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Quand le cancer s’invite au comptoir…
S’adresser à un patient atteint d’un cancer. Quand une personne lutte contre la maladie, votre rôle professionnel pour accompagner et trouver les mots justes requiert un supplément d’humanité.
Mesurer l’émotion
Général et particulier
→ Une rupture. Parmi les maladies graves, le cancer est le plus fortement associé à une image sociale de la mort. Diagnostic et traitements sont hautement traumatiques et synonymes de rupture : perte du travail, des loisirs, du statut social, changement dans le regard des autres…
→ Les protections. La réaction des patients diffère selon leur histoire et leur représentation de la maladie. Elle balaie un large registre émotionnel : la peur (« Vais-je m’en sortir ? »), la colère (« C’est injuste »), le sentiment de dépendance, la perte d’estime de soi, des cheveux, la frustration (« Je ne peux même plus faire ça »), la tristesse, la culpabilité (« Je suis un fardeau »), la dépression… Ces émotions sont des mécanismes normaux de défense qui protègent l’individu en permettant son cheminement psychologique (voir encadré p. 43). Au comptoir, elles se manifestent souvent par des changements brusques d’humeur, exacerbés par la douleur, la fatigue, les effets indésirables…
Les proches aussi
Emploi du temps perturbé pour accompagner, repères familiaux chamboulés…, les proches sont tout autant affectés dans leur équilibre quotidien et psychologique. Ils peuvent mettre en place les mêmes mécanismes émotionnels de défense ; ils sont à considérer avec des précautions identiques à celles prises avec les patients.
Face à l’annonce
L’officinal est dans une situation professionnelle paradoxale, il n’annonce pas le diagnostic, mais il reçoit les informations douloureuses – éventuelles rechutes, métastases… – par le patient, sa famille ou souvent via l’ordonnance.
Faut-il tout dire ?
À moins qu’on ne nous l’annonce clairement, non ! Le diagnostic peut être ignoré du patient ou d’un membre de sa famille. Plus qu’une « gaffe », donner le diagnostic serait une faute professionnelle par violation du secret médical.
Ouvrez des portes
La première attitude est de « laisser venir » le patient. Une question ouverte peut être posée : « Le médecin vous a-t-il expliqué le traitement, souhaitez-vous que nous en parlions ? » Certains désirent passer le plus inaperçus possible, parfois temporairement parce qu’ils n’ont pas « digéré » le diagnostic. Dans ce cas, il est important de savoir se taire. Ne pas insister et éventuellement ouvrir une autre porte : « Si vous souhaitez en parler à un autre moment, n’hésitez pas. »
Répondre aux besoins
Patient et proches peuvent rechercher à l’officine la proximité et la disponibilité parfois absentes dans les centres de soins.
« Écoutez-moi… »
Être écouté dans sa souffrance est la demande implicite la plus fréquente pour être soulagé. Sans se substituer au psychologue, il s’agit avant tout de montrer de l’empathie, intérêt, disponibilité et compréhension sans projections, c’est-à-dire sans penser à la place du patient.
→ Pratiquez l’écoute active. Reprenez les thèmes que le patient ou ses proches abordent spontanément ; reformulez avec d’autres mots (« Si j’entends bien, le traitement et ses effets vous effraient… ») pour montrer votre intérêt et faites préciser les sentiments ; laissez parler, sans interrompre ni provoquer la confidence. Proposez un endroit calme sans l’imposer pour éviter le sentiment de stigmatisation autour de la maladie.
→ Acceptez le silence. Même si c’est difficile pour vous, professionnels habitués au conseil, acceptez qu’aucune solution ne soit possible, ni attendue d’ailleurs par le patient. La communication non verbale remplace alors les mots : un regard franc, se tenir près du patient sans barrière du comptoir, lui toucher la main en signe de réconfort…
→ Évitez les pièges. Certaines attitudes tentantes face à la gêne doivent être évitées : chercher absolument une réponse optimiste (« Vous verrez, tout ira bien »), qui risque de donner de faux espoirs ; confondre empathie et apitoiement (« La pauvre… ») ; céder aux projections personnelles (« Je comprends ce que vous ressentez… »). Restez le plus naturel possible.
« Je veux savoir… »
→ Que veulent-ils ? Que savent-ils ?
Respectez le choix des patients qui ne veulent qu’une délivrance de leur ordonnance. Si des interrogations surviennent, sondez impérativement l’état de leurs connaissances : « Que vous a dit votre médecin ? »
→ Ciblez l’information. Limitez-vous au traitement : posologie, effets indésirables… Ne jouez pas le jeu des proches qui croisent les informations (« Vous pensez qu’il peut s’en sortir ? »), dans l’espoir d’entendre de meilleures nouvelles. Rappelez que cela ne relève pas de votre compétence, et que seul le médecin peut éventuellement répondre. Évitez absolument tout parallèle avec un autre patient (« Vous savez, Monsieur X, il a eu ce traitement »…).
→ Le bon vocabulaire. Les mots résonnent fortement chez le patient. Choisissez-les avec soin, idéalement en reprenant ceux que lui-même utilise (peut-être le médecin a parlé de « tache » plutôt que de tumeur) et évitez d’associer d’autres termes (« rayon » n’est pas forcément associé à « cancer » pour un patient).
→ Répétez. Dans un contexte émotionnel lourd, la somme d’informations est difficile à intégrer, les confusions sont fréquentes. Répétez, reformulez si besoin, imprimez des plans de prise…
« J’ai lu sur Internet… »
Pratique courante, se renseigner sur Internet et/ou participer à des forums est souvent très anxiogène.
→ Mettez en garde. Rappelez qu’Internet ne reflète pas le caractère individuel de la maladie. Aucune conduite, ni pronostic ne sont reproductibles.
→ Orientez. Indiquez aux patients et aux familles les sources fiables d’information. Constituez une fiche qui recense au niveau régional les groupes de parole, les associations de patients, les professionnels des réseaux de soins, les psycho-oncologues… Brochures patients, lignes téléphoniques de soutien, adresses utiles sont disponibles sur divers sites comme www.unicancer.fr, www.ligue-cancer.net…
→ Oui, mais attention ! Accompagnez sans préjugés les demandes de traitements de support choisis par le patient (homéopathie, phytothérapie…), tout en prévenant si besoin des conduites d’automédication à risque et des charlatans. Proposez par exemple une liste de médecins et de thérapeutes spécialisés.
Se protéger
Le juste milieu
Entre la compassion et vos propres angoisses de mort, vous, professionnel, devez veiller à ne pas vous laisser envahir émotionnellement. Trouvez un compromis qui vous paraît acceptable entre proximité et distance.
Accepter de l’aide
→ Identifier. Certains moyens de distanciation se mettent en place malgré nous : le mensonge, l’esquive en déviant la conversation, en répondant à côté ou en utilisant sciemment des termes trop techniques, la réassurance avec l’entretien d’un faux espoir, la dérision, l’agressivité avec ses collègues, à la maison…
→ Solutionner. Pour éviter de parasiter votre rôle d’aidant :
– osez dire à vos collègues « Je suis en difficulté avec ce patient » ;
– demandez à vous faire relayer ;
– dédramatisez par un temps d’échange en fin de journée ;
– et, pourquoi pas, participez à un réseau d’oncologie pour pouvoir discuter avec d’autres professionnels.
– parlez-en à un service dédié à l’écoute (Cancer info service : 0810810821 ; ou Accompagner la fin de vie : 0811020300).
Enfin, lâcher et laisser venir ses larmes devant un patient n’est en aucun cas une faute professionnelle…
Avec les conseils et l’expérience d’Agnès Rettel, infirmière et psychothérapeute, à l’écoute des patients pendant plusieurs années dans un service d’onco-hématologie. Autre source : Le dialogue pharmacien-patient, Mélanie J. Rantucci, Éditions Pro-officina.
Un cheminement en cinq étapes
Dans son cheminement face à la maladie, le patient – et ses proches – parcourt typiquement cinq étapes, dans l’ordre ou non, parfois en boucle.
1. Le déni. « Non, pas moi, le médecin a dû se tromper » À ce stade, convaincre est inutile. Préférez le silence à des phrases types : « Mais si, il sait quand même ce qu’il fait. » Si le patient vous demande : « Vous pensez que je dois le prendre ce traitement ? », restez neutre : « Le médecin vous l’a prescrit car il le juge utile ».
2. La colère, l’agressivité, parfois perçue par le refus d’observance. « Comment, vous n’avez pas toutes les boîtes ? De toute façon, je ne les prendrai pas… » Cette colère, indirectement dirigée contre vous, est un mécanisme de défense utile. Restez aussi calme que possible et laissez le patient « déborder ».
3. La négociation. « D’accord, mais qu’au moins je vois ma petite-fille se marier… » Aidez à se concentrer sur les plaisirs encore accessibles : « Ce week-end, elle vient vous voir… »
4. La dépression. Les signes peuvent être très variables : tristesse, angoisse, repli ou, au contraire, dérision… Si la peur et la tristesse sont légitimes, l’officinal ne peut rassurer que sur les traitements et leurs effets. Quand les signes sont marqués, orientez sans tarder vers un psy, les groupes de parole…
5. L’acceptation. En cas d’échec thérapeutique, le patient est lucide mais calme : « J’espère seulement que ma femme s’en sortira sans moi… » Exhorter le patient à « se battre encore » risque de remettre en cause son long cheminement.
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