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Le prof, maintenant, c’est moi !

Publié le 3 septembre 2017
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Enseigner en CFA. Devenir formateur est une bonne occasion pour diversifier son activité professionnelle. Voici des pistes pour sonder sa motivation, se préparer et orienter sa pédagogie.

C’est pour moi ?

Motivation avant tout

Le CFA n’est pas un refuge pour les personnes fatiguées de l’officine ! Enseigner implique de se remettre en question en permanence, d’être à l’affût de nouvelles informations et de s’adapter chaque année à un groupe d’apprentis. C’est tout sauf une routine « plan-plan » ! La motivation est indispensable pour se lancer, avec une question incontournable à se poser : « Ai-je vraiment envie de transmettre mes connaissances et mon métier ? »

Conditions légales

Pour être autorisé à enseigner, le préparateur doit justifier de son diplôme(1) et d’un extrait de casier judiciaire vierge. Les candidats doivent avoir au moins deux ans d’expérience professionnelle sur les dix dernières années… Ce n’est pas une obligation mais beaucoup d’enseignants continuent d’exercer en officine. C’est l’assurance d’avoir des professeurs connectés à la réalité ! Et dans certains CFA, les directeurs en font un prérequis.

Choix des matières

→ Par les compétences. Déterminer la matière enseignée est guidé en partie par le diplôme et l’expérience. Si les enseignants pharmaciens sont orientés vers la chimie, l’immunologie, la biochimie ou la pharmacologie, les préparateurs sont majoritaires dans la supervision des travaux pratiques, en pharmacie galénique… Les préparateurs hospitaliers peuvent également mettre en valeur leurs connaissances des dispositifs médicaux.

→ Par goût. Le choix est aussi une affaire de prédilection, l’idéal étant d’opter pour des matières dans lesquelles on se sent à l’aise, de manière à maîtriser le cours et de le transmettre avec enthousiasme.

→ Selon les besoins. Il est possible également de s’adapter à la demande. Si vous voulez à tout prix enseigner et, sauf niveau nullissime ou dégoût profond, si le CFA a besoin d’un prof de chimie, il faudra vous replonger dans les isomères et le tableau de Mendeleïev…

Je postule

Préparer sa candidature

Il faut rédiger avec attention :

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→ un curriculum vitae (CV), qui doit préciser l’année d’obtention du diplôme et, le cas échéant, sa mention, certains CFA la considérant indispensable, les différentes expériences professionnelles et leur durée. Notre conseil : noter les activités associatives et/ou de loisirs si elles incluent un encadrement (colonies, bénévolat…) ;

→ une lettre de motivation, où vous exposez pourquoi vous vous portez candidat (envie de transmettre ses connaissances, de diversifier ses activités, passion pour une matière…). Détaillez votre expérience officinale et vos compétences : réalisation de préparations et fréquence, encadrement d’apprentis, etc. Sans oublier vos disponibilités : un jour ou deux par semaine. Notre conseil : mettez en avant deux ou trois points forts de votre tempérament utiles à votre candidature, comme la curiosité, l’enthousiasme, le sens de l’écoute, le goût du travail en équipe…

→ Anticiper le planning. Les apprentis sont en cours une semaine par mois ou deux jours par semaine. Aborder la question avec votre titulaire pour donner vos disponibilités dans votre lettre de motivation.

À savoir : l’enseignant est libre de cours lors des vacances des apprentis.

Prendre l’initiative

Vous pouvez attendre une offre d’emploi diffusée par des grossistes, Pôle emploi, sur les réseaux sociaux… mais les candidatures spontanées sont monnaie courante dans les CFA. N’attendez pas pour vous signaler, envoyez votre dossier en candidat libre. Notre conseil : contactez le centre de formation que vous visez pour savoir à qui l’adresser, nom exact du directeur ou de la directrice. L’appel peut déboucher sur un rendez-vous pour remettre votre dossier en main propre. Proposez aussi de venir déposer votre candidature, cela vous permettra de discuter avec l’assistant de formation (celui ou celle qui reçoit les élèves à la pause pour les soucis pratiques, traite les dossiers…).

Répondre aux sollicitations

Les CFA recherchent parfois des professionnels pour la surveillance d’épreuves, de TP blancs par exemple. Ce premier contact, parfois bénévole, permet de découvrir le CFA autrement, de se faire connaître et de montrer sa motivation.

J’ai décroché un entretien

Se renseigner sur le CFA

Les CFA sont majoritairement privés. Ils ont un fonctionnement individuel à cerner en amont. Parmi les pistes : discuter avec des élèves fraîchement diplômés (quelle est l’ambiance, qui sont les enseignants, travaillent-ils en doublon ?…) et visiter le site Internet du CFA (fonctionnement, nombre d’élèves, actualité…). Vous montrerez ainsi votre intérêt lors de l’entretien : « J’ai vu sur votre site que vous organisiez des soirées de formation pour les préparateurs diplômés », « J’ai pris connaissance de l’équipe enseignante en place… »

Se mettre en condition

→ Optez pour une tenue correcte et soignée.

→ Adaptez votre langage. Évitez les familiarités ou le copinage et soignez votre diction. Parlez lentement, distinctement, suffisamment fort, des qualités qui sont reconnues pour un enseignant !

→ Faites un essai. Certains CFA le demandent systématiquement au candidat pour qu’il le présente devant le directeur, qui, lui, joue le rôle d’un apprenti. Cet « essai pédagogique » permet d’évaluer l’aisance verbale, la pertinence du cours conçu, sur le fond comme sur la forme. Dans d’autres cas, le proposer est un plus pour montrer sa motivation.

J’enseigne

Préparer ses cours

Outre le référentiel des activités professionnelles (quelles compétences pour le préparateur…) et celui de certification (qui détaille les modalités pour passer le diplôme), la colonne vertébrale est le référentiel des savoirs associés. Il liste le programme et les compétences attendues. Il doit être rempli pour un enseignement complet et à jour. Les sources sont nombreuses : ouvrages spécialisés, dont ceux des éditions Porphyre, publications scientifiques et législatives pour la mise à jour, mais aussi cours d’élèves ayant terminé récemment leur cursus, discussions avec d’autres professeurs… Vous trouverez en ligne quelques aides pour démarrer en tant qu’enseignant, comme sur Wikihow (http://fr.wikihow.com/préparer-un-cours).

À savoir : dans certains CFA, des tuteurs sont présents pour accompagner les nouveaux enseignants.

Façonner sa pédagogie

→ S’adapter aux élèves. Les apprenants sont de jeunes adultes, mais aussi des personnes en reconversion professionnelle déjà diplômées, avec BTS, licence, maîtrise, voire master… La bonne idée pour mieux répondre à cette mixité est de suivre une formation à la « formation des adultes », parfois proposée par le CFA aux nouveaux professeurs via l’Association nationale pour la formation professionnelle de la pharmacie (www.anfpp.fr).

→ Partager l’expérience. Pour rendre le cours vivant et répondre à la soif d’exemples concrets des élèves, illustrez largement les cours avec des situations de terrain : « Voici le principe de l’IRM, comment l’expliquer à un patient anxieux avec une ordonnance de produits de contraste ? », « Nous venons de voir les traitements du RGO, ou reflux gastro-œsophagien, que conseillerez-vous à une femme enceinte au comptoir ? »

→ Soigner la relation. Pour trouver la bonne distance en conservant un bon esprit, l’idée est de considérer les élèves comme de futurs collègues. Et de se rappeler qu’ils pourront bientôt, qui sait, travailler dans votre équipe !

→ Marquer son autorité. Lorsque des bavardages viennent perturber les cours, il faut vite réagir. Jouer d’abord la responsabilisation : « Vous êtes des élèves, mais aussi des adultes qui doivent respecter les règles du groupe ». En cas d’élément(s) perturbateur(s), l’exclusion temporaire d’un cours peut être envisagée, en accord avec le directeur.

→ Préserver la confidentialité. Attention aux confidences que les élèves ont tendance à faire sur leur pharmacie : « L’ambiance est pourrie », « C’est léger niveau législation », « Untel se trompe souvent dans les traitements… » Si l’enseignant doit pouvoir les entendre, inutile que tout le monde en profite. Couper court, proposer d’en reparler en tête à tête et alerter la direction si la situation semble vraiment délicate.

(1) www.contratdapprentissage.fr, onglet CFA. Pour les rares CFA en lycée professionnel, il faut passer le concours d’accès au corps des professeurs de lycée professionnel (CAPLP).

3 conseils de pro

Vincent Bardeau, préparateur dans une pharmacie de La Roche-Posay (86) et formateur au CFA de Poitiers en BP et pour le CQP dermo-cosmétique. Ses matières : législation pharmaceutique, travaux pratiques, commentaire technique d’ordonnance et reconnaissances.

• 1. Osez sans attendre. « Il est possible de postuler même si on ne remplit pas tous les critères. Au moment où le CFA m’a proposé de devenir formateur, je n’avais pas les années d’expérience théoriquement requises mais j’ai bénéficié d’une dérogation validée par le rectorat. Dans tous les cas, rencontrez la direction du CFA, discutez des aménagements possibles… quitte à ce que votre candidature soit mise en attente pour l’année d’après. »

• 2. Testez. « Si la motivation est là, il ne faut pas hésiter à essayer. J’ai débuté pour une année, en prévenant la direction du CFA que j’arrêterais si cela ne me convenait pas. C’était il y a dix ans et j’y travaille toujours. Je suis ravi de m’être laissé tenter ».

• 3. Proposez. « Halte aux idées reçues ! La façon d’enseigner évolue aussi dans les CFA. Les formateurs passionnés peuvent laisser libre cours à leur envie de transmettre, les enseignements sont de plus en plus interactifs, la pédagogie fait plus de place aux échanges. Toutes les bonnes idées seront bien accueillies ».