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Florian, 39 ans, veut arrêter de fumer

Publié le 27 octobre 2020
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Florian, jeune papa, décide de retenter un sevrage. Il a déjà essayé d’arrêter seul avec un patch, sans succès. Motivé par l’arrivée de son fils, il envisage un arrêt total. Il présente une ordonnance de la sage-femme.

Ce que je sais

Législation

L’ordonnance est conforme. Depuis 2016, les sages-femmes sont habilitées à prescrire des substituts nicotiniques aux femmes enceintes et récemment accouchées, ainsi qu’à leur entourage, comme ici.

Contexte

C’est quoi ?

• Cette ordonnance prend en charge l’arrêt du tabac chez un fumeur dépendant.

• La dépendance au tabac est la perte de la liberté de s’abstenir d’en consommer, associée à un syndrome de sevrage à l’arrêt. Elle peut survenir dès les premières semaines d’usage et perdure après l’arrêt, avec risques de rechute. Elle est physique, essentiellement via la nicotine, qui stimule la production de monoamines centrales (dopamine, sérotonine…), mais aussi psychologique et comportementale, avec effets « plaisir » et pression sociale.

• Le tabagisme passif de la femme enceinte impacte le foetus, avec un risque accru de prématurité, de faible poids de naissance, de retard de croissance, d’anomalies du rythme cardiaque… Il aurait un rôle dans la mort inattendue du nourrisson.

Quelle prise en charge ?

• L’accompagnement d’un professionnel de santé est recommandé, associé si besoin à un traitement médicamenteux. Florian ne revoit pas la sage-femme avant un mois.

• Les traitements nicotiniques de substitution (TNS) sont préconisés en première intention pour l’arrêt immédiat ou une diminution progressive. Quelle que soit leur forme, ils augmentent significativement l’abstinence à six mois.

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• Leur dosage initial est déterminé selon l’évaluation du degré de dépendance, via le test de Fagerström, et la consommation quotidienne.

• Combiner formes transdermique et orale de substituts est plus efficace qu’une forme unique. Cela est recommandé en cas d’envies irrépres sibles de fumer malgré une monothérapie et/ou en cas d’échec sous monothérapie.(1)

• Les thérapeutiques « naturelles » n’ont pas d’efficacité démontrée, mais elles peuvent montrer un bénéfice individuel en complément.

Objectifs

• Soulager les symptômes de sevrage, réduire l’envie de fumer.

• Faciliter l’abstinence et son maintien.

• Aider à lutter notamment contre la nervosité et l’anxiété, souvent concomitantes au sevrage.

Médicaments

Nicoretteskin

Ce dispositif transdermique, ou patch, diffuse régulièrement de la nicotine dans la circulation afin d’obtenir une nicotinémie assez constante sur seize heures. Le dosage initial peut être déterminé par l’équivalence approximative 1 mg de nicotine = 1 cigarette fumée = 1/2 cigarette roulée. Pour Florian, qui fume dix-douze « roulées » par jour, le dosage à 25 mg/16 h est pertinent.

Nicorette gomme

Cette forme orale dosée à 2 mg libère 1 mg de nicotine, absorbée au niveau de la muqueuse buccale. L’action est rapide, en 2 ou 3 minutes et dure de 30 à 60 minutes. Florian n’a jamais utilisé de formes orales.

Compléments alimentaires

Sevragil

En accompagnement de l’arrêt du tabac, Sevragil contient de la racine de kudzu, riche en isoflavones, qui aideraient à lutter contre les addictions par un effet central. La racine de valériane, le magnésium et la vitamine B6 ont des effets sédatifs et anxiolytiques. Le sélénium et la vitamine C ont des propriétés anti-oxydantes, le tabac augmentant le stress oxydatif sur les cellules.

Repérer les difficultés

• Proposer un suivi. Par des entretiens hebdomadaires, puis mensuels les trois à six mois suivants.

• Expliquer la complémentarité des formes. Le patch est le traitement « de fond ». La gomme, celui des envies ponctuelles de fumer.

• Le complément alimentaire vient éventuellement en renfort.

• Apprendre à ajuster le dosage. Rappeler les signes de surdosage et de sous-dosage.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« C’est une bonne décision pour votre santé et votre famille » encourage l’initiative. « Vous savez que vous pouvez prendre une gomme en plus du patch ? » sonde les connaissances. « On peut se revoir dans quelques jours pour ajuster le dosage au besoin » amorce le suivi.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

Le traitement apporte de la nicotine sans la toxicité du tabac. Il réduit les envies de fumer et facilite ainsi l’arrêt. Le dosage initial doit être proche de la consommation habituelle de tabac, puis ajusté selon les effets ressentis. Les substituts doivent être maintenus, puis diminués peu à peu pour éviter les risques de rechute.

Mode d’administration

• Nicoretteskin. Coller le patch au lever, sur la peau sèche et plane, sur la face externe du bras, le haut de la fesse, l’omoplate, en évitant les zones de frottement avec un vêtement. Presser 10 secondes, puis se laver les mains. Le retirer au coucher. En coller un neuf le lendemain, en changeant de site d’application.

• Nicorette gomme. En cas de forte envie de fumer, croquer dans une gomme, la placer contre la joue 10 minutes pour libérer la nicotine, puis mâcher environ 20 fois en 20 minutes. Après 30 minutes, la gomme ne délivre plus de nicotine. En association à un patch, prendre 5 à 6 gommes par jour. Ne pas mastiquer comme un chewing-gum, sinon la nicotine serait avalée, avec un risque accru d’effets indésirables.

• Sevragil. 1 gélule avant les trois repas durant vingt jours. Renouvellement possible.

Effets indésirables

• Nicotine : céphalées, étourdissements, insomnies, aussi associés au syndrome de sevrage, troubles digestifs. Patchs : rash, urticaire, érythème et prurit au site d’application. Gommes : toux, hoquet, irritations de la gorge, de la bouche, sécheresse buccale, flatulences, hypersécrétion salivaire, stomatite, dysgueusie, sensation de brûlure.

J’accompagne

Hygiène de vie

• Manger équilibré au maximum, en gardant trois repas. Si possible, faire de l’exercice, qui permet également de lutter contre la nervosité.

• Réduire la consommation de café, au risque d’un surdosage en caféine, car le tabac accélère son catabolisme.

• En cas d’envie forte de fumer qui dure environ 2 ou 3 minutes, s’occuper, boire un verre d’eau et prendre une gomme.

Patch

• Sous la douche, le garder, en évitant de diriger le jet d’eau sur le patch.

• En cas de bain prolongé, soit le retirer, le coller sur son support, puis le recoller sur peau sèche, soit le couvrir d’un pansement adhésif étanche.

Suivi

• Identifier les signes de surdosage tels qu’agitation, palpitations, nausées, céphalées, bouche pâteuse, etc., ou de sous-dosage, avec troubles de l’humeur, de l’appétit, anxiété, envie de fumer…

• Prévoir un entretien au bout d’une semaine pour ajuster le dosage au besoin.

Vente associée

De la vitamine C (1 g par jour), dont le catabolisme est accru chez les fumeurs, un pansement adhésif étanche : Opsite, Tegaderm…

(1) Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence en premier recours, Recommandations de bonne pratique, Haute Autorité de santé, 2014.

Prescription

M. C., sage-femme diplômée d’État. Centre de périnatalité.

Monsieur Florian L., 39 ans, 88 kg, 1,75 m.

• Nicoretteskin

25 mg/16 h 1 patch par jour.

• Nicorette gomme 2 mg

À la demande.

• Sevragil

3 gélules par jour pendant 20 jours

Le patient me demande

« Mon frère a fait une allergie au patch, c’est possible ? »

Oui, une réaction allergique est possible, bien que peu fréquente. Elle est surtout liée à l’adhésif du patch, et non à la nicotine. Dans ce cas, il faut essayer une autre marque. Le plus souvent, les réactions locales ne sont qu’une irritation, qui peut être limitée en changeant de site d’application chaque jour.