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« Je crois que j’ai un panaris »

Publié le 1 novembre 2018
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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1 Je questionne

Préciser la demande

« Où se situe-t-il ? » vérifie la localisation. « Avez-vous eu une plaie, une écharde à cet endroit ? Arraché un bout d’ongle ou de peau ? » recherche une porte d’entrée.

Rechercher certains critères

« Depuis quand ? », « Avez-vous mal ? Constamment ? La nuit aussi ? », « Avezvous noté la présence de pus ? », « La peau est-elle chaude, tendue ? », « Avez-vous de la fièvre ? », « Souffrez-vous d’une maladie et prenez-vous un traitement chronique ? » orientent la prise en charge. « Êtes-vous vacciné contre le tétanos ? » vérifie le statut vaccinal.

Guider le conseil

« Avez-vous essayé un traitement ? Avec quels résultats ? » définit la conduite à tenir.

2 J’évalue

Médical ou chirurgical

• Seul le stade initial de l’infection (voir Contexte), caractérisé par une inflammation locale, peut être pris en charge par un traitement médical : antiseptique assorti d’une surveillance pendant 48 heures.

• Au stade « collecté » avec pus, douleur pulsatile insomniante, éventuels signes locorégionaux…, le traitement est chirurgical avec excision des tissus infectés et pansements locaux jusqu’à cicatrisation.

La mission de l’officinal

• Conseiller une visite médicale. Impossible au comptoir d’évaluer s’il s’agit bien d’un panaris tant les diagnostics différentiels sont nombreux et peu évocateurs : ongle incarné, paronychie – c’est-à-dire une inflammation des tissus autour de l’ongle chronique -, infection herpétique, mycosique… Dans tous les cas, la consultation doit être conseillée. Par ailleurs, le panaris peut évoluer vers des complications sérieuses (voir Contexte) et il est difficile de différentier le stade initial, qui peut relever d’un traitement médical antiseptique local assorti d’une surveillance rapprochée, du stade collecté dont le traitement est chirurgical.

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La consultation s’impose d’autant plus rapidement si la lésion évolue depuis plus de 48 heures sans amélioration, en cas de signes évidents de stade collecté et/ou de facteurs de risque particuliers : diabétique non équilibré, usager de drogue par intraveineuse, immunodéprimé, alcoolisme, panaris suite à une morsure d’animal, jeune enfant, personne inapte à une surveillance rapprochée de la lésion, vaccination antitétanique non à jour.

• Éviter les erreurs thérapeutiques. Si l’antisepsie locale peut être conseillée en attendant la visite médicale, un antibiotique local n’a pas sa place car il risque de ne pas être adapté au(x) germes(s) responsable(s), de favoriser l’apparition de résistances et d’atténuer les signes cliniques avec retard de prise en charge.

• Alerter sur le statut vaccinal antitétanique.

3 Je passe en revue

Nettoyage

Nettoyer la lésion à l’eau et au savon pour éliminer les souillures et les matières organiques qui gêneraient l’action de l’antiseptique. Rincer soigneusement pour la même rai son. Sécher avec une compresse ou à l’air libre.

Soins antiseptiques locaux

Des antiseptiques à large spectre d’activité peuvent être conseillés en attendant la visite médicale afin de prévenir l’extension de l’infection en profondeur, mais il n’y a pas de recommandation officielle de posologie.

• En bain de doigt immergé dans la solution, au moins une fois par jour pendant au moins une minute ; en pratique, les publications médicales le recommandent de façon pluriquotidienne, 2 à 3 fois en moyenne, pendant 5 à 10 minutes.

• Pur en imbibant une compresse laissée en place sur la lésion pendant 30 à 45 minutes au maximum.

• Ne pas laisser de pansement occlusif sur l’antiseptique du fait du risque d’irritation.

• Ne pas rincer l’antiseptique après usage.

Antalgie

• Le trempage du doigt lésé dans l’eau chaude durant 10 à 15 minutes, 3 ou 4 fois par jour, est traditionnellement recommandé pour optimiser l’évolution favorable du panaris débutant. Bien que l’efficacité de cette mesure ne soit pas évaluée, elle a l’avantage d’une action antalgique immédiate.

• Un antalgique oral est rarement nécessaire au stade initial mais peut se justifier selon la tolérance du patient à la douleur.

Surveillance

L’évolution d’un panaris au stade initial vers une amélioration de l’inflammation et de la douleur doit être franche et rapide, en moins de 48 heures.

4 Je choisis

La molécule antiseptique

Préférer un antiseptique au large spectre d’activité sur les bactéries Gram+, Gram-, champignons et levures…, et avec une activité bactéricide rapide comme les dérivés chlorés, tel l’hypochlorite de sodium(1) (Dakin), et les biguanides, telle la chlorhexidine, qui peut éventuellement être associée à un ammonium quaternaire bactéricide et à spectre d’activité étroit, mais mieux vaut éviter au risque de majorer les effets indésirables. La coloration des dérivés iodés (Bétadine…), antiseptiques majeurs, peut gêner la surveillance de la lésion. Éviter les diamidines, telle l’hexamidine (Héxomédine…), qui ont une activité bactériostatique et un spectre étroit(1).

L’antalgique oral

Conseiller le paracétamol. Proscrire les AINS car ils peuvent favoriser le risque de complications infectieuses.

5 J’explique

Il est difficile d’affirmer sans avis médical qu’une lésion du doigt est un panaris, d’où l’intérêt d’une consultation dans tous les cas. Le panaris guérit bien à condition d’être vite pris en charge pour éviter l’extension de l’infection et des complications potentiellement graves.

Le nettoyage de la plaie élimine les souillures. L’antiseptique vise à éviter l’extension du microbe responsable. Il peut être commencé au plus vite avant la consultation ; si le diagnostic médical confirme un panaris, il sera poursuivi sous surveillance rapprochée. En l’absence d’amélioration franche dans les 48 heures, le traitement est surtout chirurgical pour éviter le risque de complications.

6 Je conseille

Antisepsie et vie quotidienne

• Ne pas presser ou inciser la lésion.

• Se laver les mains soigneusement aussi souvent que nécessaire et avant chaque traitement. Bien rincer le savon.

• Couvrir le doigt d’un pansement ou compresse stérile entre les soins pour éviter souillures et traumatismes. Limiter les activités manuelles ou porter un doigtier. Éviter le contact entre le doigt nu et l’alimentation pour réduire le risque de transmission des micro-organismes. Un arrêt de travail est conseillé pour les cuisiniers.

• Éviter de toucher l’ouverture du flacon d’antiseptique ; respecter les dates de péremption avant et après ouverture (voir tableau).

Récidive

Pour diminuer le risque de récidive : nettoyer et désinfecter souvent les instruments de manucure ; éviter de se ronger les ongles, de refouler les cuticules ; porter des gants pour les travaux manuels ; laver les petites plaies du doigt.

Vente associée

Proposer des gants jetables et doigtiers en plastique pour des activités manuelles, des compresses stériles, une bande adhésive pour confectionner un pansement protecteur, un désinfectant des surfaces pour les objets de manucure, un antiseptique cutané en dosettes pour le soin des petites plaies futures, un vernis amer à utiliser après guérison pour arrêter de se ronger les ongles.

Le contexte

Le panaris est une inflammation aiguë d’une partie d’un doigt ou d’un orteil suite, le plus souvent, à l’inoculation d’un micro-organisme pathogène, tels Staphylococcus aureus (50 % des cas) et Streptococcus pyogenes (10 %) lors d’une effraction cutanée : plaie, écharde, onychophagie, manucure… Le panaris superficiel péri- et sous-unguéal, ou « tourniole », est le plus courant. Il peut aussi atteindre la pulpe des doigts ou le dos ou côté d’une phalange.

• Facteurs favorisants : immunodépression, diabète déséquilibré, corticoïdes ou AINS, toxicomanie IV, alcoolisme.

• Stades d’évolution. Phlegmasique : inflammation locale, douleur modérée. De collection : peau rouge, chaude, tendue avec abcès plus ou moins visible. Douleur intense, pulsatile, insomniante. Présence inconstante de fièvre, ganglions axillaires et/ou au coude, cordon rouge inflammatoire sur l’avant-bras. Complications (rares) : diffusion de l’infection (peau, tendons, articulations, matrice de l’ongle).