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“Je voudrais quelque chose contre les hémorroïdes”

Publié le 27 août 2020
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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1 Je questionne

Préciser la demande

« Depuis quand souffrez-vous ? Est-ce la première fois ? Est-ce une gêne ou une forte douleur ? » recherchent les signes cliniques et les circonstances d’apparition.

Rechercher des signes d’alerte

« Avez-vous noté la présence de sang dans vos selles ? Je peux vous demander votre âge ? Avez-vous perdu du poids récemment ou noté une modification de votre transit, avec diarrhée ou constipation ? » pistent des signes d’alerte.

Évaluer la prise en charge

« Êtes-vous enceinte ? Souffrez-vous d’une maladie intestinale chronique ? De constipation ? Avez-vous déjà utilisé un traitement, et si oui lequel ? » ciblent le conseil.

2 J’évalue

Une crise hémorroïdaire sans signes d’alerte (voir ci-après), chez un adulte de moins de 50 ans qui a déjà eu une crise diagnostiquée par un médecin, est du ressort officinal. Orientez vers le médecin pour une première crise et/ou les plus de 50 ans, notamment en cas de saignements car le risque de cancer colorectal augmente à cet âge, et/ou en cas de maladie inflammatoire de l’intestin ; en présence de signes d’alerte : perte de poids inexpliquée, asthénie, modification de la consistance des selles, présence de sang mêlé aux selles. Idem si la douleur et la congestion sont très fortes et/ou si la crise dure depuis plus de huit jours sans amélioration malgré le traitement, ou si elle récidive souvent, et si c’est un enfant chez qui la maladie hémorroïdaire est rare afin que le médecin écarte une fissure anale.

3 Je passe en revue

Les traitements, surtout symptomatiques, facilitent l’exonération des selles, diminuent la douleur et la gêne, voire les saignements. Les règles hygiéno-diététiques, et si besoin les laxatifs, luttent contre la douleur, favorisent l’exonération et limitent les saignements. La régulation du transit, notamment contre la constipation, facteur déclenchant et aggravant, fait partie du traitement et a une efficacité préventive au long cours.

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Soulager

• Topiques. En gel, crème, pommade, suppositoire, ils améliorent les symptômes. Actifs. La vaseline seule, ou associée à des actifs lubrifiants et filmogènes (carraghénates, glycérine, acide hyaluronique…), vasculoprotecteurs (esculoside, extrait de marron d’Inde…), antiseptiques (cétrimide, dodéclonium…), assainissants et/ou cicatrisants (oxydes de zinc et de titane, calendula…), à visée anti-inflammatoire (énoxolone, Paeonia officinalis, également antalgique), voire un anesthésique local (amyléine, lidocaïne, benzocaïne, quinisocaïne ou promocaïne). L’hélichryse dans Néofitoroid est cicatrisante, anti-inflammatoire et décongestionnante. Précautions : les anesthésiques peuvent provoquer une irritation locale, voire une allergie. Mode d’emploi : en application locale matin et soir et après chaque selle (voir tableau pour les posologies) jusqu’à disparition des symptômes, sept jours maximum. Certains produits sont munis d’une canule pour faciliter l’administration : en monodose dans Micro H Gel hémorroïdaire ou multidose (Titanoréïne crème, Rectoquotane, Tronothane…) ; la nettoyer à l’eau chaude et au savon après utilisation. Il est possible d’employer des doigtiers et d’enrober le suppositoire dans une forme pommade pour faciliter son insertion.

• Veinotoniques oraux. Ils visent à améliorer la circulation locale en augmentant le tonus veineux et en diminuant la perméabilité des capillaires. Ils ont un effet modeste sur la douleur, le prurit et les saignements. Actifs : extraits de marronnier d’Inde, vigne rouge, hamamélis, petit houx, ginkgo biloba, actifs d’origine végétale, tels esculoside, rutosides, hespéridines, ou de synthèse, avec diosmine, troxérutine, heptaminol. Galéniques : tisanes, gélules, comprimés, solution buvable dans les médicaments BiCirkan, Esberiven, Ginkor Fort, Cyclo 3 Fort, Mediveine, Veinamitol, Daflon 1 000 mg, Elusanes Vigne rouge ou Marronnier d’Inde, Histofluine P… ou en compléments alimentaires : Superdiet Extrait fluide Vigne rouge, Nep Phyto Marronnier d’Inde… Posologies : à forte dose d’emblée, en cure courte sur cinq à quinze jours. Effets indésirables : possibles troubles digestifs, minorés en les prenant au cours d’un repas. Précautions : ne pas associer l’heptaminol aux IMAO et ne pas l’utiliser en cas d’hypertension artérielle sévère, au risque de poussée hypertensive, et en cas d’hyperthyroïdie. Ginkgo biloba nécessite un avis médical sous anticoagulant ou anti-épileptique.

• Antalgiques si fortes douleurs. Paracétamol ou ibuprofène, en respectant les précautions, à des doses et durées les plus faibles possible sans dépasser cinq jours. Éviter l’aspirine, qui favorise les saignements.

Réguler le transit

Conseiller un laxatif doux si les règles hygiéno-diététiques sont insuffisantes : activité physique quotidienne, hydratation, consommation accrue de fibres, avec des légumes, des céréales complètes… Choisir un laxatif de lest type pectine de fruit, psyllium ou ispaghul (Ortis, Psyllium Langlebert, Ispaghul Mucivital…) ou osmotique, à base de lactulose, sorbitol ou lactilol (Intrait de marron d’Inde « T », qui associe lactulose et marronnier d’Inde, Sorbitol Delalande…) ou un macrogol (Transipeg Lib, Forlax…), mieux toléré par les intestins sujets aux ballonnements. Le tamarin exerce des effets laxatifs. Mode d’emploi : augmenter peu à peu la dose pour limiter le risque d’inconfort intestinal. Prendre les laxatifs de lest avec un grand verre d’eau et les osmotiques plutôt le matin.

4 Je choisis

Selon les symptômes

• Gêne modérée : topique(s) simple(s). Associer suppositoire et pommade pour une action complémentaire sur différents segments du canal anal.

• Douleurs plus soutenues : topique avec anesthésique local +/- antalgique oral. Les veinotoniques ont montré un effet bénéfique en cas de saignements. Ils peuvent être associés au traitement local.

• En cas de constipation, ajouter un laxatif.

Chez la femme enceinte

En cas de besoin d’un traitement local, le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) s’appuie sur les données pour préférer Titanoréïne ou Titanoréïne lidocaïne, Tronothane et Rectoquotane. Éviter les AINS en début de grossesse et les contre-indiquer à partir du sixième mois. Comme veinotoniques, le Crat préconise la diosmine (Daflon, Diovenor…), l’héspéridine (Daflon, BiCirkan…), la troxérutine (Rhéoflux, Veinamitol…), ou les rutosides (Esberiven, Véliten…), faute de données suffisantes sur les autres molécules.

En préventif

Si les règles hygiéno-diététiques ne suffisent pas, optez pour un laxatif de lest type ispaghul.

5 J’explique

Les traitements visent à soulager jusqu’à résolution de la crise. Solutions locales et veinotoniques peuvent s’associer pour une action synergique. Réguler le transit facilite aussi la prévention. Conserver les règles hygiéno-diététiques de base après la crise en cas de tendance à la constipation. Si les symptômes ne s’améliorent pas rapidement, ou si les crises récidivent, consulter le médecin. Alcool, tabac, café et activités sportives sont parfois incriminés, sans que leur rôle ne soit validé.

6 Je conseille

• Toilette locale : matin et soir et après chaque selle avec un syndet enrichi en agents apaisants et antiprurigineux : Aderma Derm’Intim, Lipikar AP, Manhaé Soin intime… Privilégier la douche à un bain chaud qui favorise la vasodilatation.

• Aux toilettes. Si le papier irrite, utiliser des lingettes imprégnées : Saugella Dermoliquide, Rogé Cavailles Lingettes intimes, et pour la crise Micro H Lingettes à base d’acide hyaluronique protecteur, d’extrait de marron d’Inde, et de panthénol apaisant. Essuyer en tamponnant.

• L’effet antalgique et vasoconstricteur du froid peut faire du bien en bains de siège, en compresses imbibées, voire en stick, comme Cryochrono Hemo Coldstick, à placer au congélateur.

Le contexte

Les hémorroïdes sont des formations vasculaires en réseau qui participent à la continence anale. Elles sont dites internes dans le canal anal et externes à la marge de l’anus. La maladie hémorroïdaire est une inflammation et une dilatation des hémorroïdes causée par une hausse de la pression sanguine. Elle se manifeste par crises.

→ Clinique : typiquement, il y a une thrombose (tuméfaction) douloureuse pour les externes et un prolapsus (extériorisation) à la défécation pour les internes. Gêne, douleur, œdème, saignements et démangeaisons sont plus ou moins présents. L’évolution est en général favorable en quelques jours à semaines. Des marisques (petits replis de peau péri-anale qui pendent à l’anus, souples et asymptomatiques) peuvent persister.

→ Les facteurs de risque validés sont la grossesse, le post-partum, les troubles du transit.

→ Le traitement est médical en première intention. En cas d’échec ou de prolapsus important, l’excision ou incision peut être nécessaire.