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« Je viens de me faire tatouer »

Publié le 1 mai 2012
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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L’évolution favorable d’un tatouage récent est assurée pour moitié par des soins adéquats. La cicatrisation en milieu humide est l’alternative la plus efficace.

Les tatouages

Tatouer consiste à introduire des pigments ou des colorants sous la peau, qui apparaissent ensuite par transparence en laissant un dessin définitif. Il se réalise généralement à l’aide d’un dermographe, appareil électrique muni d’aiguilles qui se déplacent rapidement de haut en bas pour percer la peau et déposer une encre entre le derme et l’épiderme. La profondeur de la piqûre varie entre 1 et 4 mm selon l’épaisseur de la peau à l’endroit tatoué.

Les risques

• Infections. Le tatouage est une effraction cutanée, porte d’entrée d’éventuelles infections, le plus souvent dues aux bactéries cutanées (streptocoques, staphylocoques, pseudomonas). Plus rarement, et en lien surtout avec une mauvaise hygiène durant l’acte, des virus peuvent être transmis (VIH, hépatites B et C, Herpes virus).

• Allergies. Une allergie aux différents pigments utilisés est possible. Elle se manifeste en général par un eczéma de contact ou une photosensibilisation qui peut apparaître des mois voire des années après.

• Chéloïdes. Cicatrisation hypertrophique avec apparition de bourrelets fibreux plus ou moins ramifiés.

• Apparition ou aggravation de pathologies cutanées. Risque d’effet rebond ou d’apparition de lésions nouvelles (« effet Koebner ») de psoriasis, vitiligo, d’acné (notamment en cas de traitement à base d’isotrétinoïnes qui assèche la peau et peut ralentir la cicatrisation). Depuis 2009 (1), les tatoueurs professionnels doivent justifier d’une formation, de règles d’hygiène adéquates, du choix des encres utilisées et doivent afficher et remettre par écrit une information sur les divers risques de cette pratique.

L’évolution normale

Après un tatouage, l’inflammation (douleur, chaleur, rougeur, oedème) et les démangeaisons locales sont normales ; elles diminuent peu à peu jusqu’à cicatrisation complète, en moyenne deux à trois semaines. Une réaction immunitaire de défense entraîne par ailleurs l’élimination d’une partie du colorant par les voies lymphatiques, ce qui explique des « fuites » d’encre durant trois ou quatre jours.

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La prise en charge

Les conseils de soin pour favoriser la cicatrisation et protéger un tatouage récent sont du ressort officinal. La consultation s’impose si la rougeur et le gonflement progressent vite ou durent plus d’une semaine, en cas de sécrétions purulentes, de fièvre, de démangeaisons persistantes ou de douleur excessive.

L’interrogatoire

« Ressentez-vous une forte douleur ? », « Avez-vous noté des écoulements purulents ? », « Avez-vous de la fièvre ? » évaluent le niveau de prise en charge. « Où est situé votre tatouage ? », « Quand l’avez-vous fait ? » « Avez-vous déjà appliqué des soins ? Lesquels ? » permettent d’adapter les conseils. Inspectez la plaie si possible.

La démarche

Les objectifs

Les soins ont pour but de nettoyer la plaie, de favoriser sa cicatrisation en maintenant une hydratation constante et, si besoin, de diminuer la douleur. Selon la localisation et le mode de vie, il faut aussi la protéger. Les deux techniques de cicatrisation (voir plus bas) diffèrent par leur coût, celle en milieu humide est plus onéreuse en raison du prix des pansements.

Le suivi

Les soins débutent dès le premier jour et se poursuivent jusqu’à cicatrisation complète, quand les éventuelles croûtes sont tombées et/ou quand l’inflammation et les démangeaisons ont disparu. Après, le tatouage peut être hydraté quotidiennement. Il doit être protégé du soleil et montré à un médecin en cas de signes anormaux (boursouflures, lésions).

Les soins

Se laver les mains soigneusement avant toute manipulation du tatouage non cicatrisé.

Nettoyer

Le tatouage est nettoyé tous les jours avec un savon liquide neutre (pH 7). Le faire mousser entre les mains avant d’appliquer doucement sans frotter, sans gant de toilette. Rincer abondamment à l’eau tiède. Le premier lavage peut avoir lieu quelques heures après le geste, après avoir retiré le pansement mis en place ; l’humidifier pour faciliter le retrait. Sécher à l’air libre ou en tamponnant doucement avec une compresse non tissée ou un papier absorbant.

Cicatriser

La base de la cicatrisation est une hydratation permanente de la plaie jusqu’à cicatrisation complète. Deux méthodes peuvent être proposées.

• Les crèmes cicatrisantes. Principe : hydratation maintenue par une couche épaisse de crème dégongestionnante et cicatrisante. Des croûtes vont peu à peu se former sur la plaie. La cicatrisation est terminée quand elles sont tombées et que la peau redevient lisse. Mode d’emploi : appliquer plusieurs fois par jour (au moins quatre). Selon localisation, laisser à l’air libre ou recouvrir d’une compresse tenue par un sparadrap ou un film pour protéger les vêtements. Exemples de produits : vaseline, Homéoplasmine, Cicatryl, Biafine, Bépanthène crème.

• En milieu humide. Principe : Le tatouage pouvant être assimilé à une plaie, on peut lui appliquer la méthode de cicatrisation en milieu humide, qui consiste à le couvrir d’un pansement adéquat pour le laisser en contact de l’exsudat séreux dans un environnement chaud et humide. La détersion et les cellules responsables de la cicatrisation (fibroblastes, kératinocytes) sont stimulées (présence dans l’exsudat de lymphocytes T, monocytes, facteurs de croissance…). La vitesse de cicatrisation est en moyenne multipliée par deux sans formation de croûtes. Les pansements, transparents, permettent un contrôle visuel de la plaie ; semi-perméables aux échanges gazeux, ils sont imperméables aux liquides et bactéries et assurent une protection mécanique vis-à-vis des frottements. Mode d’emploi : nettoyer, sécher, puis placer le film en débordant largement de la plaie ; choisir la taille adéquate. Le changer quotidiennement après lavage ou plus souvent les premiers jours si les rejets d’encre ou exsudats sont importants. Utiliser jusqu’à cicatrisation complète (= fin des démangeaisons). Exemples de pansements films : Askina Derm, Dermofilm, Flexigrip, Hydrofilm, Lumiderm6000, Opsite, Optiskin, Suprasorb F, Tegaderm, Visulin…

Soulager

En cas de douleur importante les premiers jours, prendre du paracétamol en l’absence de contre-indications ; appliquer une poche de glace ou un gelpack réfrigéré en protégeant la peau avec un linge propre.

Vie quotidienne

• Eau. Pas de bain, de sauna, hammam ou piscine jusqu’à cicatrisation complète. Les douches sont possibles.

• Soleil. Ne pas s’exposer avant cicatrisation complète (porter un vêtement). Ensuite, utiliser un indice solaire élevé pour protéger le tatouage et éviter qu’il ne se décolore.

• Peau. Ne pas gratter les peaux qui se forment sur le tatouage qui cicatrise. Éviter les frottements sur le tatouage non cicatrisé (vêtements amples). Ne pas mettre d’autres produits (alcool, antiseptiques, antibiotiques…) sur la plaie sans avis médical.

(1) Arrêté du 11 mars 2009 relatif aux bonnes pratiques d’hygiène et de salubrité pour la mise en oeuvre des techniques de tatouage par effraction cutanée, y compris de maquillage permanent et de perçage corporel, à l’exception de la technique du pistolet perce-oreille.

Attention au henné

Le henné noir, utilisé pour dessiner des tatouages éphémères, contient de la paraphénylènediamine (PPD), ajoutée afin de foncer la couleur et responsable d’eczémas parfois sévères. Des réactions qui peuvent également conduire à une polysensibilisation, notamment à des caoutchoucs ou teintures capillaires qui contiennent ce composé, et empêcher la pratique de certaines professions comme celle de coiffeur.