Accompagnement Réservé aux abonnés

Par ici la monnaie !

Publié le 2 juin 2014
Par Caroline Bouhala
Mettre en favori

Récupérer les dus. La réclamation d’un impayé, d’une vignette ou d’une carte Vitale nécessite traçabilité et communication pour conserver de bonnes relations avec ses clients.

Évaluer le contexte

L’objet de la réclamation

→ De l’argent. C’est une situation courante : patients n’ayant pas prévu de payer (déremboursement, dépassement…), adolescent venu sans ses parents, achat inopiné… Mais elle est plus délicate à l’officine, qui, grâce ou à cause du tiers payant, bénéficie d’une image de « gratuité ».

→ Autres. Une ordonnance (dépannage), une vignette ou une carte Vitale ou de mutuelle sont a priori plus faciles à gérer, car les demandes de régularisation sont reconnues légitimes par la plupart des clients, qui connaissent les obligations légales de la délivrance.

Les causes

→ Négligence. Oubli ou erreur non intentionnelle de la part du patient.

→ Situation personnelle. Le non-paiement ou l’oubli est « involontaire », lié notamment à des difficultés financières, de compréhension, cognitives…

→ Mauvaise foi. Le client oublie volontairement de régulariser la situation. Il existe des coutumiers du fait dans toute officine ; dans ce cas, il peut être préféré de ne plus jamais avancer quoi que ce soit à ces personnes…

Tracer l’événement

Première condition à une gestion efficace des dus, la traçabilité doit être instaurée dès l’avance ou le crédit accordé, puis poursuivie lors d’éventuelles relances.

Publicité

Les outils

Oubliez papiers volants et promesses orales qui se perdent en route et ne permettent pas la transmission efficace à tous les membres de l’officine. Privilégiez les supports pérennes, idéalement associés.

→ Fiche patient informatique. L’inscription des dus sur fiche permet d’enregistrer et d’imprimer le détail des produits/ sommes/ordonnance/carte dus, la date, et d’être alerté dès la prochaine visite du patient. Vérifiez que la fiche est à jour et complète (adresse, téléphone…) ; ajoutez si besoin un commentaire (« Doit repasser à telle date », « Donnera l’argent à sa voisine »…) ; la mettre à jour à chaque relance éventuelle et effacer les messages dès règlement d’un dû.

→ Agenda/classeur. Il est dédié à la gestion des dus archivés par date et/ou nom de patient. Notez si possible la date à laquelle le client s’est engagé à venir régulariser.

→ Procédure. Idéalement, une démarche qualité est rédigée, reprenant étape par étape les procédures standardisées de notification et de relance.

Le « pacte client »

→ Impliquez le patient. Pour donner plus de poids, dites : « Je note ce crédit dans votre fiche… », « Je précise que vous demanderez l’ordonnance demain au médecin ».

→ Imprimez deux tickets de dus. L’un est pour le patient, l’autre pour l’officine. À faire signer par le client pour renforcer l’engagement de régularisation et à archiver dans le classeur dédié.

Déterminer qui fait quoi

L’organisation varie selon la taille, le type de clientèle – de passage ou régulière – et la politique du titulaire. Dans tous les cas, précisez à chaque étape le code opérateur de l’officinal pour la traçabilité.

→ Celui qui a avancé. Pour éviter les « couacs », et dans l’idéal, la personne qui a concédé l’avance gère les relances.

→ Un pilote des relances. Il peut être intéressant de désigner une personne responsable, chargée chaque semaine de faire le point grâce à l’agenda/classeur et d’orchestrer les relances menées par l’équipe.

Relancer pas à pas

Pour favoriser l’acceptation du client, la relance est progressive, mais néanmoins rapide pour éviter les « pertes de mémoire » dues au temps qui passe.

Le recouvrement à l’amiable

→ La date de régularisation a été fixée (cas idéal). Revenir vers le client dans les 48 heures suivant cette date.

→ Date non fixée avec un client régulier. Profiter d’une visite ultérieure pour proposer une régularisation.

→ La régularisation tarde. Enclencher la procédure de relance téléphonique et/ou par courrier ; choisir l’une ou l’autre, voire les deux, mais de préférence en décalé. Préférer en premier la relance téléphonique, plus humaine, et souvent plus efficace pour connaître les causes et obtenir un engagement de paiement. Si le premier appel est sans effet, rappeler en adoptant un ton plus ferme.

Plutôt lancée après échec des relances téléphoniques, la relance écrite, avec copie de la facturation, a plus de poids. Au « cran supérieur », la mise en demeure, par recommandé avec accusé de réception, permet de conserver une preuve écrite.

Recouvrement judiciaire

Lorsque les recours à l’amiable sont sans réponse, l’injonction de payer (on implique un juge du tribunal de commerce) et l’assignation au paiement (avec un avocat) peuvent être instaurées.

Le calendrier

Le délai entre les relances varie entre une semaine et un mois, selon la politique de la pharmacie et le contexte : relation avec le patient, situation financière ou sociale, montant avancé… Attention car au bout de deux ans(1), vous ne pourrez juridiquement plus réclamer votre règlement. Certaines étapes de relance peuvent être adoucies (client bien connu, fiable…) ou au contraire « sautées », notamment si le dû est élevé ou la mauvaise foi du client, manifeste. Noter les dates et résultats de chaque relance dans la fiche patient pour éviter de réclamer plusieurs fois (effet « matraque » contreproductif) ou, pire, lorsque tout a été réglé.

Être un diplomate ferme

Réclamer sans braquer le client demande du tact, mais aussi une certaine fermeté.

→ Pensez à la confidentialité, plus que jamais appréciée. Évitez de téléphoner ou de dire devant les clients « Bonjour Madame X., vous nous devez X euros depuis depuis deux mois ».

→ Privilégiez les faits. Ne vous perdez pas dans les détails et formules de politesse. Exposez les faits de façon concise et préférez le « je » : « Je vous contacte car on avait convenu que vous passeriez le [date] pour régulariser votre crédit daté du [date]/ votre situation à la mutuelle, mais je ne vous ai pas vu ». Souriez, en tout cas lors des premières relances ; même au téléphone, cela s’entend.

→ Préférez les questions ouvertes. Elles conduisent le patient à s’engager sur un délai : « Quand pouvez-vous passer ? »

→ Restez à l’écoute. Comprendre les motifs permet de proposer des solutions (règlement en plusieurs fois ou différé) qui peuvent débloquer une situation. De même, quand un client dit avoir « déjà payé », écoutez sa version, il se peut qu’il soit de bonne foi et qu’il ait simplement oublié. Ainsi, il se sent considéré et sera prêt à recevoir paisiblement les preuves de son « non-paiement ».

→ Concluez efficacement. Finissez par « Très bien, je peux compter sur vous pour repasser le [date] à la pharmacie afin de régulariser ». Enchaînez par : « Je me permettrai de vous rappeler le lendemain ou le surlendemain si vous n’êtes pas passé » pour l’assurer d’une relance prochaine.

→ Soignez les moyens d’expression. Évitez les phrases accusatrices (« Vous n’avez pas payé votre crédit »…) ; préférez « J’attends votre règlement ». Limitez les questions fermées de type « Vous pourrez me rapporter l’ordonnance ? » car elles n’engagent aucunement le patient sur un délai. Bannissez les mots négatifs comme ennui, souci ou problème, au profit de solutions : « Vous pourriez appeler votre médecin et demander qu’il régularise cette situation », « Nous pouvons trouver un arrangement… ».

(1) Article L 137-2 du code de la consommation.

Interview

Élisabeth Muller

consultante formatrice dans le domaine de la relation client chez Gereso, société de formation, conseil et d’édition en ressources humaines (www.gereso.com).

Quelle est la règle d’or de la relance ?

Responsabiliser le patient sur un délai de paiement. Lorsque l’on accorde un crédit, dire seulement de « rembourser la prochaine fois » ne l’engage pas suffisamment. Il faut fixer avec lui une date à laquelle il viendra régulariser son dossier, soit en lui posant une question ouverte du type « Quand pourriez-vous repasser ? » ou alternative comme « Vous préférez passer en fin de semaine ou en début de semaine prochaine ? ». Une fois l’engagement pris, notez-le devant lui. Au-delà de cette date, vous pourrez alors le relancer sans qu’il soit surpris.

Comment communiquer pour conserver une bonne relation client ?

Il existe trois terrains d’expression auprès d’une personne : les faits, les opinions et les sentiments.

L’opinion étant variable, elle peut être à l’origine d’un désaccord générant un conflit. Une bonne communication privilégie donc les faits et les sentiments. Les faits étant incontestables (« Vous deviez régler sous trois jours, mais vous n’êtes pas venue »), la personne ne pourra qu’être d’accord avec vous.

Au niveau des sentiments, votre ressenti ne peut pas non plus être contesté (« Ça m’ennuie d’être obligé de vous appeler »).

Comment faire pour lever la gêne de réclamer ?

Tout le monde n’a pas ce frein, cela va dépendre des gens. Tout d’abord, dites-vous qu’il n’y a rien d’anormal à demander à quelqu’un de régler ses dettes. Après, vous pouvez également penser aux enjeux pour l’entreprise car les impayés représentent une perte de trésorerie non négligeable, qui peut à la longue impacter la santé financière de l’officine et, par conséquent, la rémunération des salariés.