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La sollicitation de clientèle a des règles

Publié le 1 septembre 2012
Par Fabienne Rizos-Vignal
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Le but de tout commerçant est de capter et de fidéliser la clientèle, mais les pharmacies sont tenues dans un carcan déontologique. Attention aux cartons rouges !

Jouez l’attractivité

En dehors des médicaments de prescription, les produits ne se vendent pas tout seul. Il faut créer une envie, voire susciter un besoin. Le conseil au comptoir est une compétence fondamentale et irremplaçable, mais il faut attirer et capter le chaland alors qu’il n’est pas encore entré. Pour cela, la vitrine est un média d’excellence car visible en permanence. À l’intérieur, les animations, les fiches conseils, les cartes de fidélité, les cadeaux restent des armes de séduction massive.

Respectez la déontologie

Les pharmacies ne sont pas des commerces comme les autres. Si la sollicitation de clientèle leur est autorisée, l’article R. 4235-22 du Code de la santé publique fixe les limites déontologiques : « Il est interdit de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession. » Ainsi, la ligne blanche est la dignité de la profession, mais problème, le Code de la santé publique ne précise pas concrètement ce qui est digne ou indigne. Cette notion, floue et évolutive, est donc laissée à l’appréciation du juge ordinal (voir encadré).

Les vitrines

Autorisé

La présentation des vitrines est réglementée par l’article R. 4235-59 du Code de déontologie en vertu duquel « les vitrines des officines et les emplacements aménagés pour être visibles de l’extérieur ne peuvent servir à présenter que les activités dont l’exercice en pharmacie est licite ». Les médicaments conseil peuvent être exposés, à condition d’être munis d’un visa grand public demandé par le laboratoire responsable de sa mise sur le marché. Bien que vignetés, les vaccins sont autorisés. Quant aux produits inscrits à la LPPR, ils peuvent être utilisés pour composer le décor d’une vitrine thématique.

Carton rouge!

• Le « remboursé ». Il est exclu d’exposer en vitrine un médicament vigneté excepté les vaccins. Toute allusion au remboursement ou à la prise en charge à la LPPR est interdite.

• L’agressivité. Imagination, créativité et originalité sont de mise pour attirer l’attention, mais toutes les fantaisies ne sont pas permises. Les accroches tapageuses et les messages publicitaires agressifs sont déontologiquement incorrects.

Publicité

Exemple : les affiches publicitaires surdimensionnées, les bandeaux fluorescents pour annoncer une promotion.

Les animations

Autorisé

Les animations servent à faire découvrir un produit, une nouvelle gamme, à promouvoir un conseil, un message de prévention, ou fêter un événement (dépistage du diabète, fête des bébés…). Différentes thématiques peuvent être déclinées, tout en restant dans le prolongement de l’activité de l’officine.

Carton rouge !

Les animations insolites et sans rapport avec l’exercice de la pharmacie ne sont pas admises par la doctrine ordinale. S’il est tout à fait possible d’organiser, par exemple, une animation maquillage, il est contestable de proposer un atelier de massages. Autre limite, « le pharmacien ne peut pas mettre à la disposition de personnes étrangères à l’officine, à quelque titre que ce soit, onéreux ou gratuit, tout ou partie de ses locaux professionnels pour l’exercice d’une autre profession ». Il est donc exclu de faire intervenir une diététicienne afin d’organiser une animation « minceur ».

La publicité

Autorisé

La publicité d’une animation est possible, mais elle se limite au point de vente, à l’intérieur de la pharmacie et en vitrine.

Carton rouge !

Invitations, encarts dans la presse, prospectus, dans les commerces environnants, etc. sont incompatibles avec l’article R. 4235-22 du Code de la santé publique. Il est interdit de constituer un fichier clients afin d’envoyer des invitations par mail.

Les fiches conseils

Autorisé

La diffusion gratuite de brochures d’éducation sanitaire dans l’officine est autorisée. À condition que ces fiches ne comportent aucune publicité en faveur de l’officine, hormis le nom et l’adresse de la pharmacie. Leur contenu engage naturellement la responsabilité du pharmacien, notamment si les conseils prodigués s’avèrent dommageables pour le patient.

Carton rouge !

Aucune publicité sur les produits et leurs prix ne peut être indiquée.

Les cadeaux

Autorisé

À l’occasion d’une naissance, à la veille des vacances, différents événements peuvent servir de prétextes pour offrir un cadeau aux clients les plus fidèles (eau de parfum, sac de plage avec logo de l’officine, etc.). Là encore, le Code de déontologie érige l’interdiction « de donner des objets ou produits quelconques à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable ». La « valeur négligeable » est fixée, d’après le Livre de procédure fiscale, à 30 euros par an et par bénéficiaire.

Carton rouge !

Les chèques-cadeaux au nom d’une officine sont interdits.

Les cartes de fidélité

Autorisé

Les cartes de fidélité ont pour but de fidéliser la clientèle à un point de vente en accordant un avantage après un certain nombre d’achats. Exemples : un produit offert, une remise, etc.

Carton rouge !

Le Code de la santé publique exclut leur utilisation en pharmacie, même si elles ne visent que la parapharmacie. Elles sont incompatibles avec le principe déontologique du « libre choix du pharmacien ».

Les prix

Autorisé

Les médicaments non remboursables et les produits de parapharmacie obéissent aux règles générales de la concurrence ; leurs prix sont librement déterminés. Cette liberté a toutefois des limites puisque l’article R. 4235-65 du Code de déontologie précise que « lorsque le pharmacien est, en vertu de la réglementation en vigueur, appelé à fixer librement les prix pratiqués dans son officine, il doit y procéder avec tact et mesure ». La politique de prix de l’officine doit donc prendre en compte cette exigence.

Carton rouge !

Par le jeu de la libre concurrence sur les prix, le pharmacien ne doit pas inciter les patients à une consommation abusive de médicaments.

Le compérage est interdit

Distinct de la sollicitation de clientèle, le compérage est défini comme « l’intelligence entre deux ou plusieurs personnes en vue d’avantages obtenus au détriment du patient ou de tiers » (article R. 4235-27 du Code de la santé publique). Tout compérage entre pharmaciens et médecins est interdit.

La réponse de

Michel Duneau, professeur émérite, université Paris Descartes

En matière de sollicitation de clientèle, la déontologie pharmaceutique prohibe les procédés contraires à la dignité de la profession. Que faut-il comprendre ?

Prétendre que le Code de la santé publique interdit au pharmacien la sollicitation de clientèle est inexact ; cette dernière est inhérente à tout exercice commercial. Si ce code lui interdit de solliciter des commandes auprès du public (article L. 5125-25), il ne condamne la sollicitation de clientèle que si elle utilise des moyens contraires à la dignité de la profession (article R. 4235-22), notion comportant une part de subjectivité. C’est au juge disciplinaire, saisi en général par un confrère qui se plaint du procédé utilisé, de décider si ce dernier est conforme ou non à la dignité de la profession. Ce même critère de dignité affecte la sollicitation de clientèle via les vitrines (article R. 4235-59).