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“Je n’en peux plus des bouffées de chaleur !”
1 Je questionne
Préciser la demande
« Depuis quand ? », « Avez-vous fait le point avec votre gynécologue ? » ou « Les bouffées de chaleur sont-elles très invalidantes ? » vérifient le suivi médical ou orientent vers le médecin le cas échéant.
Rechercher certains critères
« Êtes-vous ou avez-vous été suivie pour un cancer hormonodépendant, sein, utérus, ovaires ? » repère une contreindication aux phytoestrogènes.
Orienter le choix
« Avez-vous une irritabilité, des troubles du sommeil ? » et « Avez-vous déjà utilisé quelque chose pour vous soulager ? » ciblent un produit adapté.
2 J’évalue
Lorsque les bouffées de chaleur sont gênantes mais pas au point de nécessiter un traitement hormonal de la ménopause (voir La patho p. 49), ou si celui-ci n’est pas souhaité ou contre-indiqué, l’automédication est possible.
Un avis médical s’impose si les bouffées sont très invalidantes ou s’accompagnent d’autres signes marqués : infections urinaires récidivantes, sécheresse vaginale non améliorée par des lubrifiants, insomnie…, ou s’il existe des antécédents familiaux d’ostéoporose.
3 Je passe en revue
Phytoestrogènes
Présents dans certains végétaux, les phytoestrogènes sont des molécules dont la structure proche de celle de l’estradiol leur permet de se fixer sur ses récepteurs, avec une action beaucoup moins puissante. S’ils peuvent aider à réduire la fréquence et l’intensité des bouffées de chaleur, leurs effets sur la sécheresse vaginale ou les troubles de l’humeur sont mal connus.
• Dans quelles plantes ? Quelques plantes ont des propriétés estrogéniques démontrées mais toutes n’agissent pas sur les bouffées de chaleur. « Les phytoestrogènes les plus actifs sont les isoflavones du soja, du trèfle rouge, du kudzu et de la luzerne, les lignanes du lin et les flavonoïdes du houblon », indique le Pr Catherine Bennetau, à l’origine de nombreux travaux sur les phytoestrogènes. Les isoflavones du trèfle rouge sont moins bien assimilées que celles du soja : « Il faut en prendre de fortes doses pour observer les mêmes effets. » Les études avec la luzerne et le kudzu sont moins nombreuses.
• Que disent les études ? Une méta-analyse(1) sur divers phytoestrogènes, via des apports alimentaires de soja, une supplémentation en isoflavones de soja ou de trèfle rouge ou en lin… sur les bouffées de chaleur, a conclu à une diminution significative des bouffées pour les femmes sous phytoestrogènes versus placebo. Les isoflavones de soja ont les preuves les plus concluantes.
• Isoflavones de soja. L’effet bénéfique apparaît en général à partir de 45 mg par jour d’isoflavones mais avec de grandes variations individuelles. Pour être absorbées, les isoflavones doivent être hydrolysées sous une forme aglycone et, pour certaines, être transformées en métabolites actifs. Ce qui explique l’hétérogénéité des résultats. Dans tous les cas, les autorités de santé recommandent de ne pas dépasser 1 mg/kg par jour d’isoflavones sous forme aglycone, y compris sous forme alimentaire (voir encadré p. 41).
• Lignanes de lin. « Contrairement aux autres phytoestrogènes, le lin n’expose pas à un risque de cancer du sein. Les études montrent au contraire un effet protecteur », indique le Pr Bennetau. En revanche, les lignanes doivent être transformés par le microbiote intestinal en entérolignanes pour agir. « Seuls 30 % des personnes disposent de la flore colique adéquate mais le lin mérite d’être essayé car on ne peut prédire son action. »
• Houblon. Les fleurs ou cônes de houblon renferment une flavonoïde, la 8-prénylnaringénine (8-PN), qui a, in vitro, une forte affinité pour les récepteurs aux estrogènes. Seuls des extraits standardisés en 8-PN ont montré une efficacité sur les bouffées de chaleur, par exemple un extrait breveté Lifenol, à raison de 120 mg par jour. Le houblon est intéressant pour ses propriétés anxiolytiques et sédatives, sachant qu’un grand nombre de bouffées de chaleur sont induites par les émotions ou suivies d’une sensation d’angoisse.
• Précautions. Plusieurs études suggèrent qu’une longue imprégnation en isoflavones de soja, comme y sont exposées les femmes asiatiques dès leur enfance, pourrait prévenir la survenue des cancers du sein et expliquerait leur plus faible incidence en Asie. Certaines études réalisées en Occident pointent une relation inverse. L’apport de doses élevées d’isoflavones de soja chez des femmes pré-ménopausées ou ménopausées qui n’ont pas l’habitude d’en consommer accroît le risque d’un cancer du sein chez certaines. Pour le Pr Bennetau, ces apports pourraient en fait révéler un cancer pré-existant. Par ailleurs, les données chez l’animal montrent que les phytoestrogènes peuvent favoriser la prolifération de cellules tumorales humaines implantées chez la souris, ce qui incite dans tous les cas à la prudence. Hormis le lin (voir ci-dessus), les phytoestrogènes sont contre-indiqués en cas de cancers ou d’antécédents personnels ou familiaux de cancers hormonodépendants (sein, utérus ovaire). À noter qu’« une surconsommation de soja pendant des années est associée chez les femmes ménopausées et pré-ménopausées à l’apparition de cas de fibromes et d’endométriose. » Les isoflavones de soja peuvent perturber l’équilibre thyroïdien en cas de supplémentation en hormones thyroïdiennes ; elles sont à éviter dans ce cas.
Sauge
Officinale et sclarée, la sauge est traditionnellement utilisée pour soulager une transpiration excessive, ce qui explique son intérêt dans les bouffées de chaleur. Ses propriétés estrogéniques sont controversées par certains auteurs.
• La monographie de l’Agence européenne du médicament (EMA) sur la sauge officinale n’indique aucune précaution d’emploi vis-à-vis du risque de cancer du sein. Les phytothérapeutes, très prudents, la déconseillent, même en infusion, en cas de cancers ou d’antécédents de cancers hormonodépendants.
• Pas d’ambiguïté pour l’huile essentielle de sauge sclarée, qui renferme du sclaréol aux propriétés estrogéniques et qui ne doit pas être utilisée dans ces situations. « Son action est potentialisée si on la combine à une autre huile essentielle aux propriétés estrogéniques, comme le cyprès, et à une huile essentielle relaxante, comme la lavande officinale », indique le Dr Bérengère Arnal, gynécologue-obstétricienne spécialisée en phytothérapie. Utiliser une goutte de chaque diluée dans autant d’huile végétale en massage sur la face interne des poignets.
Solutions non hormonales
• La bêta-alanine est un acide aminé qui agit sur les phénomènes de vasodilatation favorisant les bouffées de chaleur. Abufène 400 mg en comprimé a une AMM dans cette indication. Son efficacité est modeste et varie. En pratique : 1 à 3 comprimés en cure de cinq à dix jours. Précautions : fourmillements et picotements transitoires sont rapportés, ainsi que de rares réactions d’hypersensibilité.
• Les extraits de pollens, traditionnellement utilisés pour soulager les troubles prémenstruels et les symptômes de la ménopause, potentialiseraient l’action de la sérotonine. Des études cliniques montrent une diminution de la fréquence et de l’intensité des bouffées de chaleur et une amélioration de la qualité de vie avec un extrait sec de pollen à la dose de 320 mg par jour, en une prise. Un médicament est disponible (Fémélis). Précautions : les extraits étant purifiés, le risque de réaction allergique est minimisé. Prudence toutefois chez les femmes sujettes aux allergies saisonnières.
• Les oméga 3. Des études cliniques versus placebo montrent qu’ils réduisent les bouffées de chaleur liées à la ménopause à des doses relativement importantes : 1 100 mg d’EPA (acide eicosapentaénoïque) et 150 mg de DHA (acide docosahexaénoïque) par jour. Les doses dans les compléments alimentaires dédiés à la ménopause ne sont en général pas aussi élevées mais les oméga 3 contribuent au bon fonctionnement du cœur et du cerveau(3). Précautions : avec les anticoagulants à doses élevées.
• La valériane. Une étude clinique(2) menée chez 64 femmes ménopausées a montré après deux mois que celles qui ont pris de la valériane avaient trois fois moins de bouffées par rapport au groupe placebo, et que celles-ci étaient moins intenses. Un bénéfice qui s’ajoute à ses propriétés sédatives et anxiolytiques.
• Homéopathie. Lachesis mutus, Belladonna, Glonoinum… ciblent les bouffées de chaleur et les céphalées ou palpitations qui peuvent les accompagner : Acthéane de Boiron, complexe Lachesis n° 122 de Lehning, complexe W518 de Weleda… Des études montrent un effet comparable à un placebo, sachant que cet effet placebo est important dans les bouffées de chaleur(4). Un traitement individualisé prescrit par un médecin homéopathe donne les meilleurs résultats. En pratique : à prendre de façon régulière sans attendre les bouffées.
4 Je choisis
En fonction des symptômes
• Bouffées de chaleur prédominantes et gênantes : phytoestrogènes d’abord.
• Sinon, selon la plainte. Solution hormonale ou non, choisie selon les autres composants : visant à améliorer le sommeil (mélisse, valériane…), le confort articulaire (reine-des-prés…), à limiter les infections urinaires (canneberge), à agir sur le stress ou l’équilibre nerveux (magnésium, oméga 3…), etc.
• Si aucune efficacité, changer de formule après un mois pour les phytoestrogènes, deux à trois mois pour les autres.
• Si action insuffisante, augmenter la posologie s’il s’agit d’isoflavones de soja, et/ou combiner les produits, pollens et oméga 3 ou phyto-hormones et pollens.
En fonction de la patiente
• Selon les préférences : solution hormonale ou pas.
• Selon les antécédents médicaux : pas de plantes à activité hormonale en cas de cancer ou d’antécédent de cancer hormonodépendant, sauf sur recommandation de l’oncologue. Éviter les isoflavones de soja sous lévothyroxine.
5 J’explique
L’automédication n’est pas aussi efficace que les hormones mais, associée à certaines mesures, elle peut réduire l’intensité et la fréquence des bouffées. L’efficacité variant, il peut être nécessaire d’en essayer ou d’en combiner plusieurs.
6 Je conseille
Utilisation
• Les phytoestrogènes agissent vite, parfois dès le premier mois. Les solutions non hormonales se prennent au moins deux à trois mois. Pas plus de six mois en continu pour le cimicifuga hors contrôle médical.
• Ne pas multiplier les sources de phytoestrogènes. À doses importantes, elles peuvent avoir des répercussions hormonales délétères. Par exemple, en cas de supplémentation en isoflavones ou en houblon, limiter les aliments et les boissons à base de soja.
Hygiène de vie
• Mesures de bon sens : limiter l’alcool, les épices, les boissons chaudes, porter des vêtements légers en fibres naturelles (coton, lin…) qui laissent la peau respirer, boire régulièrement de l’eau fraîche et garder à portée de main un brumisateur d’eau ; dormir dans une pièce fraîche.
• Encourager la perte de poids et l’arrêt du tabac pour limiter le risque cardiovasculaire, augmenté en ménopause. Des études suggèrent une diminution des bouffées avec la perte de poids.
• Alternatives. Des études semblent montrer une réduction des bouffées de chaleur avec le yoga au bout de deux à quatre mois, et après cinq séances espacées d’une semaine pour l’hypnose. L’acupuncture pourrait diminuer leur fréquence.
(1) Use of Plant-Based Therapies and Menopausal Symptoms : A Systematic Review and Meta-analysis, JAMA, 2016.
(2) The effect of Valerian on the severity and frequency of hot flashes : a triple-blind randomized clinical trial, Women Health, 2018.
(3) Les acides gras oméga 3, Anses.
(4) Fiche Gemvi sur la ménopause, novembre 2020.
Le contexte
→ Les bouffées de chaleur sont des troubles neurovégétatifs correspondant aux conséquences cérébrales directes de l’hypœstrogénie, via l’augmentation de la FSH (hormone folliculo-stimulante). Il y aurait une modification de la zone de neutralité thermique de l’hypothalamus, avec vasodilatation et sudation, pour compenser cette hausse de la température centrale, mais aussi un dérèglement du système nerveux autonome. Elles peuvent survenir dès la périménopause et persister une fois la ménopause installée (voir La patho p. 49).
→ Causes : la ménopause physiologique et artificielle sous hormonothérapie pour cancer du sein (tamoxifène, inhibiteurs de l’aromatase, analogues de la GnRH) ou de la prostate (anti-androgènes, analogues de la GnRH).
Phytoestrogènes et alimentation
→ En Asie, les isoflavones de soja représentent la plus grande part des phytoestrogènes apportés par l’alimentation, même si cette proportion tend à diminuer.
→ L’alimentation occidentale apporte surtout des lignanes via les fruits, les légumes, le thé, le café, les céréales complètes ou… les graines de lin. La part d’isoflavones, présentes notamment dans des légumineuses, est moindre qu’en Asie mais tend à augmenter du fait d’une consommation plus forte de dérivés du soja. « On estime qu’elle est d’environ 5 mg par jour pour la population générale, mais elle peut aller jusqu’à 50 mg par jour chez de gros consommateurs de soja et dérivés », indique le Pr Bennetau. Si ces apports importants peuvent être bénéfiques sur les bouffées de chaleur, les mêmes précautions que les compléments alimentaires à base de phytoestrogènes vis-à-vis du risque de cancers hormonodépendants s’imposent.
Les plantes « progestérone-like »
→ Le gattilier et l’alchémille, à action progestative, soulagent les signes d’hyperoestrogénie liés au syndrome prémenstruel et/ou survenant en périménopause : Prepause, Arkogélules bio Gattilier, Alchémille bio Ladrôme… Certains compléments alimentaires dédiés à la ménopause renferment des phytoestrogènes et des plantes progestérone-like pour se calquer sur le cycle menstruel : Serepause… Éviter le gattilier en cas de cancer ou d’antécédent de cancer hormonodépendant.
→ Le yam n’a pas d’action progestative. Sa racine riche en diosgénine a longtemps servi de précurseur à la synthèse d’hormones féminines, mais l’humain n’a pas les enzymes pour transformer la diosgénine en hormones féminines.
Tous nos remerciements à Catherine Bennetau, endocrinologiste de la reproduction et professeure en nutrition animale et humaine à l’université de Bordeaux (33), et au Dr Bérengère Arnal, gynécologueobstétricienne spécialisée en phytothérapie.
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