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Délivrez activement et les ventes suivront

Publié le 1 octobre 2011
Par Christine Julien
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Procédure et culture médicale sont les piliers de la délivrance active. Le conseil au patient peut déboucher sur une vente complémentaire.De quoi doper image et chiffre d’affaires.

La délivrance active

C’est quoi ?

Délivrer une ordonnance n’est pas une simple distribution de produits – évitons de donner du grain à moudre à la grande distribution ! Une délivrance ou dispensation doit être active, ce qui signifie centrée sur le patient et associée au conseil. Le conseil au patient, souvent appelé conseil associé, en matière de médicaments «  pourrait être l’entretien que le pharmacien conduit avec un patient au sujet des médicaments qu’il va prendre, pour l’éduquer à ce qui peut survenir en relation avec la prise du traitement et pour lui permettre d’en tirer le meilleur résultat »(1) Dans certains cas, une vente associée en découle.

Quels avantages ?

• Pour le client. La délivrance active favorise le bon usage du médicament, une gestion optimisée de sa maladie et le maintien de sa santé.

• Pour vous. Elle valorise vos compétences, nourrit votre satisfaction professionnelle et enraye la routine.

• Pour l’officine. Elle pose la pharmacie comme un acteur incontournable de la santé. Elle fidélise les clients, et par là-même devient un facteur de croissance, et donc de maintien des emplois !

Dispenser en 4 étapes

Ouvrez le dialogue

« Bonjour, comment allez-vous », puis «  posez-vous », ordonnance en main, face au patient. Montrez votre intérêt : « Que vous arrive-t-il ? » ou « Comment se passe votre traitement ? » La réponse est déjà source d’informations. Puis, « Voyons ce que vous a prescrit le médecin ? » et lire l’ordonnance à haute voix. La personne peut ainsi dire ce qu’elle a déjà en stock. Dites « Je vais chercher le traitement » parce que cela peut être long. S’il y a un robot, profitez-en pour recueillir d’autres infos : « Que vous a dit le médecin ? » en cas de maladie aiguë, ou « Avez-vous eu des difficultés à prendre votre traitement ce mois-ci ? » en cas de renouvellement.

Validez l’ordonnance

Vérifiez les paramètres (âge) et l’historique patient ?: pathologies associées, antécédents, automédication, co-prescription… ; tentez de comprendre les objectifs thérapeutiques ; repérez les principes actifs à risque d’effets indésirables graves (anti-vitaminiques K, anti-arythmiques…) et les éventuelles interactions médicamenteuses.

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Expliquez le traitement

– Pour chaque médicament, dites à quoi il sert en termes simples et valorisants. Plutôt que « Ce bêta-2 agoniste de longue durée d’action agit dans la BPCO », préférez « Ce médicament permet d’ouvrir les bronches pour mieux respirer ». Déterminez les horaires de prise en vous enquérant des habitudes de vie. Si le patient ne prend pas de petit déjeuner, quel intérêt de dire de prendre tel comprimé en mangeant le matin ! évoquez d’éventuelles interactions avec l’alimentation, les boissons et le tabac.

– Avertissez des effets indésirables graves ou fréquents, en « positivant » si possible : « Il se pourrait que vous ressentiez des effets indésirables avec ce médicament… Le prendre en dehors des repas améliore sa tolérance ».

Accompagnez

Donnez des conseils hygiéno-diététiques sur le traitement, si besoin en vous enquérant de la possibilité de leur mise en œuvre. Les règles d’hygiène concernent la toilette, la prévention d’une contamination, la posture, la musculature, l’activité physique et les éventuels facteurs aggravants (soleil et acné…). Pitié ! pas de cours théoriques et le grand déballage des « Il faut… ». Les patients respectent certainement déjà quelques règles d’hygiène ! Posez des questions du type : « Quel produit utilisez-vous pour vous laver ? » ou « Quelle quantité de liquide buvez-vous ? » Valorisez toujours ce que fait la personne : « Le savon “tartempion” est très bien en dehors d’un épisode de mycose, mais dans votre cas, il serait préférable de vous laver avec un savon adapté durant le traitement ». Voilà que se profile la vente complémentaire !

Oser la vente complémentaire

Les conseils d’hygiène de vie sont le tremplin pour une vente associée. Si elle est justifiée par son intérêt, osez proposer une vente complémentaire. Soyez spontané et convaincu de son bien-fondé, vérifiez la disponibilité du patient, et respectez une procédure.

Légitimez votre attitude

La vente d’un produit complémentaire à la prescription s’avère nécessaire si on augmente l’efficacité, la tolérance, le confort d’utilisation ou la guérison. Toutes les ordonnances peuvent être associées à une vente complémentaire, mais il faut qu’elle soit légitime. Pour cela, vous devez connaître les traitements et la pathologie, mettre en place des conseils efficaces et pratiques ; donner la raison pour laquelle vous avancez telle ou telle solution « Voilà ce que je peux vous proposer pour améliorer… » ; le patient doit penser « Il ou elle sait de quoi je parle ».

Piochez la bonne carte

L’analyse permettant, à terme, la vente complémentaire se mémorise par le sigle Carte (Confort, Accessoire, Récidive, Tolérance, Efficacité). Que pouvez-vous proposer pour :

• Améliorer le confort ? Pour exemple, justifiez un syndet dans les hémorroïdes : « Pour votre confort, le mieux serait d’utiliser un produit adapté à votre toilette ».

• Favoriser le traitement ou son administration via un accessoire ? « Il existe des packs réfrigérants qui soulagent rapidement la douleur/des boîtes pour ranger son traitement et éviter les oublis. Les connaissez-vous ? »

• Éviter la récidive de la pathologie en proposant un traitement de fond ? « Avez-vous tendance à vous enrhumer facilement ? Je peux vous suggérer un traitement de terrain pour diminuer les récidives… »

• Pour améliorer la tolérance du traitement ? « Avez-vous souvent des diarrhées avec les antibiotiques ? Je peux vous proposer… afin de… »

• Pour augmenter l’efficacité du traitement et prendre en charge des symptômes associés ? « Certaines plantes peuvent contribuer à améliorer vos symptômes. Les connaissez-vous ? ».

Développez votre culture

Difficile d’aller à la bataille sans être certain de ses arguments, mais aussi de tout savoir, alors comment faire ? Voir les conseils de la pharmacienne consultante Fabiole Moreddu en page précédente.

• Le minimum à savoir. Recensez les bases « vitales » sur les traitements, les pathologies et symptômes associés.

• Un travail d’équipe. Mettez en place une méthodologie sur les domaines thérapeutiques courants. Analysez les pathologies occasionnant le plus d’ordonnances à l’officine. Listez les conseils et ventes associés. Réfléchissez à la façon de les introduire dans une discussion.

Nos conseils : ressortez les articles et dossiers de la presse professionnelle, recherchez sur Internet, montez des dossiers pathologie/traitements… Adoptez la bonne attitude : être accueillant, courtois, avoir le visage ouvert et souriant, la voix posée et la posture droite. Vous devez inspirer confiance avant tout !

Tracez vos actions

Notez dans « l’ordinateur » ce que vous avez proposé, ce que le patient a acheté, de façon à reprendre la discussion une autre fois. Vous ou l’un de vos collègues…

(1) « Le dialogue pharmacien-patient » de Mélanie J. Rantucci collection Pro Officina

Tout, tout, tout, mais pas ça !

• Filer derrière avec l’ordonnance ou se taire, revenir avec les produits et demander la carte Vitale.

• Penser « Il faut vendre trois produits pour un rhume » ou dire « Il vous faut ça ». Chaque produit est une solution à un problème.

• Vendre « à la tchatche » ou à l’arraché. Une vente est toujours motivée.

• Forcer un client. La timidité ou la peur de déplaire peut le pousser à acheter… et à ne plus revenir !

• Parler de la pluie et du beau temps. Un client vous est reconnaissant de lui faciliter sa thérapeutique. Pour la météo, il y a d’autres spécialistes…

• Noyer le poisson avec des connaissances livresques. Usez d’images basées sur l’univers du patient.

• Tout aborder. Illusoire, soulignez l’essentiel.

• Faire en 5 minutes ce qui en nécessite 20. Prenez votre temps si besoin ou donnez un rendez-vous pour en reparler.

• Attendre la demande spontanée. Qui est le professionnel de santé ? C’est à vous d’ouvrir le dialogue.

Le point de vue de Fabiole Moreddu, pharmacienne consultante, spécialiste communication et vente conseil à l’officine (PharmaTalents).

« Il ne faut pas être trop gourmand »

Quels sont les freins des officinaux à la vente complémentaire ?

Les freins sont de deux types. Les « techniques » concernent le manque de connaissance et de temps. Les officinaux redoutent d’ouvrir le dialogue car ils n’ont pas la réponse. Ou pensent qu’ils n’ont pas le temps. Les « psychologiques » sont multiples : la peur du refus du patient (« Il connaît le traitement depuis vingt ans, je ne vais pas lui proposer quelque chose… »), la crainte d’ouvrir le dialogue sans avoir les bonnes réponses, ou d’outrepasser son rôle.

Toute ordonnance est source de vente complémentaire ?

L’acte de vente n’est pas systématique, mais l’identification des besoins doit l’être : « Puis-je vendre quelque chose en plus ? ». Il faudrait toujours se demander : « Quel regard neuf puis-je porter sur cette ordonnance ? »

Que faut-il faire pour combattre le frein « manque de temps » ?

La notion du temps est fonction des connaissances et des réticences du client, ainsi que de l’habileté de l’officinal. Pour limiter ce frein, outre s’adapter au contexte (le client est pressé, comprend difficilement la langue…), on se limite à quelques questions ouvertes qui offrent beaucoup d’informations et on choisit le conseil primordial, le minimum vital pour être garant du bon usage du médicament.

Peut-on systématiser une démarche dans l’équipe ?

Le conseil associé est avant tout un état d’esprit. L’équipe peut se réunir, prendre au hasard quelques ordonnances, aiguës et chroniques, traitées dans la journée. Chacun réfléchit à tous les conseils qu’il aurait pu donner. Puis, on peut désigner une personne qui va être responsable de mettre en commun les idées afin de structurer la démarche sur quelques pathologies. Il faut choisir parmi celles les plus fréquemment rencontrées dans sa pharmacie. Et travailler trois pathologies par exemple sur six mois. C’est une tâche de longue haleine, il ne faut pas être trop gourmand. On peut, au final, faire un tableau synthétique dans le back-office, une fiche étape par étape : « Que dois-je faire dans ce cas ? »

Vos livres(1) sont indispensables alors ?

Mon livre est un support, mais chaque officine doit être active et créer sa propre démarche. Pourquoi ne pas faire plancher les étudiants en pharmacie et autres stagiaires sur ces fiches ? Attention, pas de cours théoriques !

(1) Fabiole Moreddu est l’auteur de « Le Conseil associé, tome 1 : à une ordonnance », et « Le Conseil associé, tome 2 : à une demande spontanée », 3e édition, Le Moniteur des pharmacies, collection Pro-Officina, 23 € chaque, en vente sur www.wk-pharma.fr> Librairie.