60 min 0

2. Trouvez-vous qu’il est difficile de vous abstenir de fumer dans les endroits où c’est interdit ?

a. Oui 1

b. Non 0

3. À quelle cigarette renonceriez-vous le plus difficilement ?

a. La première de la journée 1

b. À une autre 0

4. Combien de cigarettes fumez-vous par jour en moyenne ?

a. 10 ou moins 0

b. 11 à 20 1

c. 21 à 30 2

d. 31 ou plus 3

5. Fumez-vous à intervalles plus rapprochés pendant les premières heures de la matinée que durant le reste de la journée ?

a. Oui 1

b. Non 0

6. Fumez-vous lorsque vous êtes malade au point de devoir rester au lit presque toute la journée ?

a. Oui 1

b. Non 0

Interprétation

→ De 0 à 2 : pas de dépendance.

→ De 3 à 4 : dépendance faible.

→ De 5 à 6 : dépendance moyenne.

→ De 7 à 10 : dépendance forte ou très forte.

Remarque : il existe une version simplifiée du test de Fagerström en 2 questions (questions 1 et 4 du test complet) dont l’interprétation est la suivante : 0-1, pas de dépendance ; 2-3, dépendance modérée ; 4 à 6, dépendance forte.