Vaccination Réservé aux abonnés

Se vacciner ici ? Oui, c’est possible !

Publié le 23 septembre 2019
Par Christine Julien
Mettre en favori

Proposer la vaccination contre la grippe à l’officine. Bâtir des éléments de langage commun dans l’équipe et informer les clients ciblés sans leur forcer la main, telles sont les clés pour réussir.

Que dit la législation ?

Cet hiver, toutes les pharmacies qui le souhaitent pourront vacciner contre la grippe saisonnière les personnes majeures ciblées par les recommandations vaccinales (voir encadré), sauf celles ayant des antécédents de réaction allergique sévère à l’ovabulmine ou à une vaccination antérieure. La campagne débute le 15 octobre et se termine le 31 janvier 2020.

Pourquoi s’en mêler ?

Les chiffres sont mauvais

La couverture vaccinale contre la grippe est seulement de 47,2 % chez les personnes à risque(1). L’hiver dernier, sur 1 877 cas graves admis en réanimation, 83 % présentaient un facteur de risque, mais seuls 27 % d’entre eux étaient vaccinés. Les 65 ans et plus sont concernés dans 9 décès sur 10.

Plus on est de fous…

Vacciner en officine est un moyen d’augmenter la couverture vaccinale en captant ceux qui rechignent à utiliser leur bon de vaccinat ion, redoutent de patienter des heures en salle d’attente ou de prendre un rendez-vous médical ou infirmier. C’est une possibilité de plus, et un moyen de recruter (voir plus loin).

La prévention, je connais

Préparateurs et pharmaciens sont bien placés pour parler grippe, infection, prévention… Certes, le préparateur ne vaccine pas, mais son rôle est essentiel. La pharmacie s’oriente vers la proposition d’offres de services impliquant toute l’équipe. Cela nécessite de créer et de maintenir une relation de confiance et de proximité avec ses clients.

S’organiser en amont

En équipe forcément

Vacciner relève du pouvoir de direction du titulaire, gestionnaire du projet. À lui de définir les rôles de chacun et les modalités pratiques, mais vous pouvez l’aider !

→ Anticiper. 15 jours avant le lancement de la campagne, proposer d’organiser une réunion pour sa mise en œuvre.

Publicité

→ Faire une liste des points à contrôler. Qui vaccine ? La question se pose s’il y a plusieurs pharmaciens. Comment cela va se dérouler ? Faut-il indiquer des plages horaires aux clients ? Quels documents avoir sous la main ? Quels vaccins seront référencés ? Comment informer les médecins, infirmières ou sages-femmes à proximité de votre action ? Par téléphone, mail, courrier ? Pour renseigner la clientèle, se procurer affiche et flyers.

→ Repérer les cibles. Parmi les clients relevant des recommandations vaccinales, certains ne recevront pas de bon de vaccination de la caisse d’Assurance maladie. Ils sont pourtant à repérer et à vacciner s’ils le souhaitent. Tentez alors de lister clientes enceintes, nouveaux parents, personnes obèses, personnel navigant, professionnels de santé, aides ménagères, etc.

Prendre langue

Qui dit informer le public, dit arguments identiques ! Marque de vaccin, délai et durée de protection, traitement des objections… vous devez être en accord avec l’équipe et parler d’une seule voix. Là encore, préparez des fiches Mémo. Proposez à votre titulaire de l’aider si cette tâche vous intéresse : « Je suggère de préparer des fiches pour résumer certains points sur la vaccination afin de répondre aux questions de nos clients. » Puis : « Je me propose de le faire. Pour cela, tant d’heures seront nécessaires. » Sinon : « Nous pourrions peut-être demander à l’équipe si quelqu’un est intéressé, si vous ne le faites pas vous-même ? »

Donner l’exemple

→ Des raisons personnelles et altruistes. Un officinal a de bonnes raisons d’être vacciné contre la grippe. L’entourage des personnes fragiles fait aussi partie des recommandations et ce n’est pas ce qui manque à la pharmacie !

→ Combattre ses propres freins. Peur des piqûres, de prendre le boulot des infirmière… si vous avez des réticences, c’est l’occasion d’en parler à vos collègues.

Afficher ses convictions. Certains groupements ou institutions ont créé des badges indiquant « Je suis vacciné ». Pourquoi ne pas l’évoquer avec l’équipe ?

S’instruire et se former

→ Des documents indispensables. Pour tout savoir sur les modalités pratiques et administratives et sur d’autres sources de connaissances, penchez-vous sur la fiche d’information professionnelle de 36 pages de l’Ordre des pharmaciens, disponible sur www.cespharm > Catalogue >Vaccination grippe à l’officine. Vous y trouverez notamment une check-list pour déterminer si une personne est éligible ou pas à la vaccination et des messages clés pour répondre aux craintes ou idées reçues.

→ Envisager une formation. Même si ce n’est pas vous qui tenez la seringue, soyez incollable sur la grippe, les vaccins et les moyens de se protéger des virus influenza (ceux de la grippe !) ou de les soigner. Des organismes proposent des formations courtes, en présentiel ou en ligne, comme Alliance Healthcare Formation (sur www.alliance-healthcare.fr).

Informer la clientèle

À première vue

Les clients doivent savoir d’un coup d’œil que l’officine vaccine. Placardez l’affiche proposée par l’Ordre des pharmaciens et le Cespharm sur www.ordredespharmaciens.fr et www.cespharm.fr. Laissez à portée de main des flyers sur la vaccination et les moyens de se protéger de la grippe.

La parole au comptoir

→ Qui est qui. Il va falloir apporter l’information aux personnes ciblées. Celles qui viennent avec le bon ne poseront pas de problème d’identification mais les autres… Dans ce cas, la tactique élaborée en amont vous simplifiera la vie (voir Repérer les cibles).

→ Apporter la connaissance. Dès qu’une personne vous semble dans la cible ou présente un bon, dites : « Vous pouvez, si vous le désirez, vous faire vacciner contre la grippe à la pharmacie. » Sans imposer, sans forcer la main, ni être moralisateur ou dans le jugement, laissez-la maître de sa décision, mais proposez : « Si vous avez des questions, je peux vous renseigner. »

→ Préciser selon le cas. Si la personne a un bon, demandez : « Avez-vous déjà été vacciné contre la grippe ? » Si oui : « Comment procédez-vous habituellement ? » Cela permet d’engager la conversation et de débusquer d’éventuels freins ou questions laissés en suspens. Si la personne répond : « Moi, d’habitude, je vais chez le médecin », vous pouvez ajouter : « Vous savez, vous avez une nouvelle possibilité, mais c’est à vous de choisir. »

→ Décourager les motivés non ciblés. Beaucoup de clients risquent de vous demander de les vacciner alors qu’ils ne sont pas ciblés. Répondez avec le sourire : « Pour l’instant, étant en bonne santé, vous ne faites pas partie des personnes susceptibles d’être vaccinées par un pharmacien. En revanche, votre médecin pourra le faire. Je peux vous vendre le vaccin, si vous voulez éviter de revenir ? »

Adapter son discours

→ Sobre, éducatif et rassurant. Ne pas mettre dans l’embarras une personne qui n’a pas envie de se faire vacciner par le pharmacien. « Si cela vous arrange, on peut vous vacciner ici. Si vous ne préférez pas, il n’y a pas de souci… je comprends très bien que vous ayez vos habitudes » montre que vous respectez son choix et qu’elle conserve son autonomie.

→ Pas de comparaison. Si la personne dit : « D’habitude, je vais chez le médecin, c’est pareil ? », répondez simplement : « C’est une autre possibilité qui vous est offerte. » Inutile d’entrer dans des comparaisons.

→ Pas de prosélytisme. Il ne s’agit pas de rameuter les 12 millions de Français ciblés dans les pharmacies, mais de proposer un circuit officinal complémentaire à ceux qui y voient un intérêt.

→ Pourquoi le préparateur ne vaccine pas ? Répondez simplement : « Ce n’est pas prévu pour le moment. Seuls les pharmaciens sont formés à l’acte vaccinal. »

→ Prendre rendez-vous. Organisez alors la rencontre avec le pharmacien.

(1) Vaccination antigrippale à l’officine, fiche d’information professionnelle, Cespharm, juillet 2019.

Une proximité inhabituelle selon René Maarek

Piquer est une agression. On touche, on pénètre, il est donc important que le patient puisse refuser. Ne mettons pas dans l’embarras ceux qui n’ont pas envie de se faire vacciner par celui qui délivre les médicaments. Toucher quelqu’un pour le pharmacien ou se déshabiller pour un client peut améliorer ou dégrader une relation. Vacciner nécessite de pénétrer la zone intime. Une proximité peu habituelle à l’officine.On peut aussi ne pas aimer toucher une peau âgée, lésée, pas propre… Mettre en confiance, par un premier contact sur l’avant-bras, puis accompagner vers l’espace de confidentialité. Ne pas piquer immédiatement. Se frotter les mains pour un contact agréable avec des mains chaudes. Discuter avec la personne qui décidera du moment pour enlever sa veste. Moins on dit « déshabillez-vous », mieux c’est. Elle a ainsi la sensation de garder le contrôle. Ne pas se sentir rejeté ou vexé si elle refuse ! Le pire serait qu’elle pense : « C’est la dernière fois que je vais chez lui. En plus, il m’a fait mal, je n’ai pas osé lui dire. Il avait les mains froides… »

Les personnes ciblées(1)

→ Personnes de 65 ans et plus.

→ Femmes enceintes.

→ Malades chroniques : asthme, BPCO, coronaropathie, diabète, déficit immunitaire, etc.

→ Obèses avec IMC ≥40 kg/m2.

→ Personnes séjournant dans un établissement de soins de suite ou médico-social d’hébergement.

→ Personnes entourées de nourrissons < 6 mois avec facteurs de risque de grippe graves : prématurés avec cardiopathie congénitale, déficit immunitaire congénital, pathologie pulmonaire, neurologique ou neuromusculaire, ou d’une ALD.

→ Entourage de personnes immunodéprimées.

→ Professionnels : de santé ; en contact régulier et prolongé avec des personnes à risque de grippe sévère ; personnel navigant sur des bateaux de croisière, des avions, ou encadrant des groupes de voyageurs.

Avec l’aimable participation de Mathilde Leimgruber, directrice d’Alliance Healthcare Formation, et de René Maarek, formateur en entretien motivationnel.