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Les patients, le jeûne et moi
Aborder le ramadan. Ce mois de jeûne est à risque pour l’observance des patients musulmans pratiquants. Des notions sur ce rituel sont utiles pour les aider à trouver leurs propres solutions.
Le ramadan, c’est quoi ?
Un pilier de l’islam sociétal
→ Un sens religieux. Le ramadan est important pour les musulmans car c’est durant ce mois qu’a débuté la révélation du Coran par l’ange Gabriel au prophète Mohammed. Pour célébrer ce caractère sacré, un jeûne a été institué. Le ramadan fait partie des cinq piliers de l’islam avec la profession de foi, les cinq prières par jour, l’aumône légale et le pèlerinage à la Mecque. La fin du jeûne est marquée par l’Aïd-el-Fitr ou el-Seghir (petite fête). Pour le judaïsme, le christianisme ou l’islam, jeûner vise la purification et la spiritualité. Le ramadan est un mois de paix et de partage.
→ Un rôle social. À ce caractère spirituel, s’ajoute une importance sociale et communautaire avec des liens renforcés et une vie sociale et familiale intense.
Les pratiques
Le mois du ramadan est caractérisé par l’obligation pour tout musulman pubère de ne pas manger, ni boire ou avoir de relations sexuelles du lever au coucher du soleil, et l’adoption d’une attitude respectueuse envers soi-même et autrui.
→ Quand ? Il a lieu le neuvième mois de l’année musulmane. Il suit le calendrier lunaire et non solaire, d’où sa durée de 29 ou 30 jours selon les années, et il est décalé de quelques jours à chaque fois. Cette année, il devrait débuter le 27 mai.
→ Qui est exempté ? Les individus fragiles, âgés et/ou malades, les femmes enceintes ou allaitantes, en période de règles, les enfants avant la puberté et les voyageurs.
→ Se rattraper est possible. Les personnes qui sont empêchées de faire le ramadan peuvent jeûner plus tard ou compenser en assumant la nourriture d’un pauvre ou en faisant une aumône.
→ Les habitudes alimentaires changent. Une surconsommation de produits sucrés et gras et une sous-consommation de fruits et légumes sont fréquentes (voir encadré).
→ Des soins interdits. Seules les voies orales et intraveineuses à but nutritif rompent le jeûne selon les recommandations de 1997 de la Fondation Hassan?II pour la recherche scientifique et médicale sur le ramadan, avec l’OMS. D’autres voies sont parfois supprimées, selon l’interprétation de chacun : gouttes nasales, aérosols… Prises de sang et autres examens sont autorisés.
Quel rôle pour l’officinal ?
Des intérêts certains
→ Beaucoup pratiquent. Il n’existe pas de statistiques sur le nombre de musulmans en France(1), mais parmi les personnes d’origine musulmane, 75 % se disent croyantes, dont 41 % croyantes pratiquantes, et 71 % pratiquent le jeûne(2).
→ Le jeûne peut perturber l’observance. Il requiert dans certains cas des adaptations posologiques en raison de l’interdiction d’avaler quoi que ce soit durant 12 à 18 heures selon les saisons. Il peut déséquilibrer des maladies, tels un diabète avec hypo- et hyperglycémie, une insuffisance cardiaque, un ulcère gastro-duodénal, voire d’autres pathologies chroniques en cas de rupture thérapeutique : insuffisance rénale, épilepsie, infection au VIH…
→ Les conseils hygiéno-diététiques sont bienvenus pour vaquer à ses activités diurnes. Le temps de sommeil est souvent réduit, vu l’heure du coucher de soleil, avec une éventuelle baisse des performances.
→ Prévenir les accidents. Informer sur les gestes de prévention d’une hypoglycémie ou d’une déshydratation en cas de chaleur ou d’activité physique intense sans boire.
→ Accompagner le choix. L’interprétation des textes sacrés peut diverger à la fois du point de vue du dogme et au niveau individuel. Ainsi, la limite où le jeûne va être considéré comme délétère sur sa santé est difficile à fixer. Selon une étude(3), 42,8 % des diabétiques de type 1 et 78,7 % de type 2 ont jeûné au moins quinze jours lors du ramadan en 2001. Certains enfants commencent à jeûner des demi-journées pour s’habituer.
Adopter une posture éducative
Idéalement, toute relation avec un patient inclut dialogue, informations mutuelles et recherche de sens afin de dégager des priorités dans le respect de chacun pour se soigner le mieux possible. Au sein d’un pays, d’une fratrie, dans toute culture au sens large, chacun a ses représentations de la maladie et du traitement. À vous d’adopter une posture éducative avec un minimum de savoir, de bon sens et d’intérêt pour l’autre. Nul besoin de devenir un anthropologue fin connaisseur de l’islam.
Repérer les concernés
Tous les musulmans ne sont pas originaires du Maghreb et tous ne pratiquent pas.
→ Vous connaissez pas ou peu le client. Aspect physique, consonance du nom, pour éviter les impairs : « Comment allez-vous vous organiser pour prendre vos médicaments les prochaines semaines ? »
→ Vous savez qu’il est de culture musulmane. « C’est bientôt le ramadan, fin mai, n’est-ce pas ? Vous savez comment vous allez vous arranger avec votre traitement ? » Questionner de façon ouverte et neutre pour recueillir des infos sur son organisation.
→ Encouragez à prendre rendez-vous avec le médecin traitant ou le spécialiste pour adapter les prises, voire lui proposer de l’appeler si le ramadan a débuté et qu’aucune adaptation posologique n’a été prévue. « C’est la personne qui vous connaît le mieux sur le plan médical. Il vaudrait mieux la prévenir que vous souhaitez jeûner, afin qu’elle vous apporte des solutions adaptées ». Parfois, le traitement peut être légèrement modifié, par exemple avec des formes LP. À noter : selon une étude(4), 38 % des médecins ont tenté de convaincre leurs patients que le jeûne est néfaste pour leur santé et la majorité ignore comment adapter les schémas thérapeutiques. Et près de 50 % des patients jeûnent sans avertir leur médecin ou outrepassent la contre-indication. Il est possible que ce soit à l’officinal d’adapter les prises, avec des décalages possibles…
→ Adaptez au cas par cas. Passez en revue chaque médicament : « En temps normal, comment le prenez-vous ? Pendant le ramadan, comment comptez-vous faire ? »
Prévenir les incidents
→ L’aider à trouver. Avant « Faites ceci ou cela », demandez : « Et si pendant le ramadan votre glycémie tombe très bas, vous connaissez les signes, n’est-ce pas ? Comment allez-vous faire dans ce cas-là ? » Mettez la personne en situation de trouver elle-même des solutions. Accompagnez-la en lui donnant les éléments techniques de ce qui est possible ou pas.
→ Élargir les possibles. Certains patients aux faibles connaissances médicales n’osent pas bouger d’un iota une prise médicamenteuse. Si le médecin leur a dit 19 heures, c’est 19 heures et pas 19 h 10. Rassurez-les : « En décalant cette prise lors de la rupture du jeûne, il n’y aura aucun souci, tout se passera bien ».
→ Faire un rappel du risque. Si vous pensez qu’une personne prend un risque en adoptant tel ou tel comportement, lui dire qu’elle peut agir de cette façon, elle est libre, mais qu’il y a un risque en face. Évitez surtout toute désapprobation morale. « Je crois savoir que vous pouvez acheter des jours de ramadan non faits ? » ou « Vous pouvez reporter ces quelques jours de jeûne plus tard, il me semble ? » Si vous êtes proche, « Vous m’avez dit que Dieu donne la santé, mais alors, ne pas faire tout ce qui est en votre pouvoir pour la conserver, n’est-ce pas se mettre en opposition avec la religion ? » À noter : chez les croyants assez fatalistes qui parlent d’un Dieu qui donne la maladie, vous pouvez dire, si vous êtes en confiance et proche de la personne, « Si Dieu a permis l’évolution de la médecine, pensez-vous qu’il vous interdirait quelque chose pour vous soigner ? En avez-vous parlé à l’imam ? » Là, le patient peut se dire que s’il ne prend pas son traitement, il sera en opposition à Dieu…
Rester souple
→ Ni peur, ni menace. Évitez : « La religion ne devrait pas avoir un impact sur votre santé de cette façon », « Dieu ne vous en voudra pas si vous ne faites pas le ramadan cette année? », « Vous allez vous mettre en danger »… Ne minimisez pas l’importance du jeûne pour le patient. Menacer ou faire peur peut l’éloigner un peu plus des soignants et d’une prise en charge adaptée. Privilégiez : « Je sais que le jeûne du ramadan est très important pour vous et vos proches. Néanmoins, au vu des traitements que vous prenez, je vous propose de regarder tout cela ensemble pour faire en sorte que tout se déroule au mieux ».
→ Éviter les blocages. Écartez vos opinions personnelles et l’idée de détenir la vérité. Pas de paternalisme, ni de blocage. Votre but est de trouver la moins mauvaise solution, pas de faire en sorte qu’il ne fasse pas le ramadan ou qu’il se débrouille seul !
Abolir la barrière de la langue
Ne pas faire porter le poids de la responsabilité aux aidants, qu’il s’agisse d’un enfant maîtrisant mieux le français ou d’un proche. Au risque aussi de rompre le secret médical. En cas de grosse difficulté, contactez un interprète sur Inter-service migrants (www.ism-interpretariat.fr), voire utilisez Google traduction sur translate.google.fr. La réponse se lit ou est audible en cliquant sur le haut-parleur.
Merci au Pr Olivier Bouchaud, service des maladies infectieuses, CHU Avicenne (Bobigny), et à Pierre Sonnier, pharmacien formateur, CRES PACA (Marseille).
(1) 2,1 millions de musulmans en France selon Trajectoire et origine, Insee/Ined 2008. Environ 4?millions aujourd’hui (Le Monde, juillet 2016).
(2) Analyse : 1989-2011. Enquête sur l’implantation et l’évolution de l’Islam en France, Ifop, juillet 2011.
(3) Epidiar 2004 dans treize pays musulmans sur 12 243 patients : 1 070 diabétiques de type 1 et 11 173 de type 2.
(4) Le ramadan : regards croisés patient médecin, thèse de médecine, Marseille 2007.
Les trois repas du ramadan(1)
« Mangez et buvez jusqu’au moment où vous pourrez distinguer un fil blanc d’un fil noir, à la pointe de l’aube. À partir de cet instant, observez une abstinence totale jusqu’à la tombée de la nuit » (sourate 2, verset 187). Au coucher du soleil, place à la rupture du jeûne avec(1) :
• le 1er repas, ou Ftour, Ftor ou Iftar : un sucre d’assimilation rapide, des dattes avec de l’eau et du lait. Attendre quelques minutes, le temps de régulariser la glycémie et de préparer l’estomac pour la suite avec soupe, boissons chaudes… ;
• le 2e repas ou dîner : deux à trois heures après le Ftour, avec lequel il est parfois fusionné, et la prière. Il ne doit pas être lourd car tout sera stocké et non assimilé en dormant, et il risque d’ôter la sensation de faim au matin : salade ou bouillon, légumes, plat de poisson ou viande blanche ;
• le 3e repas, ou Souhour ou Suhur : dernier repas avant la prière de fin de nuit. Ce repas de l’aurore permet d’affronter la journée avec pain, pâtes, féculents et sources de calcium et boissons.
(1) Recommandations du ministère de la Santé du Maroc.
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