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Prescrivez, piquez !

Publié le 2 septembre 2023
Par Magali Clausener et Laurent Lefort
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Depuis le 10 août, les pharmaciens sont autorisés à prescrire et à administrer les vaccins du calendrier vaccinal pour les adultes et enfants à partir de l’âge de 11 ans. Ils ont désormais tout en main pour devenir des acteurs majeurs de la politique vaccinale du pays. Une mission qui exige de respecter plusieurs modalités pratiques.

 

Ce sont un décret et deux arrêtés publiés au Journal officiel le 9 août avec mise en application le lendemain qui vont, une nouvelle fois, modifier substantiellement l’activité en officine.

 

Les pharmaciens d’officine mais aussi des pharmacies à usage intérieur (PUI), ainsi que les infirmiers, les biologistes (médecins et pharmaciens) peuvent désormais prescrire « l’ensemble des vaccins mentionnés dans le calendrier des vaccinations en vigueur aux personnes âgées de 11 ans et plus selon les recommandations figurant dans ce même calendrier, à l’exception des vaccins vivants atténués chez les personnes immunodéprimées ». Ils peuvent évidemment administrer les vaccins prescrits dans ce cadre. Enfin, les pharmaciens sont autorisés à prescrire et à administrer les vaccins contre la grippe saisonnière aux personnes âgées de 11 ans et plus, ciblées ou non par les recommandations vaccinales. Pour cette dernière, la campagne débutera le mercredi 6 septembre à Mayotte, et le mardi 17 octobre en métropole, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. A l’inverse de l’année dernière, aucune période de priorisation n’est prévue pour les personnes ciblées par les recommandations « grippe » et « Covid-19 ». Le vaccin antigrippal peut donc être délivré à tous dès l’ouverture de la campagne. La campagne 2023-2024 de vaccination contre la grippe saisonnière sera d’ailleurs couplée à celle contre le Covid-19, sous réserve de l’absence de vague épidémique liée au coronavirus avant l’automne.

 

Le décret autorise également les étudiants en 3e cycle des études pharmaceutiques à administrer ces vaccins sous réserve d’avoir suivi les enseignements théoriques et pratiques relatifs à la vaccination dans le cadre de leur formation initiale ou la formation spécifique à la vaccination contre le Covid-19. L’administration des vaccins doit être réalisée sous la supervision d’un maître de stage. Concrètement, les étudiants en 3e cycle salariés par l’officine ne peuvent pas injecter de vaccins. L’acte s’inscrit uniquement dans le cadre des études.

Acte bien codé, correctement rémunéré

 

En termes de rémunération de l’acte, la prescription suivie de l’injection est facturée 9,60 €. Le tarif de l’administration seule de vaccin est fixé à 7,50 €. Le même code, RVA, sert à facturer tout acte de vaccination à l’Assurance maladie. C’est le montant facturé qui permet de différencier les deux actes. De fait, il n’y a pas de code uniquement pour l’acte de prescription. Le pharmacien ne peut pas prescrire un vaccin sans l’injecter.

 

Pour prescrire et administrer des vaccins, le pharmacien doit aussi au préalable déclarer ces activités auprès de l’autorité compétente du Conseil de l’Ordre des pharmaciens dont il relève. L’Ordre des pharmaciens a mis en ligne, sur son site, le formulaire de déclaration le 29 août. Cette déclaration mentionne notamment les noms et prénoms d’exercice, le numéro RPPS et le numéro ordinal. Si le pharmacien n’a pas suivi d’enseignement sur l’administration ou la prescription de vaccins dans le cadre de sa formation initiale, il doit joindre à sa déclaration une attestation de formation délivrée par un organisme ou une structure de formation respectant les objectifs pédagogiques fixés par arrêté.

 

Les adjoints en officine, intérimaires, mutualistes ou miniers, les remplaçants du titulaire ou gérants (après décès, d’une pharmacie mutualiste ou minière) sont invités à déclarer leur activité auprès de la Section D de l’Ordre (vaccination-ccd@ordre.pharmacien.fr).

Pharmacien bien formé, vaccin bien prescrit

 

Pas de place pour l’improvisation. Les textes fixent un cahier des charges pour la formation qui est obligatoire. Elle comprend deux modules : « Prescription de vaccins » et « Administration de vaccins ». A la fin de chaque module, une évaluation est réalisée.

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Le module « Prescription de vaccins » dure au total 10 h 30.  Il peut être suivi en e-learning ou en présentiel. L’évaluation peut être réalisée en e-learning. Il se découpe en quatre parties.

 

La partie 1 porte sur les maladies à prévention vaccinale et doit permettre aux professionnels de santé d’être capables de connaître, pour chaque maladie à prévention vaccinale inscrite dans le calendrier des vaccinations, les principaux signes cliniques, les modes de transmission, le fardeau épidémiologique et les populations à risque.

 

La partie 2 concerne le calendrier des vaccinations afin que les pharmaciens soient capables de connaître :

 

– les principales recommandations du calendrier des vaccinations de l’adulte et de l’enfant (primovaccination, rappel, vaccination de rattrapage) : population cible, contre-indications ;

 

– l’essentiel des recommandations vaccinales concernant les professionnels de santé.

 

La partie 3 est relative à la traçabilité et à la transmission de l’information (ce qu’il faut saisir dans le carnet de vaccination du patient, les différents outils numériques d’enregistrement des vaccinations et les différents modes de transmission sécurisés des informations du professionnel vaccinateur au médecin traitant).

 

La partie 4, pratique, doit durer au minimum 3 h 30 pour :

 

– identifier les principaux déterminants de l’hésitation vaccinale, être capable d’argumenter face aux fausses nouvelles, savoir convaincre avec une information claire et objective ;
– pouvoir mener un entretien de manière à recueillir les antécédents médicaux et les traitements en cours ;
– savoir reconnaître les situations complexes de personnes à orienter vers le médecin : par exemple, primo-arrivant, schéma vaccinal inconnu, incomplet ou aberrant, suspicion d’immunodépression ou d’antécédent d’anaphylaxie à un vaccin.

Le module « Administration de vaccins » dure, quant à lui, 7 heures. Le pharmacien en est dispensé s’il a déjà suivi un enseignement dans le cadre de la formation initiale ou de la vaccination contre le Covid-19. Il est découpé en deux parties d’égale durée (3 h 30).

 

La partie 1 porte sur la vaccination et la politique vaccinale. Elle peut se dérouler en e-learning ou en présentiel. Elle permet de connaître :

 

–  les grands principes de la vaccination ;

 

–  les différents types de vaccins (inactivés, vivants atténués, etc.) ;

 

–  le cadre réglementaire et les objectifs de santé publique en matière de politique vaccinale et le rôle des acteurs institutionnels ;

 

–  les notions de couverture vaccinale, d’efficacité vaccinale, d’immunité collective ;

 

–  les grands principes de pharmacovigilance et le cadre réglementaire de signalements des effets indésirables ;

 

– les sources d’information utiles pour la vaccination.

 

La partie 2, en présentiel, porte sur l’administration du vaccin pour l’acquisition des connaissances suivantes :

 

– les critères d’éligibilité ;

 

– le consentement du patient, y compris le cadre légal du consentement pour les mineurs ;

 

– les mesures d’hygiène préalables et la gestion des déchets d’activités de soins à risque infectieux (Dasri) ;

 

– les différentes étapes de l’administration avec mise en situation pratique des différents modes d’injection par voie intramusculaire ou sous-cutanée (outils de simulation, pratique sous contrôle d’un professionnel de santé ayant acquis ces techniques d’injection) ;

 

– les modalités de surveillance immédiate et les conseils post-injection ;

 

– le traitement d’une réaction anaphylactique ;

 

– la transmission des informations au médecin traitant de la personne, notamment via les outils dématérialisés de partage et de stockage de documents : dossier médical partagé (DMP), Mon espace santé, etc.

 

L’évaluation se fait sur la réalisation pratique de l’acte de vaccination.

Locaux adaptés, acte bien réalisé

 

L’un des deux arrêtés précise également les conditions pratiques de réalisation de ces actes. Ainsi, l’officine doit disposer :

 

– de locaux comprenant un espace de confidentialité pour mener l’entretien préalable, sans accès possible aux médicaments ;

 

– d’équipements comportant une table ou un bureau, une chaise ou un fauteuil pour installer la personne pour l’injection ;

 

– d’un point d’eau pour le lavage des mains ou de solution hydroalcoolique ;

 

– d’une enceinte réfrigérée avec enregistrement et monitorage de la température pour le stockage des vaccins ;

 

– du matériel nécessaire pour l’injection du vaccin et d’une trousse de première urgence.

 

Le pharmacien doit aussi prendre des dispositions afin d’éliminer les Dasri produits dans ce cadre.

 

Enfin, il doit disposer du matériel informatique nécessaire à la traçabilité des vaccinations réalisées et de l’accès aux outils dématérialisés de partage et de stockage de documents (DMP et espace numérique de santé des patients).

         

Les syndicats appellent à la mobilisation

Elargissement des compétences oblige, les syndicats de titulaires ont salué ce qui était attendu depuis plusieurs mois et qui valorise le rôle des pharmaciens dans la prévention.

L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) souligne l’« avancée importante » que la prescription des vaccins représente pour la profession : « En moins de six ans, après une expérimentation pour un seul vaccin dans deux régions, la profession a obtenu une généralisation de la vaccination et une ouverture à la prescription », déclare Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. « Cet arsenal réglementaire va également permettre aux pharmaciens de venir en renfort des centres de vaccination dès la rentrée pour vacciner les adolescents des collèges contre les papillomavirus humains et d’assumer la partie “suivi du calendrier vaccinal” des rendez-vous de prévention menés aux âges clés de la vie et qui seront lancés l’automne prochain », ajoute Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

À RETENIR

Les pharmaciens d’officine mais aussi des pharmacies à usage intérieur (PUI), ainsi que les infirmiers, les biologistes (médecins et pharmaciens) peuvent désormais prescrire et administrer l’ensemble des vaccins mentionnés dans le calendrier des vaccinations en vigueur aux personnes âgées de 11 ans.

Les vaccins vivants atténués chez les personnes immunodéprimées sont exclus de la mesure.

Les pharmaciens sont autorisés à prescrire et à administrer les vaccins contre la grippe saisonnière aux personnes âgées de 11 ans et plus, ciblées ou non par les recommandations vaccinales.