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“Je voudrais des patchs pour arrêter de fumer”

Publié le 26 octobre 2016
Par Nathalie Belin
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1 Je questionne

Préciser la demande

« Bravo ! Est-ce votre première tentative ? » Si non, « Comment se sont déroulés les essais précédents ? », « Avez-vous déjà utilisé des patchs ou autres substituts nicotiniques ? Lesquels et comment ? » délimitent le cadre de prise en charge.

Rechercher certains critères

« Combien de cigarettes fumez-vous par jour ? » et « Quel délai entre le réveil et la première cigarette ? » évaluent la dépendance. « Êtes-vous suivi (e) pour une maladie ? » et selon le cas, « Êtes-vous enceinte ? » affinent le conseil.

2 J’évalue

Intérêt des substituts nicotiniques

Les substituts nicotiniques (SN) sont le traitement médicamenteux de première intention du sevrage. Ils apportent un confort en réduisant les symptômes de manque et augmentent le taux de succès dès lors qu’il existe une dépendance à la nicotine évaluée par le test de Fagerström, classique ou simplifié (voir encadré).

Limites

L’efficacité des substituts est modeste. Au bout d’un an, sur 100 fumeurs souhaitant arrêter le tabac, 16 s’en sont libérés en prenant de la nicotine et 10 sans rien prendre (source : La revue Prescrire). Pour arrêter, le plus important est d’en avoir envie et d’être motivé (lire Les mots pour, Porphyre n° 526). Les SN sont une aide pour limiter le manque chez ceux qui fument au moins 15 cigarettes par jour.

Leur place

Délivrer des substituts et accompagner le fumeur dans sa démarche d’arrêt font partie des missions officinales. Orienter vers une consultation spécialisée (sur www.tabac-info-service.fr) :

• les dépendants sévères : fumer dans les 30 minutes après le réveil, addiction comportementale avec peu de cigarettes, problèmes psychologiques ou psychiatriques (dépression, anxiété…), co-addictions (cannabis, alcool, opiacés…) ;

• en cas d’enjeux particulièrement importants : risque cardio-vasculaire élevé, femmes enceintes ou allaitantes, BPCO… ;

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• en cas d’échecs successifs.

3 Je passe en revue

Principe

Les substituts nicotiniques délivrent de la nicotine par voie veineuse de manière lente et régulière, via une absorption transcutanée pour les patchs ou buccale pour les formes orales. Ils permettent de se libérer progressivement de la dépendance physique en limitant le syndrome de sevrage : irritabilité, anxiété, humeur dépressive, agitation, troubles du sommeil.

Différentes formes de substituts

À posologie égale, les différentes formes ont une efficacité équivalente. Prévoir une sorte de « trousse de comptoir » avec un échantillon de chacune pour les montrer.

• Patchs : 25, 15 ou 10 mg/16 heures ; 7, 14 ou 21 mg/24 heures. Appliqué au lever, le patch « 16 heures » se retire au coucher, le patch « 24 heures », le lendemain matin. Hormis chez ceux qui se réveillent par l’envie de fumer, enlever le patch la nuit car risque de troubles du sommeil. Caractéristiques : discret, diffusion lente et régulière de nicotine avec début d’action environ une heure après application. Effets indésirables : irritations, allergies, changer alors de marque.

• Gommes : 2 et 4 mg, sans sucre et différents parfums. Caractéristiques : l’effet se fait ressentir après quelques minutes, la concentration maximale de nicotine dans le sang est obtenue en 30 minutes environ. La quantité de nicotine libérée est moindre que celle présente dans la gomme et une partie est avalée et non absorbée, d’où une moindre efficacité. Effets indésirables : hoquets, brûlures d’estomac, irritations de la gorge, inconfort abdominal si gomme mâchée trop vite.

• Comprimés sublinguaux et pastilles à sucer : 1 ; 1,5 ; 2 ; 2,5 et 4 mg, différents parfums, sans sucre. Caractéristiques : forme discrète sans mastication, avec une cinétique proche des gommes. La nicotine est libérée et absorbée à travers la muqueuse buccale en 30 minutes environ, 10 minutes pour les petits comprimés (Niquitinminis). En cas de succion trop rapide, une partie de la nicotine ne diffuse pas à travers la muqueuse buccale mais est avalée. Effets indésirables : hoquets, irritations de la gorge, inconfort abdominal si comprimé sucé trop vite.

• Inhaleur. Caractéristiques : substitut rappelant le geste de la cigarette, contenant une cartouche de 10 mg de nicotine. L’air aspiré traverse le petit tampon poreux de la cartouche et se charge de micro-gouttelettes de nicotine absorbées par la muqueuse buccale. Le goût tabac est apprécié par certains. Effets indésirables : toux et irritation buccale possible.

• Spray buccal : solution pour pulvérisation buccale à 1 mg/dose. Le spray a l’absorption la plus rapide, avec un effet sur l’envie de fumer ressenti dès la première minute après administration. Effets indésirables : hoquets, irritations de la gorge, inconfort abdominal possible.

Quel dosage ?

• Selon le degré de dépendance pharmacologique. Pour les plus fortement dépendants, utiliser les dosages les plus élevés. 1 cigarette = 1 mg de nicotine = 1 mg de substitut, donc 1 paquet de 20 cigarettes par jour = 1 patch à 21 mg/24 heures ou 25 mg/16 heures. 1 cigarette à rouler équivaut à 2 ou 3 cigarettes normales. Le type de cigarette plus ou moins légère n’a pas d’influence car tout dépend de l’intensité de l’inhalation. Plusieurs patchs peuvent être nécessaires, sur avis médical pour les fortes dépendances.

• Ajuster les doses dans tous les cas pour éviter tout sous-dosage : persistance de l’envie de fumer, irritabilité, nervosité, concentration difficile… Cela peut nécessiter plusieurs jours. Le surdosage est plus rare : nausées, bouche pâteuse, dégoût du tabac, diarrhées, insomnie, maux de tête…

Différentes utilisations

• Arrêt total, sevrage progressif ou abstinence temporaire : lieux publics, intervention chirurgicale…

• Il n’y a aucune contre-indication à leur utilisation sauf l’âge (15 ans pour les patchs et 15-18 ans pour les autres), y compris patient coronarien ou à risque cardio-vasculaire, femme enceinte après échec d’une intervention non pharmacologique.

Législation

• Remboursement forfaitisé par l’Assurance maladie (et certaines mutuelles) sur prescription de médecin, sage-femme, chirurgien-dentiste, infirmier ou kinésithérapeute, dans la limite de 50 € par année civile, 150 € pour les femmes enceintes, les 20 à 30 ans, les bénéficiaires de la CMU et les ALD pour cancer.

• L’ordonnance doit être réservée aux substituts nicotiniques. Pas de tiers payant.

4 Je choisis

En fonction de l’objectif

• Arrêt total du tabac : « Il faut inciter à associer patch et formes orales pour un sevrage ‘‘sur mesure” », insiste le Dr Le Maître, de l’unité de coordination de tabacologie du CHU de Caen (14). Le patch évite une trop forte sensation de manque tout au long de la journée grâce à une diffusion constante de nicotine. Les formes orales pallient, elles, les envies ponctuelles de fumer.

• Sevrage progressif : les formes orales ou les patchs sont utilisés afin de diminuer sa consommation de tabac sans compenser en « tirant » plus sur ses cigarettes restantes. En pratique, les cigarettes indispensables sont conservées et les « superflues » remplacées par un substitut oral ou un patch. Peu à peu, on réduit le nombre de cigarettes jusqu’au sevrage.

• Abstinence temporaire : utilisation de formes orales à la place de la cigarette.

Forme galénique

• En fonction des préférences : besoin de mâcher, d’une forme plus discrète.

• Dépendance comportementale forte : l’inhaleur peut avoir plus d’attrait.

• Pallier un besoin urgent de fumer : spray.

• Femme enceinte, allaitante : formes orales privilégiées du fait d’une moindre durée d’action. Si un patch est nécessaire (nausées de la grossesse), l’ôter la nuit. Lors de l’allaitement : forme orale juste après une tétée ou au moins deux heures avant.

5 J’explique

Les SN diffusent de la nicotine lentement et régulièrement contrairement aux « pics » de la cigarette. Bien dosés, ils permettent de se libérer peu à peu de la dépendance physique. Ils augmentent les chances d’y arriver mais, dans tous les cas, la motivation est essentielle. Parfois, de nombreux essais sont nécessaires avant d’arrêter. Rechuter arrive, ce n’est pas grave.

6 Je conseille

Attention au sous-dosage

• La plupart veulent trop réduire ou trop vite la dose de nicotine. Or, le sous-dosage est facteur d’échec. « Il faut utiliser assez de formes orales sous patch pour que le sevrage soit confortable, explique le Dr Le Maître. Seules les formes orales les plus faiblement dosées ont l’AMM en association aux patchs, mais en pratique, on peut utiliser des dosages supérieurs si besoin. Et appliquer plusieurs patchs ou la moitié d’un ».

• Faire un point dès la première semaine pour adapter au besoin la posologie. Une fois les doses trouvées, les maintenir trois à quatre semaines ou plus, avant de diminuer le dosage des patchs et en continuant les formes orales à la demande. Proposer un point toutes les deux à trois semaines.

Utilisation

• Formes orales. Ni boire ni manger en même temps, au risque d’une moindre efficacité. Déconseiller boissons acides (sodas) ou café 15 à 30 minutes avant car cela diminue l’absorption de la nicotine.

• Patch. Aucun danger à fumer avec, l’aspiration de la fumée est d’ailleurs alors moins forte. C’est une méthode reconnue de réduction de consommation de tabac chez les patients pas prêts à un sevrage total. En revanche, dans un sevrage total, cela traduit un sous-dosage. Retirer le patch pour fumer est inutile car la nicotine diffuse toujours deux heures après. Les patchs usagés renferment encore de la nicotine ; les mettre dans Cyclamed pour éviter toute intoxication chez l’enfant.

Durée de traitement

• Il n’y en a pas. La durée doit être suffisante pour prévenir les rechutes : 3 mois et jusqu’à 6-12 mois, voire plus. Le risque de dépendance aux SN n’existe pas… ou très peu et concerne les formes orales. Il s’agit plutôt d’une dépendance comportementale. Cela reste préférable à fumer.

• En cas de difficultés, discuter avec un tabacologue : Tabac Info Service au 39 89, www.tabac-info-service.fr. Et/ou entamer une thérapie cognitivo-comportementale (liste sur www.aftcc.org).

• Et la cigarette électronique ? Pourquoi pas car elle est moins nocive à court terme : pas de combustion, donc ni monoxyde de carbone et dérivés cancérigènes de la fumée.

Hygiène de vie

• La prise de poids peut être contrôlée par du bon sens mais il faut peut-être accepter de prendre quelques kilos, que l’on perdra ensuite. Un fumeur est en sous-poids. Arrêter de fumer, c’est 200 kilocalories brûlées en moins et 3 ou 4 kg en plus…

• Humeur dépressive passagère : la nicotine inhalée induit une libération accrue de certains neuromédiateurs, dont la sérotonine. À l’arrêt du tabac, il faut quelques semaines pour que le corps se réadapte. Si cela persiste, consulter.

• Ballonnements et/ou constipation transitoires car la nicotine accélère la vidange digestive et intestinale : laxatifs doux ou adsorbants peuvent être proposés.

• Autres : l’arrêt du tabac améliore la fluidification des sécrétions bronchiques, d’où des expectorations 2-3 semaines après l’arrêt. Tension mammaire, acné (action hormonale indirecte de la nicotine) et aphtose buccale rares et passagères.

• Attention aux médicaments dont l’action est modifiée à l’arrêt du tabac : AVK, clozapine, olanzapine, halopéridol, flécaïnide, antidépresseurs tricycliques, fluvoxamine, héparines… Vérifier les interactions et consulter le médecin au besoin. Chez les gros buveurs de café, l’arrêt peut entraîner un surdosage en caféine car le tabac accélère son catabolisme.

Avec la collaboration du Dr Béatrice Le Maître, unité de coordination de tabacologie, CHU de Caen (14).

Le contexte

• Fumer entraîne très vite un fort désir physique et psychique de continuer à fumer, c’est la dépendance. Et génère un état de manque à l’arrêt, avec anxiété et irritabilité. La dépendance « psychologique » est la sensation de plaisir et d’émotions liées au fait de fumer. La dépendance « comportementale » est le « réflexe conditionné » qui incite à fumer dans certaines situations : café, alcool, convivialité… Ces deux dépendances, fortes selon les personnes, nécessitent, dans un contexte de sevrage, d’apprendre à se passer de la gestuelle et à remplacer l’effet « plaisir » induit par la cigarette. Dans ces cas, un accompagnement psychologique « étroit », le recours aux thérapies cognitivo-comportementales ou à un autre traitement du sevrage peuvent être nécessaires.

• Plus de 70 % des fumeurs souhaitent arrêter (ligue-cancer.net, lire Porphyre n° 526). Certains y arrivent sans aide, surtout en cas de faible dépendance. Il est souvent nécessaire de multiplier les tentatives d’arrêt avant d’obtenir une abstinence totale. L’aide d’un professionnel de santé, même non tabacologue, accroît les chances de succès.

Test de Fagerström simplifié

Ce test de deux questions permet d’évaluer rapidement la dépendance physique d’un fumeur.

1. Combien de cigarettes fumez-vous par jour ?

a. 10 ou moins 0

b. 11 à 20 1

c. 21 à 30 2

d. 31 ou plus 3

2. Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ?

a. Dans les 5 minutes 3

b. 6 à 30 minutes après 2

c. 31 à 60 minutes après 1

d. Plus d’une heure 0

Interprétation

→ Entre 0 et 1 : pas de dépendance.

→ Entre 2 et 3 : dépendance modérée.

→ Entre 4 et 6 : dépendance forte.