Prendre en charge une entorse de cheville à l’officine

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Prendre en charge une entorse de cheville à l’officine

Publié le 25 mars 2025
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Face à un patient souffrant d'une entorse, le préparateur doit savoir questionner, évaluer et orienter efficacement.

Urgence traumatique la plus fréquente, l’entorse de la cheville est une lésion du ligament qui touche surtout les populations actives entre 18 et 55 ans. Elle survient le plus souvent en inversion (pied tordu vers l’intérieur), le ligament talofibulaire antérieur (ligament latéral reliant le péroné au talus) étant le plus souvent touché.

Les stades de gravité

  • Stade 1 (entorse bénigne) : étirement ligamentaire avec possible œdème et douleur locale sans déficit fonctionnel. Cicatrisation sans séquelles après environ 6 semaines de rééducation.
  • Stade 2 (gravité moyenne) : distension du ligament, instabilité articulaire avec œdème, douleur, limitation de la mobilité et possible ecchymose d’apparition retardée. Traitement orthopédique (orthèse ou strapping) nécessaire et rééducation plus longue pour limiter le risque de séquelles (instabilité chronique).
  • Stade 3 (entorse grave) : rupture ligamentaire avec déficit fonctionnel immédiat (impossibilité de marche), œdème et possible hématome précoce. Immobilisation puis rééducation longue.

1. Je questionne

« Quand et dans quelles circonstances est-ce arrivé ? Avez-vous vu un médecin ou déjà pris rendez-vous ? », introduit la nécessité d’un diagnostic médical.

« Avez-vous un hématome ? Une forte douleur ? Pouvez-vous poser votre pied et marcher ? », mesure l’aide à apporter.

« Avez-vous déjà appliqué quelque chose dessus ? Du froid ? », permet d’adapter la conduite à tenir en urgence.

2. J’évalue

Toute entorse de cheville doit motiver une consultation médicale.

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Le diagnostic d’urgence évalue la gravité de l’entorse. La présence d’au moins un des critères d’Ottawa justifie des examens radiographiques : âge < 18 ans ou > 55 ans, douleurs à la palpation des malléoles, de la base du 5e métatarsien ou de l’os claviculaire, incapacité à marcher quatre pas.

Si un diagnostic précis n’a pas été posé, un réexamen est nécessaire après 3 à 7 jours, l’examen clinique en urgence n’ayant pas de corrélation directe avec les lésions anatomiques.

À l’officine, on devra donc se limiter à :

  • la prise en charge prédiagnostique de l’entorse qui s’appuie sur les protocoles d’urgence, dont le RICE (Rest, Ice, Compression, Elevation) ou GREC en français (Glace, Repos, Élévation, Compression). À noter : des protocoles dérivés existent comme POLICE (Protection, Optimal Loading, Ice, Compression, Elevation), qui insiste sur le fait d’équilibrer repos et mise en charge, ou encore PEACE (Protect, Elevate, Avoid anti-inflammatory, Compress, Educate) and LOVE (Load, Optimism, Vascularisation, Exercise), qui préconise notamment de ne plus utiliser de glace et d’anti-inflammatoires ;
  • des conseils complémentaires à la prise en charge médicale pour limiter la douleur, sécuriser la marche et la reprise d’activité.

3. Je passe en revue

Repos, protection

L’objectif est de soulager la douleur et de favoriser la cicatrisation.

En urgence : cesser l’activité et mettre au repos l’articulation en limitant la marche. Des cannes anglaises peuvent être délivrées.

Par la suite : le degré d’immobilisation dépend de la gravité de l’entorse. Dans les entorses bénignes à moyennes, une contention est préconisée par strapping (sous contrôle médical) ou, plus souvent, via une orthèse élastique ou stabilisatrice de la cheville. Dès que possible, un appui partiel ou total du pied est autorisé, en fonction de la douleur.

En cas d’entorse grave, une immobilisation par botte plâtrée ou en résine peut être nécessaire pendant 6 semaines.

Cryothérapie

Appliquer du froid sans attendre vise à soulager la douleur et, dans une moindre mesure, à limiter l’œdème. À effectuer 4 fois par jour pendant 10 minutes, durant 3 jours au moins.

Les moyens : glace, poche de gel ou d’argile pour cryothérapie refroidie au congélateur (Actipoche, Nexcare Coldhot…).

Précautions : protéger la peau avec un linge fin, une poche ou un gant de toilette, afin d’éviter les brûlures.

Compression

Mise en place précocement, elle vise surtout à limiter l’œdème.

Les produits : bandes extensibles, de préférence cohésives : Easifix, Coheban, Elastoplast Cohésive, Lastopress, Velpeau Press, Nylexogrip…

En pratique : appliquer sur une peau propre et sèche sans l’étirer (1er tour), puis en l’étirant faiblement (2e tour), en spires circulaires avec un chevauchement de deux tiers.

Élévation

En position assise ou couchée, surélever le membre concerné pour limiter l’œdème.

Antalgiques

Par voie orale, le paracétamol est recommandé en première intention. Si besoin, un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) oral (type ibuprofène) peut être conseillé, mais sa supériorité d’efficacité n’est pas prouvée et l’effet sur l’œdème n’est pas significatif.

En pratique : à dose efficace la plus faible possible et sur une durée la plus courte possible, sans dépasser 5 jours sans avis médical.

Par voie locale, les AINS topiques ont montré une efficacité contre la douleur liée aux traumatismes. Certains produits ont une indication en cas d’entorse, en emplâtre ou en gel (voir tableau).

En pratique : pas avant 15 ans (16 ans pour certains emplâtres), ni chez la femme enceinte après 5 mois révolus de grossesse. Des associations de principes actifs sont indiquées dans le traitement de l’entorse – bien que leur pertinence versus AINS topique fixe ne soit pas démontrée –, dont æscine + diéthylamine salicylate (Reparil Gel), diclofénac + héparine sodique (Flector Tissugel Héparine), ibuprofène + lévomenthol (Cliptol Gel), lidocaïne + magnésium (Osmogel).

Autres. L’argile verte et traditionnellement utilisée en cataplasme pour son effet anti-inflammatoire et anti-œdémateux, ainsi que l’arnica dont l’usage externe dans le traitement des entorses et reconnu par la Coopération scientifique européenne en phytothérapie (ESCOP). En aromathérapie, sont particulièrement utilisées les huiles essentielles de gaulthérie (riche en salicylate de méthyle, mais déconseillée en cas d’allergie à l’aspirine), d’hélichryse italienne et de menthe poivrée (riche en menthol à effet froid). À ne pas utiliser pures chez l’enfant, la femme enceinte ou allaitante, ou en cas de risques de convulsions.

4. Je choisis

En urgence, avant consultation : cannes anglaises si besoin, poche de froid et bande cohésive de compression, associées à un antalgique oral si besoin.

Après consultation : antalgique oral et/ou AINS topique, pack de froid et, éventuellement, approches complémentaires (topiques en phytothérapie ou en aromathérapie).

5. J’explique

La prise en charge en urgence limite la douleur et les complications, en attendant l’avis du médecin. Le traitement dépend du diagnostic de sévérité. Il vise à soulager la cheville et à la stabiliser, pour éviter d’aggraver les lésions et favoriser la cicatrisation des ligaments. La rééducation permet de renforcer l’articulation, d’optimiser la guérison et d’éviter les récidives. À noter que la douleur au toucher peut persister plusieurs semaines, le temps que le ligament cicatrise.

6. Je conseille

Ne pas négliger la rééducation qui doit être la plus précoce possible (dès que le niveau de douleur le permet).

Si une contention adhésive est prescrite (strapping), poser en dessous une bande en mousse de protection (type Tensoban).

À propos des AINS locaux : ne pas poursuivre le traitement au-delà de quelques jours sans avis médical. Ne pas exposer les zones traitées au soleil (risque de photosensibilisation), ne pas mettre sous pansement occlusif et arrêter le traitement en cas de réactions cutanées.

Pour sécuriser la reprise d’activités à risque, notamment le sport, une chevillère de maintien souple pourra être bénéfique.

© P-E. Flori