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Les lobbyistes de la non-vaccination

Publié le 14 novembre 2015
Par Caroline Coq-Chodorge
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Lancée au printemps dernier sur les réseaux sociaux, la pétition virale du chirurgien et cancérologue Henri Joyeux ébranle la politique vaccinale française. Les autorités craignent une baisse de la vaccination chez les nourrissons, y compris des vaccinations obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Un rapport de l’ex-députée Sandrine Hurel a été remis à la fin du mois d’octobre à la ministre de la Santé. Marisol Touraine s’est engagée à organiser un débat national début 2016. Tout doit être mis sur la table : les certitudes sur le bénéfice collectif de la vaccination et les interrogations sur d’éventuels effets indésirables, y compris graves. Le tout, sur fond de ruptures d’approvisionnement prolongées.

Le nombre de signataires atteint début novembre par la pétition d’Henri Joyeux sur les réseaux sociaux pour alerter sur les dangers des vaccins hexavalents des nourrissons est impressionnant : plus de 761 000. Depuis le printemps dernier, ce professeur retraité de chirurgie et de cancérologie au CHU de Montpellier et l’énigmatique Institut pour la protection de la santé naturelle (voir encadré ci-dessous) dont il est membre inondent les réseaux sociaux de messages anxiogènes à destination des parents. Dans la pétition officielle adressée à la ministre de la Santé, Henri Joyeux dénonce la fin de la commercialisation du vaccin trivalent DTP et la pénurie de vaccins tétravalents et pentavalents, qui ne laissent d’autre choix aux parents que le vaccin hexavalent, contenant en plus la valence hépatite B, « soupçonné d’un lien avec la sclérose en plaques ». Il rappelle aussi que les vaccins contiennent « de l’aluminium et du formaldéhyde, deux substances dangereuses voire très dangereuses pour l’humain et en particulier le nourrisson ». Pour lui, « vacciner les enfants contre 6 maladies graves d’un coup est en soi un geste médical risqué, qui peut déclencher une réaction immunitaire incontrôlée (choc anaphylactique), ainsi qu’augmenter le risque de maladie auto-immune sur le long terme ».

Dans une vidéo elle aussi très largement diffusée, Henri Joyeux emploie des termes plus inquiétants encore. Les vaccins hexavalents sont, assure-t-il, « beaucoup trop risqués » : « pratiqués sur des petits de quelques semaines seulement », ils « fonctionnent en déclenchant une tempête du système immunitaire ». L’aluminium provoquerait « l’Alzheimer et le Parkinson », le formaldéhyde « des avortements spontanés, des malformations congénitales, et même l’infertilité ». Au final, « tout cela est une affaire de gros sous, avec des manœuvres sournoises » de la part des laboratoires. Et il incite les parents à ne « pas se laisser faire, y compris dans les crèches où l’on risque de vous imposer la vaccination ».

Les autorités de santé sont consternées par la pétition du Pr Joyeux

Marisol Touraine a vivement réagi : « La vaccination, cela ne se discute pas. Il ne faut pas avoir de doute par rapport aux vaccins, ce qui n’exclut pas la transparence et la recherche pour toujours améliorer la qualité de nos vaccins ». L’Académie de médecine a déploré que le Pr Joyeux « accuse les vaccins combinés d’être dangereux et incite les parents à refuser la vaccination chez des nourrissons ». « C’est indigne d’inquiéter ainsi les parents ! », s’émeut Pierre Bégué, membre de l’Académie de médecine et ancien président du Comité technique des vaccinations attaché au Haut Conseil de la santé publique. L’Ordre des médecins a porté plainte contre Henri Joyeux et saisi la chambre disciplinaire de l’Ordre en Languedoc-Roussillon. Il risque la radiation.

A l’exception notable de ses 760 000 signataires, mais aussi de la députée européenne EELV Michèle Rivasi, Henri Joyeux a peu de soutiens. L’association E3M (Entraide aux malades de myofasciite à macrophages), engagée depuis de nombreuses années pour que soit reconnue la toxicité de l’aluminium employé comme adjuvant dans la plupart des vaccins, relève des « erreurs majeures » dans l’argumentaire du Pr Joyeux et regrette ne « pas avoir été associée à cette démarche », explique Didier Lambert, son président. « Mais c’est une pratique habituelle de la part de cette organisation, qui sait se saisir, au bon moment, de sujets qui montent dans l’opinion. Si autant de personnes ont signé cette pétition, c’est parce que nous alertons depuis de nombreuses années sur les dangers de l’aluminium » (voir encadré p. 36). E3M a lancé en septembre sa propre pétition : « Nous demandons des vaccins sans aluminium pour protéger nos enfants. » Moins racoleuse, elle a recueilli un peu plus de 100 000 signataires.

« Henri Joyeux a des leçons de communication à nous donner », soupire Daniel Floret, président du Comité technique des vaccinations (CTV) qui guide la politique vaccinale. Ce professeur de pédiatrie est surtout « excédé et terrifié par les conséquences de cette campagne médiatique. Sur le terrain, cela ne se passe pas bien. La population qui refuse le vaccin hexavalent est en augmentation ». Il confirme ainsi une note confidentielle transmise par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) à la Direction générale de la santé (DGS), révélée en août par le Canard enchaîné, qui évoque une baisse de 14,5 % des ventes des vaccins qui contiennent les valences DT-Polio. L’InVS a confirmé l’information, tout en restant prudente sur son interprétation. Le titre de la note confidentielle est en effet explicite : « Alerte concernant l’impact des ruptures de stock de vaccin pentavalents et tétravalents sur la couverture vaccinale des nourrissons en 2015. »

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La rupture de stock des vaccins tétravalents est bien l’origine du problème. Daniel Floret ne digère pas d’avoir été « prévenu par les laboratoires seulement lorsque la pénurie était installée. Ce problème de pénuries touche l’ensemble des médicaments. Mais c’est d’autant plus compliqué lorsqu’il n’y pas forcément d’équivalents. Et pour les vaccins, cela remet en cause les recommandations vaccinales ».

Les laboratoires Sanofi Pasteur MSD et GSK, qui produisent et commercialisent ces vaccins, justifient leur choix industriel de privilégier la production de vaccins hexavalents : « Nous sommes dans une situation de pénurie, qui fait suite à une épidémie mondiale de coqueluche en 2011 et 2012. La demande de ces vaccins dans les pays en développement a augmenté. Certains pays développés ont élargi leurs recommandations de vaccination contre la coqueluche aux femmes enceintes, notamment en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis ou au Mexique, explique Soizic Courcier, directrice médicale de GSK France. Nous avons dû répartir différemment notre approvisionnement au niveau mondial, en fonction des politiques vaccinales de chaque pays. La France recommande le vaccin hexavalent, nous avons donc fait le choix de préserver cet approvisionnement. » Même explication et même analyse du côté de Sanofi Pasteur MSD : « Nous privilégions les vaccins qui répondent aux besoins de santé publique. En France, le vaccin hexavalent est utilisé pour 90 % des enfants. » Sanofi s’est donc concentré sur la production de son nouveau vaccin Hexyon, qui doit bientôt arriver sur le marché français. Les deux laboratoires ne peuvent pas s’engager sur une date de normalisation des approvisionnements, mais elle n’interviendra pas avant l’été 2016, admettent Sanofi et GSK.

Le calendrier vaccinal français recommande, effectivement pour les nourrissons le vaccin hexavalent aux âges de 2, 4 et 11 mois, selon le schéma vaccinal introduit en 2013. « Mais la priorité de santé publique est la vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la polio, qui sont les 3 vaccins obligatoires, et celle contre la coqueluche et Hæmophilus influenzæ de type B, qui sont deux maladies qui risquent d’exploser si la couverture vaccinale baisse. Les nourrissons ne sont pas exposés à l’hépatite B, on vaccine les nourrissons parce que c’est plus simple et que la vaccination précoce est très efficace et permet une protection de longue durée. Mais il est encore temps de vacciner à l’âge de l’adolescence », précise Daniel Floret. En plus de questionner les choix des laboratoires, le président du CTV s’interroge aussi sur « leur stratégie commerciale ». Car le vaccin hexavalent est beaucoup plus cher : Infanrix Hexa, de GSK, coûte près de 40 euros, quand Infanrix Tetra coûte environ 15 euros et Infanrix Quinta 26 euros (Tétravac et Pentavac de Sanofi, eux aussi en rupture de stock, coûtent le même prix). Pour Pierre Bégué, « l’industrie n’est pas innocente. On peut s’interroger sur sa capacité à prévoir les besoins de la population mondiale ».

Des risques non négligeables pour les enfants non vaccinés

Mais quels risques au juste prennent les parents, pour leurs enfants, s’ils choisissent de ne pas les vacciner ? Faute de vaccination, un jeune garçon a contracté le tétanos à Tours cet été, un enfant est mort de la diphtérie en Espagne en juin. Ces cas restent rares, mais le retour de ces maladies presque disparues sera inéluctable si la couverture vaccinale baisse dans un tel climat polémique et anxiogène. « J’ai constaté en Afrique les conséquences dramatiques de la rubéole congénitale malformative sur les enfants : surdité, cécité, retards mentaux sévères, témoigne Liliane Grangeot-Keros, membre de l’Académie nationale de pharmacie. Et tous ceux qui sont nés après 1970 ont oublié les ravages de la polio et de la diphtérie », rappelle-t-elle.

Les chiffres de l’InVS les plus récents (2014) attestent d’une couverture encore large, stable depuis plus de 20 ans, contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et Hæmophilus influenzæ de type B : environ 95 % des enfants de 9 mois sont vaccinés. Contre l’hépatite B, plus de 90 % des enfants de 6 mois sont protégés en 2014, alors qu’ils n’étaient que 24 % en 2004, preuve de la large diffusion du vaccin hexavalent. En revanche, contre la rougeole, la rubéole et les oreillons, si la couverture vaccinale dépasse 90 % pour la première dose, elle n’est que de 65 % pour la 2e dose, quand « il faudrait atteindre 80 % », explique Liliane Grangeot-Keros. La rougeole, qui pourrait être résiduelle, persiste en France : un pic épidémique a été observé en 2011 avec près de 20 000 cas. L’Alsace a également connu en 2015 une flambée. Depuis 2008, ce sont près de 24 000 cas de rougeole qui ont été déclarés : 1 500 ont présenté une pneumopathie grave, 34 une complication neurologique et 10 personnes sont décédées.

Si le bénéfice collectif de la vaccination est incontestable, la pharmacovigilance reste aussi une exigence. Les recherches sur ses effets indésirables, potentiellement graves, sont nombreuses, en particulier sur un possible lien avec l’apparition de maladies auto-immunes : sclérose en plaques, myofasciite à macrophages, narcolepsie, etc. Pierre Bégué conteste formellement la thèse alarmiste d’Henri Joyeux, selon laquelle les vaccins à souches multiples déclencheraient une « tempête immunologique », en particulier chez les bébés. « C’est de l’obscurantisme. Le vaccin est bien sûr une stimulation immunitaire, mais qui n’a rien à voir avec la stimulation des nourrissons par les milliers d’antigènes présents dans l’environnement. » Pierre Bégué cite cependant les recherches d’Yves Dauvilliers, neurologue (CHU de Montpellier), qui a mis en évidence un lien entre le vaccin contre la grippe A/H1N1 Pandemrix de GSK et la survenue de quelques cas de narcolepsie. « On ne peut pas dire qu’il n’y a pas quelques personnes qui déclenchent un processus d’auto-immunité après une vaccination. Mais le lien paraît toujours fortuit. » De son côté, Daniel Floret retient « une très belle étude américaine », publiée en décembre 2014 dans JAMA Neurology, réalisée par l’organisation de soins américaine sans but lucratif Kaiser Permanente, qui soigne 10 millions de patients aux Etats-Unis. Dans sa base de données, les scientifiques ont recherché un lien entre vaccination contre l’hépatite B et cancer du col de l’utérus et entre vaccination contre l’hépatite B et apparition de maladies démyélinisantes du système nerveux. L’étude n’a pas relevé d’augmentation du nombre de cas de ces maladies 3 ans après une vaccination. En revanche, elle constate une augmentation significative de cas 30 jours après la vaccination chez les patients âgés de moins de 50 ans. « Cela pourrait indiquer que la stimulation immunitaire produite par la vaccination ou une infection favorise le passage d’une maladie déjà installée du stade asymptomatique au stade symptomatique. Ceci ne doit pas être balayé d’un revers de main. On peut ainsi expliquer la coïncidence de révélation d’une maladie démyélinisante et d’une vaccination », analyse Daniel Floret.

En revanche, Pierre Bégué comme Daniel Floret contestent tous deux l’étude de Dominique Le Houézec, pédiatre au CHU de Caen, parue dans la revue Frontiers in autoimmunity en novembre 2014. Elle met en évidence une augmentation significative du nombre de cas de sclérose en plaques en France survenus un à deux ans après les vaccinations contre l’hépatite B, réalisées dans le cadre de la campagne massive de vaccination de 20 millions de Français (1994-1997). Daniel Floret « regrette beaucoup que cette étude n’ait pas été critiquée d’un point de vue méthodologique ». Pierre Bégué a, de son côté, contesté, chez le même éditeur, la solidité des données exploitées.

Dans cette controverse scientifique, qui oppose les autorités sanitaires d’un côté, et de l’autre des chercheurs appuyés par des associations de patients, une chose est certaine : « il existe des zones d’incertitude, le reconnaître n’est pas un aveu d’incompétence, rappelle William Dab, médecin, professeur titulaire de la chaire d’hygiène et sécurité au Conservatoire national des arts et métiers, et ancien directeur général de la santé. Les gens éduqués, informés, savent qu’on ne sait pas tout. Tous les discours qui gomment ces incertitudes sont destructeurs de confiance. En France, persiste une tradition de santé publique autoritaire, paternaliste, qui est un héritage du modèle pastorien : les savants parlent, le peuple écoute. » Daniel Floret admet que les patients ont changé : « L’époque où ils ne demandaient pas d’explications est révolue. Ce mouvement est irréversible. Les médecins doivent désormais expliquer et convaincre. »

La ministre de la Santé, après avoir déclaré que « la vaccination ne se discute pas », s’est ravisée. Elle a annoncé dans le courant de l’été l’organisation d’un grand débat national sur la vaccination, qui doit se tenir début 2016.

La santé naturelle : une petite entreprise

Derrière la pétition d’Henri Joyeux se cache L’Institut pour la protection de la santé naturelle (IPSN), au savoir-faire indéniable dans l’usage des réseaux sociaux. Cette association basée en Belgique, mais essentiellement composée de Français, a été créée en 2011 par un « groupe de citoyens avertis pour protester contre la restriction de la commercialisation des plantes médicinales ». « C’est notre premier combat, précise Augustin de Livois, le jeune directeur de l’IPSN, avocat de formation. Nous militons pour la reconnaissance du métier d’herboriste, complémentaire de celui du pharmacien. »

C’est sur Internet que l’association prend depuis quelques mois de l’envergure « en défendant une approche naturelle de la médecine, non invasive, respectueuse de la personne », indique Augustin de Livois. Les causes de l’IPSN sont en réalité très diverses. Son premier fait d’arme est d’avoir recueilli sur Internet, en 2014, plus de 500 000 signatures en 15 jours en soutien d’un vigneron bio traduit devant la justice pour avoir refusé d’utiliser un insecticide. La technique virale est éprouvée : chaque signataire d’une pétition se voit proposer de recevoir les informations de l’organisation. « Nous disposons aujourd’hui d’un fichier de 550 000 abonnés à notre newsletter gratuite. C’est par définition un public volatil, mais qui nous est fidèle », se félicite le directeur de l’IPSN, qui assume sa mission de lobbying, tout en trouvant l’expression « trop péjorative ». Il préfère se voir en « lanceur d’alerte ». L’IPSN se défend de tout engagement politique, mais son directeur concède que ses membres sont souvent « engagés » et « chrétiens » : Henri Joyeux a présidé Familles de France et s’est mobilisé lors de la « Manif pour tous » contre le mariage des homosexuels. Au comité d’experts de l’IPSN, on trouve aussi le médecin généraliste et nutrithérapeute Patrick Theillier, qui fut le « docteur miracle » de Lourdes, chargé de recenser les « guérisons inexpliquées ». Si l’IPSN se présente comme une association « à but non lucratif », elle multiplie les conférences et les congrès, payants. Par exemple, s’est tenu les 3 et 4 octobre dernier à Paris un congrès qui a réuni 3 000 personnes qui ont payé chacune 90 €. En prime, il étaient 5 000 à payer 20 € pour assister à sa retransmission sur Internet. Au programme : « Soigner ses enfants avec l’homéopathie », « Soigner avec l’énergie », « Diabète, cancers : maladies de civilisation », « Faut-il permettre la liberté vaccinale ? », etc. Plusieurs membres du comité d’experts de l’IPSN ont des activités connexes rémunératrices. Le naturopathe Jean-François Astier est à la tête d’une entreprise de vente de produits naturels. Henri Joyeux est l’auteur d’un nombre impressionnant d’ouvrages, aux thèmes très divers : Vaccins, comment s’y retrouver, Changez d’alimentation, La pilule contraceptive : dangers, alternatives, Guérir enfin du cancer : oser dire quand et comment, Les enfants d’abord : familles, réveillez-vous !, etc. « Du côté de ses publications scientifiques, en revanche, ce n’est pas brillant », persifle Pierre Bégué, de l’Académie de médecine.

Adjuvants vaccinaux : la grande inconnue

« Nous avons constitué un groupe de travail sur les adjuvants vaccinaux. Nous sommes très ouverts, nous avons auditionné tout le monde », assure Liliane Grangeot-Keros, de l’Académie nationale de pharmacie. C’est l’utilisation de l’aluminium comme adjuvant dans la plupart des vaccins qui pose sérieusement question, bien plus que celle du formaldéhyde, également dénoncé par Henri Joyeux. L’Académie a écouté ceux qui se veulent rassurants : les laboratoires ou l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Elle a aussi reçu aussi ceux qui alertent depuis longtemps sur sa toxicité. A l’Institut Mondor de recherche biomédicale, les Prs François-Jérôme Authier et Romain Gherardi travaillent depuis « 15 ans avec beaucoup de difficultés sur la myofasciite à macrophages », raconte le Pr Authier. Cette pathologie est désormais reconnue : elle se caractérise par un épuisement chronique, des myalgies chroniques, des douleurs articulaires, des difficultés neurocognitives.

Les chercheurs ont rapidement identifié chez ces malades une liaison spécifique au niveau du muscle deltoïde, le site précis de la vaccination : une biopsie montre l’infiltration des tissus par des macrophages contenant des cristaux d’hydroxyde d’aluminium. « Cette liaison existe chez toutes les personnes vaccinées. Chez la plupart d’entre elles elle disparaît rapidement, sauf pour ces malades », poursuit le scientifique. 600 patients sont désormais suivis à Henri-Mondor. En 2013, à la suite d’une grève de la faim dans l’association Entraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M), soit 1 000 malades, l’ANSM a consenti à financer les recherches des Prs Gherardi et Authier à hauteur de 100 000 euros. En novembre doit paraître un article sur la recherche sur des souris : « Lorsque l’aluminium persiste dans l’organisme, l’animal présente aussi des troubles neurologiques. Mais, surtout, on constate que l’aluminium a migré vers le cerveau. Comme pour les hommes, tous les animaux ne sont pas touchés, il y a sans doute des prédispositions génétiques », explique le Pr Authier. Une autre recherche, en cours, devrait démontrer qu’il n’y a pas de lien entre la dose d’aluminium injectée et la sévérité des troubles. « Nous ne remettons pas en cause le bénéfice collectif de la vaccination, insiste-t-il. Pour la majorité de la population, cela se passe bien. Mais si 1 % seulement des personnes vaccinées sont concernées par cette pathologie, alors c’est un problème de santé publique. Nous militons pour que soit créé un registre national de cette maladie. La pharmacovigilance aurait dû se saisir depuis longtemps de ce sujet. »

Le président d’ E3M, Didier Lambert, porte des accusations plus graves : « L’attitude des autorités sanitaires est profondément antiscientifique. Ils nous accusent d’être des charlatans, des militants antivaccination. Mais ce sont eux qui sont en train de démolir le principe de la vaccination. » Liliane Grangeot-Keros prend au sérieux ces recherches, mais continue à s’interroger : « Y a-t-il un lien entre la liaison et les symptômes cliniques ? Pourquoi cette maladie est-elle décrite seulement en France et – un peu – au Portugal ? »

L’Académie de médecine reste pour l’obligation de se vacciner

Dans un communiqué publié le 4 novembre 2015, l’Académie de médecine plaide en faveur du maintien de l’obligation vaccinale en France. « La vaccination deviendrait un moyen de prévention comme un autre dont le caractère optionnel serait rapidement exploité par ses détracteurs », estime-t-elle. L’Académie invite également à « reconsidérer le terme “obligatoire” », pour évoluer d’une obligation de principe vers une exigibilité des preuves de vaccination dans certaines circonstances: entrée en collectivité, voyage, exposition professionnelle, contexte épidémique… En outre, la liste des vaccinations exigibles « devrait faire l’objet d’une révision annuelle par le Haut Conseil de la santé publique ».

Pour faire accepter ces changements, l’Académie prône la mise en place d’un programme national d’information « de grande ampleur », soutenu activement par les autorités.

Yolande Gauthier