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« J’ai la gueule de bois » 

Publié le 1 décembre 2008
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Aucune solution miracle pour soulager la gueule de bois, mais quelques conseils peuvent minimiser les effets désagréables d’une consommation exagérée d’alcool.

La plainte au comptoir

L’ingestion d’alcool

Molécule toxique et dangereuse, l’alcool doit donc être éliminé rapidement. Dans les hépatocytes, il est transformé en acétaldéhyde, puis en acétate qui va s’incorporer dans le cycle de Krebs permettant la transformation finale en gaz carbonique et en eau. Deux voies métaboliques indépendantes sont particulièrement importantes : le système alcool-déshydrogénase qui va prioritairement éliminer l’alcool au détriment du métabolisme des graisses (d’où stockage des graisses en cas d’alcoolisation) et le système MEOS (Microsomal Ethanol Oxydizing System) qui s’enclenche au bout d’une alcoolémie de 0,3 g/l de sang et qui s’autoentretient, permettant de boire davantage.

La gueule de bois

L’acétaldéhyde est en partie responsable des céphalées et des troubles digestifs, nausées et vomissements, ainsi que de l’inhibition de la néoglucogénèse responsable d’accident hypoglycémique lors d’une alcoolisation massive. En outre, pour éliminer l’alcool, le rein va également éliminer de l’eau, d’où la déshydratation qui majore les maux de tête.

Cibler la prise en charge

Du ressort officinal

La bouche pâteuse, les troubles digestifs (nausées, parfois vomissements), les vertiges et les maux de tête après une soirée bien arrosée relèvent d’un conseil officinal de courte durée et purement symptomatique.

La consultations s’impose

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En cas de vomissements incoercibles, ou de signes persistant au-delà de douze heures, orientez vers le médecin. De même, toute terrain « fragile » (personne âgée de plus de 75 ans, personnes polymédicamentées…) mérite une surveillance accrue.

Conduite de l’interrogatoire

Questions à poser

« Quelle quantité d’alcool avez-vous ingérée ? » quantifie le nombre de verres et donc les grammes d’alcool bu. « Vers quelle heure avez-vous cessé de boire de l’alcool ? » cible l’éventuelle alcoolémie résiduelle au moment de la plainte. Il est possible que le patient en face de vous soit encore soul et donc à risque pour la conduite automobile (voir encadré). « Avez-vous déjà pris quelque chose pour vous soulager ? » recentre le type de conseil à apporter. « Avez-vous un traitement habituel ? » informe sur les risques associés à l’alcool. Exemple : si le patient est diabétique en autosurveillance glycémique, sa glycémie risque d’être plus basse que d’habitude.

Les commentaires à porter

Si le patient vous dit : « J’ai la gueule de bois et on m’a dit de boire un verre de cognac à jeun pour que ça passe… », il faut savoir que… C’est exact ! D’après la fédération des acteurs de l’alcoologie et de l’addictologie*, « si vous êtes un buveur occasionnel, vous avez subi une baisse trop rapide de votre alcoolémie en fonction de la mise en place du système d’élimination supplémentaire appelé MEOS que vous avez déclenché donc vous subissez un mini état de manque que quelques grammes d’alcool vont immédiatement soulager… » Certes, mais c’est une solution à ne pas proposer à son patient !

Expliquer la démarche

Les symptômes peuvent être soulagés, mais seul le temps va permettre d’éliminer l’alcool de l’organisme. Les médicaments conseillés doivent être utilisés le temps des symptômes (24 heures en moyenne). En général, tout rentre dans l’ordre dans les 12 heures. En cas de persistance des signes au-delà de 24 heures, inciter à consulter le médecin.

Les traitements

Les médicaments symptomatiques

Se réhydrater : eau, bouillon salé… Éviter les jus de fruits acides.

Contre les maux de tête, préférer le paracétamol aux AINS comme l’ibuprofène ou l’aspirine en raison de l’irritation gastrique due à l’alcool. Cependant, l’ibuprofène étant davantage indiqué en cas de migraine avérée, évaluer le bénéfice/ risque avec la sensibilité gastrique du patient.

Lutter contre nausées et vomissements, Des antiémétiques tels que dompéridone (Motilium) ou métopimazine (Vogalène) sont délivrés sur prescription. Seul Vogalibs 7,5 mg relève du conseil officinal, dans le traitement symptomatique de courte durée des nausées et vomissements non accompagnés de fièvre, à raison de 1 lyophilisat oral, à renouveler si les symptômes persistent ou réapparaissent, sans dépasser 4 lyophilisats par jour (soit 30 mg de métopimazine) et deux jours de traitement. L’action se manifeste au plus dans les 30 minutes. Vogalibs est contre-indiqué en cas de glaucome et de troubles urétroprostatiques et de forte alcoolémie qui potentialise ses effets. Prévenir alors du risque de somnolence.

Calmer l’irritation gastrique, avec des pansements gastriques, un antiacide (Maalox, Rennie, Gaviscone, Stomédine…). À compléter éventuellement par une eau alcaline (Vichy, Badoit…), voire de la bétaïne (Citrate de bétaïne) en cas d’excès alimentaires afin d’accélérer la vidange gastrique.

Se défendre avec de la vitamine C qui augmente la production de glutathion, défense naturelle contre les toxiques. Mais une fois que l’alcool est métabolisé par le foie, il ne sert à rien de protéger « après la bataille » à grand renfort de protecteurs hépatiques.

L’hygiène de vie

• La diète s’impose. Éviter les aliments gras et/ou très caloriques. Privilégier les potages salés, les légumes et une prise de boissons – non alcoolisées ! – abondantes durant 24 heures. Aucun  » truc  » (café salé, cuillerée d’huile…) n’accélère l’élimination de l’alcool.

Attention au taux d’alcoolémie, qui diminue d’environ 0,15 g par heure pour un homme et de 0,10 g pour une femme. Une personne avec un taux d’alcoolémie de 0,7 g/l devra attendre près de deux heures (sans nouvelle consommation alcoolisée) avant d’obtenir un taux de 0,5 g/l. Ainsi, quelqu’un se plaignant d’une gueule de bois au comptoir peut encore avoir une alcoolémie importante ! Penser à le lui dire pour éviter une conduite automobile à risques.

Prise médicamenteuse. La consommation d’une forte dose d’alcool peut inhiber le métabolisme de certains médicaments (par compétition au niveau enzymatique) et donc potentialiser leur action : AVK, antidiabétiques, neuroleptiques… D’où un risque hémorragique, hypoglycémique, sédatif… Si la dose d’alcool est encore importante dans le sang, mieux vaut être prudent quant à la prise médicamenteuse habituelle.

Repères

• Quantité d’alcool selon le degré

Un vin à 12 ° contient 12 ml d’alcool pur pour 100 ml de vin.

– Soit 12 x 0,8 (densité de l’alcool) = 9,6 g d’alcool pur pour un verre de 100 ml de vin.

– Formule : Masse d’alcool pur (en g) = (degré alcool/100) x volume bu (en ml) x 0,8

– La quantité d’alcool pur (en g) par litre de sang indique le taux d’alcoolémie.

• Combien d’alcool dans un verre ?

Quelle que soit la boisson alcoolisée, un « verre » représente à peu près à 10 g d’alcool pur. L’alcoolémie* (en g/l de sang) diffère :

– 1 demi de bière (25 cl) à 5° ou 1 coupe de champagne (8 cl) = 0,15 g.

– 1 pastis (5 cl) à 40° = 0,14 g.

– 1 verre de vin (12 cl) à 12° = 0,25 g.

Le taux d’alcoolémie atteint son maximum une heure après le dernier verre si la boisson est prise au cours d’un repas ; une demi-heure après, si l’on est à jeûn.

• Inégalités devant l’alcool

Un homme de 75 kg qui boit deux verres de vin au cours d’un repas atteint un taux de 0,5 g/l ; une femme de 50 kg, un taux de 0,84 g/l.

• Taux d’alcoolémie autorisé au volant

inférieur à 0,5 g d’alcool par litre de sang (ou 0,25 mg d’alcool par litre d’air expiré).

* Taux moyens d’alcoolémie entraînés par l’absorption de boissons alcoolisées courantes pour un homme de 75 kg.