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© Getty Images
Antibiorésistance : comment sensibiliser les patients ?
La « pandémie invisible ». L’antibiorésistance, définie comme l’inefficacité d’un traitement antibiotique sur l’infection bactérienne ciblée devenue résistante, est en particulier liée à l’administration répétée et inadaptée d’antibiotiques chez l’homme et l’animal.
La population française la considère comme une menace lointaine1, qui pourtant est déjà bien réelle : sur l’année 2019, on a recensé plus de 100 000 infections résistantes aux antibiotiques et près de 4 500 décès en France. On estime que d’ici 2050, plus de 230 000 Français mourront à cause d’une bactérie résistante2.
Un concept flou. Du fait d’une mutation génétique, spontanée ou favorisée par l’exposition aux antibiotiques, une bactérie peut échapper à l’action d’un antibiotique. La résistance est alors inscrite dans ses gènes et donc transmissible à sa descendance.
Environ 65 % des Français ont déjà entendu parler d’antibiorésistance, mais seulement 40 % sont capables d’expliquer son principe… Ils sont 30 % à penser que ce phénomène renvoie à une accoutumance du corps humain, et 34 % ne savent pas qu’une infection résistante peut être mortelle1.
Des comportements (toujours) inadaptés. Malgré les campagnes de sensibilisation, la consommation des Français en antibiotiques reste élevée. Les prescriptions sont 30 % au-dessus de la moyenne européenne3. Or 63 % des Français ne se sentent pas concernés par la nécessité de réduire leur consommation, tandis que 41 % diminuent d’eux-mêmes la durée du traitement et 60 % conservent les antibiotiques non utilisés pour éventuellement s’automédiquer1.
Changer de paradigme
La perception et les usages doivent évoluer. Les antibiotiques sont d’accès facile et perçus comme tout-puissants face aux infections, parfois au détriment des mesures de prévention… En ville, 92 % des généralistes rapportent des pressions des patients pour les prescrire3. Des messages d’information peuvent contribuer à une perception plus responsable.
Un bien commun menacé. Faire comprendre que l’efficacité des antibiotiques n’est pas immuable : « Le risque est de ne plus pouvoir soigner les infections même courantes », « Si l’on veut que nos enfants puissent encore se soigner avec les antibiotiques, il faut moins les utiliser »…
Le concept « One Health ». Éveiller aux connexions entre santé humaine, animale et environnementale : « Les résidus d’antibiotiques utilisés chez l’homme et l’animal favorisent la résistance des bactéries dans notre environnement, avec un risque d’émergence de nouvelles maladies »…
Une prise de conscience collective. Susciter une approche citoyenne. Par exemple : « La lutte contre l’antibiorésistance est une priorité mondiale. Elle nécessite l’implication de tous, y compris en utilisant mieux les antibiotiques. »
Comment en parler ?
Les campagnes de sensibilisation sur le concept d’antibiorésistance n’ayant pas suffisamment porté leurs fruits, les autorités sanitaires ont fait appel aux sciences comportementales pour optimiser les messages, avec deux objectifs : renforcer les connaissances et inciter au changement des comportements.
Au comptoir, on peut s’inspirer de l’axe stratégique jugé le plus efficace.
Des messages courts. Les enquêtes montrent qu’une information détaillée sur l’antibiorésistance n’est pas forcément la mieux comprise. Au contraire, l’effet de dilution a tendance à brouiller le message. Les messages courts, jugés plus pertinents, sont à prioriser.
Orientés sur le bon usage. Il semble plus efficace d’axer ses propos sur le bon usage des antibiotiques plutôt que sur le concept complexe d’antibiorésistance : « Bien utiliser un antibiotique, c’est ne pas en prendre sans avis du médecin… c’est respecter strictement la durée du traitement » …
Ciblés sur des situations concrètes. Environ 42 % des Français pensent qu’il faut prendre un antibiotique en cas de grippe, 58 % pour soigner une angine (dont 11 % systématiquement)1…
Une communication directe sur les situations où les antibiotiques sont inutiles est identifiée comme un levier efficace pour modifier les comportements : « Les antibiotiques ? Aucun effet sur la grippe ! », « Même si vous preniez des antibiotiques, votre angine virale ne guérirait pas plus vite », « Si les antibiotiques fonctionnaient sur les virus, on en aurait utilisé pendant la pandémie ! » …
Des gestes qui parlent
Sensibiliser les patients, c’est aussi s’engager dans des actions permettant de limiter l’usage des antibiotiques.
À l’exemple des tests rapides d’orientation diagnostic (Trod) de l’angine et de la cystite. En plus d’aider à la décision, ce sont des outils importants de communication pour informer de la non-nécessité systématique de prendre des antibiotiques. Quand la demande est forte, ils ont l’avantage de légitimer la non-prescription : « C’est viral, l’antibiotique sera inefficace ! »
La vaccination, elle, réduit le recours aux antibiotiques : « Oui, la coqueluche se traite avec des antibiotiques mais en étant vaccinés, on évite d’avoir à en prendre… »
Quant aux gestes barrières (masque, lavage des mains, distanciation…), ils limitent le nombre de malades, donc le recours aux traitements.
Des supports pour aller plus loin
Parce qu’au comptoir le temps et les arguments pédagogiques peuvent manquer, il peut être utile de renvoyer vers des outils existants à destination du public, notamment : le module thématique Antibio’Malin du site sante.fr, qui vise à apporter des informations pratiques sur les infections les plus courantes et leur traitement ; les outils pédagogiques (dépliants, films d’animation…) du réseau national de prévention des infections associées aux soins ; la brochure « Information sur les antibiotiques » (PDF) de l’European Centre for Disease Prevention and Control disponible auprès du Cespharm ; les vidéos Antibio stories, du Réseau de prévention des infections et de l’antibiorésistance (RéPIA).
Un relais des campagnes
Les affiches de la campagne ministérielle qui cible certaines pathologies (bronchiolite, grippe, angine…) sont disponibles en téléchargement ou à la commande sur le site de Santé publique France ou auprès du Cespharm.
Deux affiches, créées par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) et l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), et visant plus particulièrement les otites et les infections urinaires, sont également disponibles auprès du Cespharm.
1. « Les Français et les antibiotiques », sondage Ifop pour Pfizer, septembre 2019.
2. « L’antibiorésistance, pourquoi est-ce si grave ? », antibiotiques.gouv.fr, octobre 2024.
3. « Les perceptions et les comportements des médecins de ville à l’égard de l’usage des antibiotiques et de l’antibiorésistance en France en 2020 », BEH, novembre 2021.
3 conseils du D Damien Gonthier
Médecin généraliste, adjoint à la responsable du centre régional en antibiothérapie (CRATB) du Grand Est (AntibioEst)1.
Aborder les effets indésirables. « Je suis d’accord pour dire que les arguments décrivant le risque collectif de l’antibiorésistance sont moins percutants que les arguments individuels concrets. Informer sur le risque d’effets indésirables des antibiotiques est ainsi un bon argument, notamment le risque de mycoses ou de troubles digestifs. »
Rassurer. « Bien informer sur les signes cliniques de gravité et les symptômes qui doivent faire reconsulter est un bon moyen de rassurer sur une bonne prise en charge et de garder une relation de confiance. L’ordonnance de non-prescription mise à disposition par l’Assurance maladie est un outil accessible à tous les professionnels de santé pour expliquer le diagnostic, la cause virale et l’évolution attendue des symptômes. »
Tenir un discours commun. « Pour améliorer l’efficacité des messages, mais aussi éviter que les patients s’appuient sur les discordances de propos des différents professionnels de santé comme un moyen de pression, il est très important de tenir un discours commun entre les professionnels d’un même territoire. Je pense que des actions coordonnées autour de la communication sur le sujet des antibiotiques devraient être organisées au sein de MSP2 et des CPTS3. Les professionnels de premier recours peuvent aussi s’informer auprès des CRATB, qui coordonnent en région les équipes multidisciplinaires en antibiothérapie : au CRATB antibioEst, nous délivrons notamment des informations via notre site Web, notre newsletter et des boîtes à outils de bon usage des antibiotiques. »
1. Les CRATB (Centre régional en antibiothérapie) ont pour mission de promouvoir le bon usage des antibiotiques à l’échelle régionale et de contribuer à la lutte contre l’antibiorésistance. Le CRATB AntibioEst concerne la région Grand Est.
2. Maisons de santé pluriprofessionnelles.
3. Communautés professionnelles territoriales de santé.
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