Vaccination Réservé aux abonnés

Le vaccin anti-Covid-19 bat le rappel

Publié le 4 septembre 2021
Par Magali Clausener
Mettre en favori

La campagne vaccinale de rappel des vaccins anti-Covid-19 est lancée depuis le 1er septembre. Un choix politique car, à ce stade, aucune étude ne démontre son intérêt dans l’immédiat.

Le 27 août, la Direction générale de la santé (DGS) a, dans un message DGS-Urgent adressé à tous les professionnels de santé, lancé le top départ de la campagne de rappel vaccinal contre le Covid-19 pour les populations prioritaires. Une troisième dose de vaccin ARNm peut ainsi être injectée, à compter du 1er septembre, en ville et dans les centres de vaccination, aux personnes de plus de 65 ans et à toutes celles qui présentent des comorbidités augmentant le risque de formes graves et de décès dus au Covid-19. Cette dose de rappel s’adresse aussi aux personnes ayant reçu le vaccin de Janssen.

Les instructions de la DGS s’appuient sur les recommandations de l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) du 23 août 2021, dont celle de réaliser le rappel contre le Covid-19 et la vaccination antigrippale de façon concomitante pour les populations éligibles.

Or, si la HAS préconise effectivement une troisième dose, elle s’est montrée très prudente dans son avis. Déjà, elle évoque une campagne de rappel « au cours de l’automne » afin de « respecter un délai minimal de six mois entre la primovaccination complète et l’administration d’une dose de rappel ». « Je comprends que le gouvernement souhaite accélérer la campagne de rappel pour les personnes de plus de 80 ans et les plus à risque, vaccinées en janvier et février. En revanche, les 60-65 ans et les plus de 65 ans sans risque particulier ne doivent pas se précipiter pour une troisième dose », relève d’ailleurs Elisabeth Bouvet, présidente de la Commission technique des vaccinations (CTV) de la HAS.

Une question d’efficacité

Pourquoi une telle circonspection ? Tout simplement parce que si les scientifiques s’accordent sur l’intérêt d’un rappel, « la moindre efficacité [des vaccins] suggérée par certaines études récentes nécessite d’être confirmée par d’autres études et dans le temps », précise l’avis de la HAS. « La question n’est pas : faut-il faire une troisième dose ? Mais quand et pour qui ? », résume Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale au centre hospitalier universitaire de Bordeaux (Gironde).

L’efficacité vaccinale ne se mesure pas en effet uniquement par le taux d’anticorps dans l’organisme. « La décroissance de l’efficacité vaccinale n’est pas seulement marquée par celle du taux d’anticorps, mais aussi par la diminution, avec le temps, de la protection vis-à-vis du risque d’hospitalisation. Il faudrait avoir des données sur les hospitalisations pour des formes symptomatiques ou graves du Covid-19 des personnes vaccinées, en fonction de la date de leur vaccination et en tenant compte de leur âge. Nous devons générer ces données », explique Mathieu Molimard.

Publicité

« Les indicateurs biologiques et immunologiques sont d’acquisition souvent plus rapide. Ils peuvent apporter des informations utiles, parfois servir d’alerte précoce, mais ce sont des critères de substitution, et non des critères majeurs d’évaluation de l’efficacité d’un vaccin, abonde Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à Genève (Suisse). D’ailleurs, lors des essais de phase III des vaccins, les grandes agences de sécurité sanitaire ont exigé comme critère principal, pour envisager l’homologation d’un vaccin, la prévention des infections par coronavirus documentées par test PCR et non la seule élévation des taux d’anticorps. »

En outre, l’immunité ne se réduit pas à l’immunité humorale, c’est-à-dire le taux d’anticorps dans le sang, elle fait également appel à l’immunité cellulaire. Et celle-ci ne se mesure pas aussi aisément que le taux d’anticorps. Enfin, même si le taux d’anticorps diminue, en plus de l’immunité cellulaire, les cellules mémoires peuvent réactiver les anticorps en une semaine et éviter l’hospitalisation ou les formes graves. De fait, dans son avis, la HAS rappelle « qu’il n’y a pas de corrélat de protection établi à ce jour et que les tests sérologiques, quels qu’ils soient, ne permettent pas de conclure à l’éligibilité ou non d’une personne à une dose de rappel ». A cela s’ajoutent aussi, pour Antoine Flahault, les facteurs démographiques et les comorbidités. En clair, la sérologie ne suffit pas à suivre l’évolution et la persistance de l’efficacité vaccinale au cours du temps. Pour l’heure, aucune étude n’apporte de réponses sur ce point.

Ecarter les risques

Deux autres éléments sont à prendre en compte. Le premier est une étude de Pfizer sur les réactions à une troisième dose de vaccin. « Nous attendons les résultats de cette étude. C’est important de connaître les réactions pour pouvoir mesurer le bénéfice d’un rappel par rapport aux risques », souligne ainsi Mathieu Molimard, qui pense par exemple aux personnes de plus de 80 ans. Le second porte sur l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Les AMM conditionnelles des vaccins ARNm ne concernant que le schéma à deux doses, l’Agence européenne des médicaments (EMA) doit donc accorder une AMM pour le rappel. Elle devrait émettre un avis sur le sujet fin septembre.

Dernière question : quelles sont les interactions entre les vaccins anti-Covid-19 et les vaccins antigrippaux alors que la HAS et la DGS optent pour une vaccination concomitante ? « Nous attendons des résultats d’études sur l’interaction entre les deux vaccins, mais il est important de ne pas oublier la vaccination contre la grippe car nous ne savons pas comment sera l’épidémie de grippe dans le contexte actuel. Nous avons d’ailleurs déjà émis un avis dans ce sens le 12 mai 2021 pour le lancement de la campagne de vaccination 2021-2022 contre la grippe saisonnière en France métropolitaine et à la Réunion et à Mayotte », répond Elisabeth Bouvet.

Compte tenu de toutes ces incertitudes, fallait-il lancer la campagne vaccinale de rappel dès début septembre alors que toute la population n’est pas vaccinée en France et dans le monde ? « Seuls 1,4 % des habitants des pays pauvres ont été vaccinés à ce jour, ce qui signifie que les personnels de santé de ces pays, mais aussi leur population âgée et fragile sont à très haut risque et que, si l’épidémie flambe n’importe où dans le monde, il risque d’émerger de nouveaux variants. Pour prévenir cela, la vaccination du plus grand nombre des habitants de la Terre est un impératif urgent. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé un moratoire pour la troisième dose qui peut raisonnablement encore attendre un peu, afin de vacciner davantage de monde. Il ne s’agit pas ici seulement d’un impératif éthique et moral, mais aussi d’une question de sécurité sanitaire mondiale », estime Antoine Flahault.

Pour Mathieu Molimard, « c’est un choix de santé publique ». Et de développer : « La troisième dose apporte un bénéfice individuel. L’intérêt collectif est d’arrêter la circulation du virus et de vacciner un maximum de Français, par exemple les 12-17 ans et les personnes de 80 ans et plus qui ne sont pas encore vaccinées. C’est un choix de priorisation politique. Il n’y a pas d’urgence pour une troisième dose. »

« L’épidémie de Covid-19 est mondiale, mais une campagne de rappel en France ne va pas, malheureusement, changer la donne. En fait, la priorité est de vacciner un maximum de personnes à risque. En France, plus de 15 % des plus de 80 ans ne sont pas encore vaccinés. La deuxième priorité est de renforcer l’immunité des personnes les plus à risque. Enfin, la priorité absolue est de vacciner la population au niveau mondial, car le monde entier et nous-mêmes y avons intérêt. Mais la CTV émet des avis sur la vaccination en France », conclut Elisabeth Bouvet.