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Objectif zéro conflit

Publié le 1 mai 2011
Par Anne-Lise Favier
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Comme dans toute équipe en entreprise, l’officine peut être le théâtre de conflits qu’il faut apprendre à éviter ou désamorcer. Le mieux est de miser sur le dialogue et la médiation.

Des causes variées

« J’en avais assez de l’entendre à longueur de journée parler de sa vie privée, alors, un jour, je lui ai dit ce que je pensais trop ouvertement, ce qui a inévitablement conduit à une dispute », explique Laure, préparatrice dans le Nord (59). Une de ses collègues bavardait trop selon elle. La pharmacie d’officine, comme tout lieu de travail, peut être le creuset de nombreux conflits.

Management défaillant

Retards, bavardages, problème de planning, congés, manque de rigueur, formation, attribution de tâches ou de responsabilités, tous les motifs sont bons pour qu’une ambiance de travail bascule dans une atmosphère conflictuelle. « C’est encore plus vrai à l’officine, explique Nicolas Deguilhem, conseiller en management (voir encadré), car la plupart des pharmaciens ne sont pas des managers et les titulaires communiquent très peu ».

Implications divergentes

Aux carences en management, s’ajoutent des compétences différentes entre pharmaciens et préparateurs, et des attributions spécifiques. Rapidement, diverses sources de discorde peuvent émerger. « Un conflit est une vision divergente d’une même réalité », explique Isabelle Barth, directrice de la recherche à l’université de Strasbourg et co-responsable du MBA, « Management et marketing de la pharmacie d’officine ».

Incompatibilités humaines

Ce qui est normal pour une personne peut ne pas l’être pour une autre, source potentielle d’agacements, puis de conflits. De plus, différentes personnalités se côtoient, avec leur éducation et leur caractère propres. Certaines, très rigoureuses, seront agacées par une personne qui l’est moins. Le volet générationnel peut intervenir. « Les jeunes sont généralement plus ouverts au dialogue, estime Nicolas Deguilhem, tandis que le personnel proche de la retraite est moins enclin à se remettre en question ».

Le titulaire, chef d’orchestre

Un règlement intérieur

« Dans tous les cas, c’est au pharmacien de rendre le climat le plus positif possible et donc le moins propice aux conflits », estime Isabelle Barth. Un avis partagé par Nicolas Deguilhem, qui note que « c’est le titulaire qui doit orienter son personnel et mettre en place une marche à suivre pour ne pas verser dans le conflit. Je milite pour que toute pharmacie ait un règlement intérieur – mis en place par le gérant – pour que le personnel s’y réfère, ce qui évite bien des sources de divergence ».

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Un rôle de médiateur

Passées les anicroches, dues à une mauvaise organisation à l’officine, le titulaire compose avec les personnalités et « doit se rappeler que l’objectivité est la meilleure des réponses. Et oublier qu’il est face à deux personnes qui réagissent sur le plan affectif. Il doit se dire qu’il est dans une situation précise, face à un problème particulier qu’il faut régler » résume Isabelle Barth. Ainsi, si le conflit a pour origine une facture mal rangée ou la plainte d’un client, ce n’est pas la peine de chercher le coupable ; il faut découvrir la cause première. « Le “tu” tue, estime pour sa part Nicolas Deguilhem. C’est un “tu” utilisé pour montrer du doigt. Il doit être banni au profit d’une médiation efficace ».

Parler

Poser les choses

• Dire les choses clairement et simplement. Parfois, cela permet aussi de s’affranchir. « Si un préparateur plus âgé ne supporte pas qu’un jeune le tutoie, il doit le dire. Pour éviter que cela ne tourne au pugilat », explique Nicolas Deguilhem. Il faut essayer d’être le plus transparent possible.

• S’ouvrir au titulaire. Si la situation ne s’améliore pas, en parler au titulaire, qui doit agir en prenant du temps pour encadrer son personnel. Pas seulement du point de vue organisationnel mais aussi du point de vue humain. « La relation avec les collègues se doit d’être aussi exemplaire que celle entretenue avec ses clients », résume Nicolas Deguilhem. Et comme l’on reste poli et courtois avec la clientèle…

Prendre du recul

Si un conflit s’envenime, le recul permet souvent d’y faire face. « Plutôt que de ruminer des griefs contre son collègue et s’interdire de lui adresser la parole durant des heures, il est plus efficace de penser à l’accueil de son client », rappelle le consultant. Aucune raison de s’en prendre au client !

Des pistes

Organiser

L’organisation est primordiale. Si la pharmacie est gérée autour de procédures (la fermeture, la réception des commandes, la gestion des promis…), les sources de conflits seront moins nombreuses. « Il est difficile de contester une action si elle est écrite noir sur blanc », explique Isabelle Barth. Éviter cependant de devenir trop procédurier et d’oublier le dialogue.

Tolérer

• Tout le monde a droit à l’erreur. L’erreur est source d’apprentissage. Personne ne doit avoir peur de se tromper, de demander, car de la peur naît le conflit.

• Questionner. Les apprentis ou les étudiants ne doivent pas hésiter à poser des questions. Cela évitera plus tard de se faire taper sur les doigts !

• Communication. Lors d’un conflit, les deux « opposants » doivent pouvoir se parler, « se dire ce qu’ils ont sur le cœur », conseille Isabelle Barth. Avec ou sans le titulaire qui joue alors le rôle d’arbitre.

• Décalage. En cas d’échec des méthodes traditionnelles, la solution dite « bizarre »* peut aboutir à de bons résultats. « Dans ce cas, on oublie les solutions classiques ; on cherche une solution très décalée. Par exemple, si deux salariés passent leur temps à se disputer au comptoir, la solution bizarre consiste à leur dire qu’ils peuvent continuer à se disputer, sans problème, mais uniquement dans une salle spéciale, au fond de la pharmacie et uniquement là. Les conflits s’épuisent d’eux-mêmes en général », explique Isabelle Barth.

À proscrire

L’évitement

Fuir les situations problématiques ne les fait pas disparaître. Essayez de trouver du temps pour en discuter.

La bureaucratie

Écrire trop de memento est contre-productif. Préférez une intervention orale qui rappelle les responsabilités de chacun.

L’autorité

Efficace pour désamorcer une crise en direct devant les clients, l’autorité ne mène nulle part sans dialogue.

* de l’École de psychosociologie de Palo Alto, née dans les années 1950 en Californie.

L’avis de… Nicolas Deguilhem, ancien préparateur, consultant en management

www.strategiepharmacie.com

« Certains moments de convivialité ont leur place à l’officine. »

L’ambiance dans une officine est quelque chose de fragile qui se travaille au quotidien. Si le titulaire ne laisse pas de marge aux préparateurs, ceux-ci peuvent très vite se lasser de leur quotidien, et perdre la motivation d’avancer. Le relationnel est aussi primordial entre employés. Ils doivent prendre conscience que l’autre est différent, se respecter et travailler en synergie, en pensant à l’objectif, l’officine et le client. Je conseille de mettre de côté ses problèmes personnels, sans pour cela rester une journée sans se parler ! Au contraire, certains moments de convivialité ont leur place à l’officine. La base est de dire bonjour ! On peut également souder une équipe en fêtant les anniversaires ou certains événements importants dans la vie. Les titulaires doivent être exemplaires.