Retrait des tests Covid-19 aux préparateurs : le ministère n’était pas au courant !

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Retrait des tests Covid-19 aux préparateurs : le ministère n’était pas au courant !

Publié le 14 mars 2025
Par Annabelle Alix
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Les actions émanant des acteurs de l’officine se multiplient dans l’espoir de rétablir le droit des préparateurs à effectuer les tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) du Covid-19. Pendant ce temps-là, le ministère de la Santé semble encore ignorer la profession.

Le retour du droit des préparateurs à réaliser les tests de dépistage du Covid-19 à l’officine supprimé par un arrêté du 13 février dernier – est-il pour bientôt ? Rien n’est moins sûr. Depuis la publication de la mesure, les acteurs de la profession se sont pourtant démenés en ce sens.

Dernière actualité en date, les syndicats de pharmaciens titulaires ont profité, jeudi 13 mars, d’un « comité de liaison officine » – instance informelle réunissant les directions générales de la santé (DGS), de l’offre de soins (DGOS), de la Sécurité sociale (DGSS) et les syndicats patronaux – pour réclamer une modification de l’arrêté du 1er août 2016 qui liste les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) réalisables par les professionnels, ainsi que leurs effecteurs : sages-femmes, médecins, infirmiers, pharmaciens.

« L’idée serait d’y ajouter les préparateurs, pour les tests Covid-19, mais aussi, pourquoi pas, pour les Trod cystite ou angine, dès lors qu’un pharmacien interprète les résultats », explique Pierre Fernandez, directeur général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), premier syndicat d’employeurs. Ce à quoi, la DGOS a opposé… la surprise ! La sortie des préparateurs du dispositif de dépistage du Covid-19 semble être complètement passée sous les radars du ministère. De son côté, la commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation (CPNEFP) – qui réunit syndicats d’employeurs et de salariés – a adressé, le même jour, un courrier à la DGS et à la DGOS, pour réclamer le retour de l’habilitation des préparateurs à effectuer les tests.

Réparer le couac

L’arrêté du 13 février 2025, publié au Journal officiel le 22 février, avait pour objectif de « lever les dispositions exceptionnelles [liées à la crise sanitaire, ndlr], pour mettre fin à un régime dérogatoire au droit commun, a expliqué Bruno Maleine, président de la section A du Conseil central de l’Ordre des pharmaciens, lors de la table ronde organisée par Porphyre le samedi 8 mars au salon PharmagoraPlus. Il n’est pas question de se dire que, du jour au lendemain, les préparateurs ne sont plus compétents pour effectuer ces dépistages Covid. Il s’agit simplement d’un trou dans la raquette. » Pour réparer le couac, il fallait trouver un véhicule législatif permettant de faire entrer la réalisation des tests par le préparateur dans le droit commun. Seul hic, l’article L. 4241-1 du Code de la santé publique, qui liste les domaines dans lesquels le préparateur seconde le pharmacien, ne peut être modifié que par une loi.

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Si les syndicats de titulaires espèrent pouvoir corriger le tir par une simple modification de l’arrêté listant les Trod et ses effecteurs, le ministère pourrait en décider autrement. Or, « contrairement à la loi Rist* qui avait inclus la vaccination en 2023, actuellement, il n’y a pas de loi de santé en projet qui permettrait de réintroduire les dépistages au titre des missions pouvant être confiées aux préparateurs », regrette Pierre Fernandez. Moins compliquée qu’un passage par la loi, la modification de l’arrêté de 2016 requerrait, toutefois, lui aussi, un processus à respecter : « Avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de la Commission nationale de la biologie médicale (CNBM), etc. », développe le directeur général de la FSPF. Si elle était acceptée, la mesure n’entrerait donc pas en vigueur du jour au lendemain non plus. Quoi qu’il en soit, la balle est dans le camp du ministère.

Négligences à la pelle

Après l’annonce du retrait des tests aux préparateurs, ceux-ci n’avaient pas tardé à réagir. Et pour cause, la nouvelle avait violemment rouvert une blessure mal pansée. Celle d’un manque de reconnaissance de la part des pouvoirs publics, que la crise du Covid-19 avait mis en lumière dès l’état d’urgence avec l’application de mesures protectrices pour les autres professionnels de santé. La non-prise en compte dans les effectifs pour le décompte des masques envoyés aux pharmaciens ainsi que l’exclusion des priorités à la pompe à essence et des dispositifs de garde d’enfants résonnent encore comme des souvenirs de guerre qui laissent un goût amer.

« Malgré ce manque de considération, les préparateurs avaient montré leur engagement sur le terrain, en se formant à la réalisation des tests antigéniques et à la vaccination aux côtés des pharmaciens, avait rappelé Damien Chamballon, président de l’Association nationale des préparateurs et techniciens en pharmacie (Anprep), dans un communiqué du 1er mars. Aujourd’hui, tout recommence ! Nous sommes des professionnels de santé à part entière, et non pas uniquement quand la situation l’exige ! », s’était-il insurgé. « On retire aux préparateurs la possibilité de réaliser une mission qu’ils assuraient avec sérieux depuis trois ans ! », s’était aussi indigné David Brousseau, secrétaire fédéral Force ouvrière (FO) Pharmacie, appelant les acteurs de la branche à réagir : « Les préparateurs ne sont pas une variable d’ajustement ! »

Une refonte du métier

Aujourd’hui, malgré un courrier adressé au ministère de la Santé le 5 mars par l’Anprep, suivi de près par ceux du syndicat FO et du Comité national professionnel des préparateurs en pharmacie d’officine (CNP PPO) pour dénoncer la mesure ; et malgré l’appui de la FSPF dans un communiqué du 5 mars, « le manque de reconnaissance persiste, note Damien Chamballon. Ce transfert de la réalisation des tests Covid par le préparateur, des mesures dérogatoires vers le droit commun auraient pu l’anticiper, mais encore aurait-il fallu que la DGOS ait conscience qu’elle nous la retirait ! » « Ignorer cela prouve que la DGOS ne s’intéresse pas aux professions qu’elle est censée suivre, se désole David Brousseau. Cela met aussi en lumière le mépris qu’elle a pour la profession des préparateurs en pharmacie, et pour la pharmacie en général ! »

Selon Damien Chamballon, « il faut maintenant que le ministère prenne l’affaire en main ». Le président de l’Anprep attend « un projet de loi sur la refonte intégrale du métier, à l’instar de la réforme de la profession d’infirmière, qui intégrerait notamment un niveau licence pour les préparateurs officinaux et la réalisation des Trod, dont les tests Covid. » Et de conclure : « Si [le ministre de la Santé] Yannick Neuder accepte, alors, la profession en sortira enfin grandie et reconnue ! »

* Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (JORF n°0116 du 20 mai 2023).