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Je voudrais un bain de bouche

Publié le 26 octobre 2013
Par Nathalie Belin
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1 Je questionne

Cernez les risques

« Pour quelles raisons voulez-vous un bain de bouche ? » et « Avez-vous consulté un dentiste ? » identifient un trouble éventuel et son évolution. « Quelles sont vos habitudes en matière d’hygiène buccale (brossage, brossettes, etc.) ? » évalue les soins et permet de donner des conseils si besoin.

Précisez la demande

« À qui est-il destiné ? », « En avez-vous déjà utilisé ? », selon le cas « Lequel ? », « Comment ? » et « Depuis combien de temps ? » ciblent le produit et permettent de rectifier un mauvais usage tel que l’utilisation quotidienne ou prolongée d’un bain de bouche antiseptique.

2 J’évalue

Gencives rouges et enflées, saignements, mauvaise haleine, tout changement buccal doit inciter à consulter un dentiste. Un bain de bouche adapté au trouble décrit peut être conseillé en attendant le rendez-vous.

Les bains de bouche s’utilisent à partir de 6 ans ou lorsque l’enfant sait recracher, sur recommandation du dentiste.

Ces solutions à usage local s’emploient le plus souvent en complément du brossage. Sauf situations particulières (voir interview), leur usage au long cours n’est pas justifié.

3 Je passe en revue

À visée thérapeutique

Les bains de bouche à visée thérapeutique sont des médicaments indiqués dans le traitement local d’appoint des infections de la cavité buccale et des soins postopératoires en stomatologie. Tous renferment des antiseptiques : chlorhexidine, hexétidine, benzoate de sodium, povidone iodée… Ils diminuent la prolifération bactérienne, donc la formation de la plaque dentaire et l’inflammation gingivale. Les bains de bouche avec de la chlorhexidine à une concentration d’au moins 0,12 % sont remboursés : Paroex, Prexidine, Eludril Perio 0,2 %. À cette concentration, elle a une action directe et rémanente sur les germes buccaux. L’association chlorhexidine 0,1 % et chlorobutanol est aussi prise en charge (Eludril Gé). Le chlorobutanol a une action antiseptique et légèrement analgésique.

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Les bains de bouche « de confort »

Ils ont un statut de cosmétique ou de dispositif médical. Les allégations varient selon leurs composants : sensibilité dentaire, protection caries, gencives sensibles, mauvaise haleine, blancheur. Beaucoup revendiquent un usage quotidien.

– Actifs limitant l’inflammation gingivale et la plaque dentaire. Ce sont des antiseptiques plus faiblement concentrés que les bains de bouche médicamenteux : chlorhexidine entre 0,04 % et 0,06 %, hexétidine, cétylpyridinium… ; des agents vasculoprotecteurs visant à diminuer les saignements : perméthol… ; des anti-inflammatoires ou apaisants : aloe vera, provitamine B5… ; du delmopinol, molécule de synthèse qui limite la fixation des bactéries à la surface des dents.

– Dérivés fluorés (fluorure de sodium…). Ils favorisent la reminéralisation, donc renforcent l’émail, et limitent le risque carieux sous réserve d’être suffisamment concentrés (au moins 200 ppm).

– Agents limitant l’hypersensibilité dentinaire. Les sels d’étain « obturent » les zones de l’émail mises à nu, le nitrate de potassium réduit l’influx nerveux.

– Lactate ou acétate de zinc. Ils neutralisent les composés sulfurés volatils à l’origine d’une mauvaise haleine.

– Chlorure de zinc. Il limite la formation du tartre.

– Des huiles essentielles. Elles sont rafraîchissantes (menthe, anis, eucalyptus), aux propriétés antiseptiques (thym, eucalyptus… dans Glyco-Thymoline) ou analgésiques (eugénol dans Alodont). Certaines renferment des dérivés terpéniques déconseillés en cas d’antécédents de convulsions.

4 Je choisis

En fonction de la plainte

– À visée antiseptique : pour protéger les gencives, limiter les saignements gingivaux.

– Fluor : pour prévenir un risque carieux (brossage inadapté, grignotages…).

– Autres : pour la mauvaise haleine, corriger une hypersensibilité dentinaire.

En fonction de l’âge ou du contexte

L’alcool renforce le goût, donne une impression « d’efficacité », mais il est contre-indiqué chez l’enfant et lors du sevrage alcoolique.

Pas d’huiles essentielles en cas d’antécédents de convulsions.

Pour un usage quotidien

En dehors d’une recommandation médicale, si un bain de bouche est employé quotidiennement ou sur une longue période, orienter vers une référence sans alcool (potentiellement irritant) et sans antiseptique car l’action antibactérienne peut déstabiliser la flore buccale en cas d’usage quotidien prolongé.

5 J’explique

Le recours quotidien à un bain de bouche n’est pas indispensable à une bonne hygiène bucco-dentaire (voir interview) ; certains sont même à éviter au long cours, hors recommandation. Le bain de bouche ne doit pas remplacer le brossage sauf cas particulier (postopératoire).

Ceux à visée thérapeutique s’emploient une à deux semaines maximum, sauf cas particulier.

La chlorhexidine, même peu concentrée, peut colorer en brun la langue et des dents ; cet effet est réversible à l’arrêt.

6 Je conseille

Utilisation

Se brosser soigneusement les dents ; se rincer la bouche à l’eau ; puis garder le bain de bouche au moins 30 secondes avant de le recracher ; si besoin, procéder en plusieurs fois jusqu’à épuiser le gobelet-doseur. Ne pas rincer la bouche ensuite.

Prévention

– Utiliser un dentifrice adapté au trouble : sensibilité dentinaire…

– Éviter : les grignotages entre les repas, les excès acides (sodas, agrumes…), tout brossage énergique après une exposition aux acides (jus de fruits le matin, vomissements…) en raison d’un risque accru d’érosion dentaire.

– Une visite tous les six mois ou au moins une fois par an chez un chirurgien-dentiste pour détecter une carie et effectuer si besoin un détartrage.

Le contexte

Le brossage élimine la plaque dentaire, composée de débris alimentaires et de bactéries, qui se forme après chaque prise alimentaire ; sinon, elle peut se durcir sous l’action de minéraux (calcium, phosphore) et se transformer en tartre, principale cause des maladies parodontales, des caries et de la mauvaise haleine.

Une bonne hygiène bucco-dentaire repose sur le brossage des dents, idéalement trois fois par jour et au moins matin et soir avec un dentifrice fluoré. Le fluor a démontré son efficacité dans la prévention des caries.

L’utilisation d’un fil dentaire ou de brossettes qui éliminent les résidus alimentaires et la plaque dentaire aux endroits difficilement accessibles à la brosse à dents peut parfois compléter le brossage.

Interview

Dr Vianney Descroix, chirurgien-dentiste, pharmacien, service d’odontologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

Un bain de bouche au quotidien est-il utile ?

Il n’a réellement d’intérêt que lorsque le risque d’apparition de caries ou de maladies parodontales est augmenté : brossage imparfait (personnes à mobilité réduite, certains enfants ou ados), appareil orthodontique, certains médicaments (corticoïdes au long cours qui augmentent le risque de caries, traitements induisant une hyposialorrhée comme les antidépresseurs…), mauvaises habitudes alimentaires telles que le grignotage, l’excès de sodas ou d’aliments acides provoquant des « attaques acides » à l’origine d’une hypersensibilité dentaire. Ceux ciblant la mauvaise haleine peuvent être utiles dans l’halitose d’origine buccale (80 % des cas) après correction éventuelle de facteurs favorisants (carie, gingivite, brossage défectueux…) par le dentiste. Les bains de bouche à visée blancheur sont clairement inefficaces ; seuls des produits concentrés appliqués sur la dent directement peuvent revendiquer une action éclaircissante.