Vaccinations : les pharmaciens ont de quoi se piquer de cette mission

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Vaccinations : les pharmaciens ont de quoi se piquer de cette mission

Publié le 3 août 2023
Par Magali Clausener
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C’est véritablement le 6 octobre 2017 que l’histoire de la vaccination par les pharmaciens français commence. Une expérimentation de vaccination contre la grippe est lancée dans deux régions, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine, pour une durée de trois ans. Le but ? Augmenter la couverture vaccinale de la population cible. Durant l’hiver 2016, seulement 46 % des personnes ayant reçu un bon de l’Assurance maladie s’étaient fait vacciner, malgré un objectif sanitaire de 75 %. Et durant la même période, environ 1,8 million de personnes avaient consulté un médecin pour des symptômes grippaux, avec un bilan de surmortalité estimé à 19 000 personnes (source : Ordre des pharmaciens). Le succès est tel que la durée de l’expérimentation est réduite à deux ans. En 2018, elle avait été étendue à l’Occitanie et aux Hauts-de-France. Le 1er mars 2019, la vaccination devient une mission facultative pouvant être exercée par les pharmaciens sur l’ensemble du territoire. 85 % des pharmacies vaccinent contre la grippe dès la campagne antigrippale 2019-2020 et réalisent 2,5 millions de vaccinations, soit 30 % des actes réalisés.

Plus de 80 % des vaccinations anti-Covid-19

La pandémie de Covid-19 et la crise sanitaire changent véritablement la donne. Le 5 mars 2021, un décret paru au Journal officiel autorise les pharmaciens à prescrire et à administrer tous les vaccins contre le Covid-19, qu’ils soient à ARN messager ou à vecteur viral. Ce texte fait suite à une recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS), favorable à l’extension des compétences vaccinales des pharmaciens, des infirmiers et des sages-femmes. Pour faire face à l’ampleur de la campagne vaccinale, les étudiants de 2e et 3e années de pharmacie sont ensuite autorisés de façon dérogatoire à administrer les vaccins anti-Covid-19 (29 mars 2021), puis les préparateurs (arrêté du 27 juillet 2021). Très vite, les officinaux réalisent plus de 50 % des vaccinations en ville. Un pourcentage qui progresse à partir de janvier 2022 et dépasse les 70 % à compter de juillet, avant d’atteindre même 83,7 % début janvier 2023. De fait, en 2021, le réseau officinal a perçu 59 millions d’euros pour la vaccination contre le Covid-19 et, en mars 2022, 47 millions d’euros.

Forte de son succès, la profession vise l’extension de ses compétences vaccinales – administration et prescription – à d’autres vaccins. Ce qu’approuve la HAS dans un avis en date du 28 janvier 2022. La convention pharmaceutique du 9 mars 2022 prévoit également ces actes. Enfin, un décret et deux arrêtés du 21 avril 2022 encadrent la vaccination à l’officine. Les pharmaciens sont ainsi habilités à administrer, uniquement sur prescription médicale et aux personnes de 16 ans et plus, les vaccins contre 14 pathologies : rage, diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, papillomavirus humains (HPV), pneumocoque, hépatites (A et B), méningocoques (A, B, C, Y et W). Ils n’ont cependant pas le droit de vacciner avec des vaccins à virus vivants et atténués inscrits au calendrier vaccinal (par exemple, rougeole-oreillons-rubéole). S’agissant de la grippe saisonnière, ils peuvent déjà prescrire et vacciner. Quant à la vaccination contre le Covid-19, elle ne fait pas partie du droit commun, s’agissant d’une mesure dérogatoire. Malgré ces textes, les pharmaciens ne peuvent réellement commencer à vacciner qu’à partir du 7 novembre 2022, c’est-à-dire six mois après la signature de la convention pharmaceutique.

La vaccination en officine devrait véritablement prendre son envol lorsque les pharmaciens seront autorisés à prescrire les vaccins. Ce qui doit se concrétiser prochainement. La Haute Autorité de santé a rendu public le 16 juin son avis sur la liste pressentie des vaccins. Etape obligatoire pour la mise en œuvre de cette nouvelle mission. Les textes d’application concerneront la prescription par les pharmaciens, les infirmiers et les sages-femmes. Ces professionnels devraient être habilités à prescrire et à administrer les vaccins du calendrier vaccinal, y compris celui contre la coqueluche pour les femmes enceintes. En outre, ils pourraient le faire pour les jeunes de 11 ans et plus, et les adultes. Les textes devraient également préciser le contenu de la formation préalable et sa durée, ainsi que les conditions d’administration (local à part, point d’eau, injection éventuelle d’adrénaline, etc.). En contrepartie, les pharmaciens vont devoir « recruter » les patients au comptoir afin de connaître leur statut vaccinal. Ce qui nécessitera du temps. Or, si l’administration d’un vaccin est rémunérée 7,50 €, la prescription sera payée, selon la convention pharmaceutique, 2,10 €, soit 9,60 € au total. Trop peu pour certains pharmaciens. Une revalorisation sera-t-elle au menu de la prochaine négociation conventionnelle portant sur l’économie de l’officine ?

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