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Et les médocs seront bien gardés

Publié le 30 septembre 2013
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Sécuriser l’armoire à pharmacie. Mal géré, le stock de médicaments des familles est source d’erreurs médicamenteuses. Astuces et règles de bon usage limitent les risques. À vous d’informer.

Connaître les risques

Les erreurs médicamenteuses

Les risques principaux d’une mauvaise gestion de la pharmacie familiale sont ceux inhérents à l’automédication. Ils concernent le patient (erreurs d’indication, de cible, contre-indications non respectées, allergies…), le médicament (effet indésirable, interaction avec un traitement en cours, principes actifs « cachés »…) ou la prise (posologie, durée et mode d’administration non respectés…).

La péremption

Le risque éventuel lié aux médicaments périmés est moindre, essentiellement lié à une diminution possible d’efficacité et/ou une altération du contenu pour les solutions qui s’oxydent à l’air ou sont contaminées par des micro-organismes (voir encadré). La toxicité est plus rare (rénale pour les tétracyclines périmées).

Les personnes à risque

Toutes ! Selon un sondage Ifop/Giropharm(1), 35 % des Français ne rangent jamais leur armoire à pharmacie…

Plus particulièrement : les personnes âgées et/ou polymédiquées (risque iatrogénique accru), les déficients visuels ou cognitifs (Alzheimer…), les personnes illettrées et/ou ne maîtrisant pas le français, les enfants (55 %(2) des parents font au moins une erreur en automédiquant), les femmes enceintes et allaitantes (contre-indications temporaires)…

Amorcer la discussion

À qui s’adresser ?

Aux femmes en priorité. Les études montrent que, dans la grande majorité des cas, la gestion des médicaments leur revient.

À l’infirmière libérale. Elle est souvent seule autorisée à ouvrir les portes de l’« armoire » familiale, lors de la préparation des piluliers ou d’un soin.

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À un membre de l’entourage en cas de difficultés de compréhension.

Au médecin traitant si l’on suspecte un risque de mésusage.

À quelles occasions ?

La livraison à domicile. Suggérez : « Voulez-vous que nous rangions ensemble ces produits dans votre armoire ? »

La délivrance de génériques. « Saurez-vous bien identifier et ranger ce produit dans votre pharmacie familiale ? »

La demande de conseils. Lors d’une question pour s’automédiquer avec un produit détenu au domicile, ouvrez la conversation : « Comment conservez-vous vos médicaments à la maison ? »

La naissance d’un enfant. « Avez-vous prévu un lieu de conservation dédié pour les médicaments de votre bébé ? »

Le retour des usagés/périmés à l’officine. « Quels produits avez-vous gardés et comment les conservez-vous ? »

Comment ?

Avec tact. Les Français ont une certaine tendance à accumuler les médicaments, mais n’aiment pas trop se l’entendre reprocher ! Rares sont ceux qui permettent l’accès aux réserves familiales.

Ne pas culpabiliser. Évitez « Avec tout ce que vous avez dû entasser… », « Mais que faites-vous de tout ça ? »

Mettre l’accent sur la sécurité. « Limiter le nombre de médicaments et bien les ranger évite le risque d’erreurs parfois graves, je peux vous aider à faire le tri. »

Rédiger des « règles d’or »

Regrouper les conseils de base d’un stock familial sécurisé sur une fiche (ex : « Je sécurise mon armoire à pharmacie »). La remettre au patient pour qu’il puisse suivre les instructions à domicile. Plusieurs points sont à aborder.

Ranger

Réserver un meuble/une enceinte dédiée, dans une pièce sans grandes variations de température (loin d’un radiateur), à l’abri de l’humidité et de la lumière. Éviter la salle de bains ou la cuisine mais préférer la chambre des parents. Y afficher les numéros utiles : pharmacie et médecin traitant, SOS médecin, pompiers, Samu, hôpital et centre antipoison.

Classer

Triple classement : ranger les médicaments dans leur emballage d’origine par public cible (enfants/adultes), par mode d’application (interne ou externe) et par indications : plaies, douleurs et fièvre, troubles digestifs, cutanés… Astuces : utiliser des pochettes ou caissettes étiquetées. Ne jamais mélanger médicaments vétérinaires et humains.

Gammes « ombrelle », danger ! Il s’agit des médicaments aux conditionnements et noms commerciaux très proches, mais destinés à des indications ou publics divers, d’où le risque de confusion (ex : Humex, Vicks…). Noter systématiquement sur la boîte l’indication et l’âge cible.

Noter

Indiquer les dates d’ouverture sur les conditionnements entamés multidoses, l’indication si celle-ci n’apparaît pas clairement (ex : maux de ventre, allergie…) et la personne cible (enfant, adulte…).

Trier

Idéalement, deux fois par an. Conserver les produits destinés à l’automédication en cas de troubles bénins et traitements en cours éventuels. Ramener à la pharmacie – et non jeter dans la poubelle ou les toilettes ! – : les périmés, les médicaments prescrits restants, en particulier les antibiotiques, les antalgiques de palier II, les anti-inflammatoires, les psychoactifs (anxiolytiques, antidépresseurs…), les produits auquel un membre de la famille est allergique.

Avoir les bons réflexes

Appeler la pharmacie ou le médecin traitant en cas de doute sur un médicament ou son utilisation.

Privilégier les présentations de l’automédication : selon la réglementation, leur conditionnement doit permettre d’identifier facilement l’âge cible, les substances actives et les indications et leur notice est rédigée avec un langage « grand public ».

Dispenser des messages ciblés

Certaines mises en garde et astuces, à adapter aux catégories de personnes, peuvent compléter les règles d’or.

Jeunes enfants à domicile

Placer l’armoire à pharmacie hors de leur portée ; n’utiliser que des traitements pédiatriques ; ne jamais adapter la dose d’un médicament adulte ; garder les notices et pipettes/dosettes/cuillères dans la boîte d’origine ; les rincer systématiquement après usage ; favoriser les conditionnements sécurisés (plaquettes recouvertes d’un film résistant, bouchons « sécurité ») ; éviter les tubes vrac, les comprimés acidulés, fruités, pétillants et/ou orodispersibles, plus faciles à ingérer.

Femmes enceintes/allaitantes

Inciter à demander systématiquement l’avis du médecin/pharmacien/sage-femme avant de prendre un médicament dans l’armoire familiale. En cas de doute, ces professionnels consulteront un centre régional de pharmacovigilance (liste sur ) ou le centre de référence sur les agents tératogènes (Crat sur www.crat.org).

Déficience cognitive

Confier la gestion de l’armoire à une tierce personne, prévoir un système de fermeture à clé.

Non maîtrise de la langue

Utiliser des pictogrammes (lune pour la nuit, soleil pour le jour, smiley pour les enfants, montre pour les horaires…). S’adresser aux associations d’entraide locale (par exemple d’intégration des personnes étrangères) pour solliciter l’aide d’un tiers.

Malades chroniques

Établir une liste des médicaments présentant un risque d’interaction avec le traitement de fond et les bannir de l’armoire familiale.

Développer les outils « sécurité »

« Parler DCI »

Habituer les usagers aux dénominations communes internationales (DCI) est l’un des moyens les plus efficaces pour éviter les confusions et leur permettre de s’y retrouver dans la jungle des spécialités. Une femme enceinte qui sait qu’elle ne doit pas prendre d’ibuprofène est plus avertie que celle qui sait ne pas pouvoir recourir à l’Advil…

Le dossier pharmaceutique

Après accord, alimenter le DP à chaque délivrance, y compris d’automédication. L’accès à l’historique des quatre derniers mois renseigne sur les produits délivrés récemment dans toutes les pharmacies et permet de mettre en garde contre d’éventuelles interactions.

(1) Sondage Ifop Omnibus pour Giropharm sur 1 007 personnes majeures, réalisé du 12 au 13 juillet 2012.

(2) Automédication des enfants par les parents : un vrai risque ?, enquête, CHU de Toulouse, La revue du praticien, n° 60, 20 juin 2010.

Durée de conservation après ouverture

– Sirops ou solutions buvables, correctement rebouchés et dans leur emballage d’origine : variable selon les produits, mais en moyenne quatre semaines. Les pipettes pour enfant doivent être soigneusement rincées à l’eau chaude après chaque usage.

– Collyres multidoses : 15 jours à 3 mois selon produits.

– Antiseptiques : en moyenne 1 mois pour les dérivés iodés (ex : Bétadine dermique) et la chlorhexidine alcoolique ; 15 jours pour la chlorhexidine aqueuse ou le Dakin ; 8 jours pour l’eau oxygénée… Les unidoses se conservent 24 heures après ouverture, jusqu’à date de péremption