Sport santé : une course de fond en prévention

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Sport santé : une course de fond en prévention

Publié le 18 mai 2024
Par La rédaction
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Amélioration des symptômes et de la qualité de vie, prévention des récidives, diminution de la mortalité… Les bienfaits de l’activité physique ne sont plus à démontrer. Si les médecins doivent en devenir des prescripteurs convaincus, les pharmaciens peuvent aborder cette question lors des bilans de prévention aux âges clés de la vie, généralisés depuis janvier 2024.

Mai 2017. A peine remis d’un lymphome hodgkinien, Vincent Guerrier termine le marathon de la Route du Louvre en 4 heures et 28 minutes. Le journaliste, auteur avec sa compagne, Léa Dall’Aglio, du documentaire et du livre Malades de sport, jure que l’activité physique a considérablement atténué les effets secondaires de la chimiothérapie et l’a aidé à vaincre le cancer. Sur Instagram, plus de 10 000 abonnés suivent les péripéties d’Antoine Scortatore, un autre mordu de course à pied, persuadé que le sport l’a « sauvé du cancer de Hodgkin » dont il souffrait en 2018.

Un Français sur quatre vit avec une maladie chronique. Pour ces patients, la pratique régulière d’une activité physique offre de nombreux bienfaits. « Pas besoin de courir des marathons pour améliorer sa qualité de vie et ses symptômes. Evoquer le “sport” avec un patient, ça peut être intimidant. Ainsi nous parlons plutôt d’“activité physique”, c’est-à-dire le mouvement corporel qui produit une dépense d’énergie. Marcher, tondre la pelouse, faire du vélo, prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur… Ces activités, incorporées dans le quotidien et pratiquées régulièrement, sont très bénéfiques », rassure Maxime Tréhout, psychiatre au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen (Calvados).

Les pharmaciens en première ligne

Reconnue par la Haute autorité de santé (HAS) comme une « thérapie non médicamenteuse validée », l’activité physique est un « élément majeur » du traitement de nombreuses maladies chroniques comme les cardiopathies, l’obésité, le diabète de type 2, les maladies neurologiques, les cancers ou encore les affections psychiatriques. « Son inclusion à toutes les étapes du parcours de soins et l’accompagnement des patients vers une pratique autonome et pérenne représentent un enjeu majeur de santé publique », affirme une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), publiée en 2019.

Le bilan commence par un autoquestionnaire rempli par le patient. « Il y renseigne ses habitudes de vie et ses objectifs. S’il indique ne pas être assez actif ou s’il émet le souhait de bouger plus, nous allons essayer de faire de l’activité physique un axe prioritaire du bilan prévention », affirme Alexandra Gaertner, pharmacienne à Boofzheim (Bas-Rhin) et membre du bureau de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Les recommandations varient selon l’âge de la personne. « Une femme de 35 ans se verra recommander la pratique de la course à pied ou du vélo, par exemple. Aux personnes âgées, nous conseillons surtout de bouger davantage au quotidien, de prendre les escaliers, lorsque c’est possible, ou d’aller à la boulangerie à pied », poursuit Alexandra Gaertner.

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Actuellement, les pharmaciens ne disposent pas de formation spécifique à l’activité physique. Ils doivent se débrouiller avec des fiches – certes plutôt détaillées – délivrées par l’Assurance maladie. Celle consacrée à la « lutte contre la sédentarité » les invite à adopter une approche bienveillante et non culpabilisante : « Une activité physique limitée vaut mieux qu’aucune activité physique. Si la personne n’atteint pas le niveau recommandé, une quantité limitée d’activité physique sera néanmoins bénéfique pour sa santé », détaille le document. « Levier essentiel pour augmenter l’activité physique », les mobilités actives comme la marche et le vélo sont vivement recommandées. Des astuces pour réduire le temps de sédentarité sont également proposées : « Je me lève au moins toutes les heures, encore plus c’est mieux. Je consulte mes e-mails et passe mes coups de téléphone debout. Devant la télé, je bouge pendant les pubs ou entre deux épisodes de la série que je regarde. »

L’APA du regain de santé

L’un des principaux enjeux est de lutter contre l’affaiblissement physique et la démotivation des patients, dont les pathologies sont source de douleurs, de fatigue mais aussi d’effets secondaires liés aux traitements. Après son diagnostic de cancer, Vincent Guerrier témoigne de ce déconditionnement physique dans son livre : « Je vis pour la première fois loin de toute volonté sportive. Plus envie de bouger, moins de force. Le cercle vicieux est ainsi fait que le corps s’habitue à l’inactivité et nous fait souffrir le martyre au moindre mouvement. » La pratique d’une APA permet de prévenir ou d’enrayer l’inactivité physique qui aggrave le pronostic des malades et est susceptible d’entraîner des comorbidités. « Sur l’ordonnance APA, le médecin renseigne les limitations fonctionnelles et les bénéfices attendus, qui peuvent être de réduire l’hypertension, la prise de poids, d’améliorer la force musculaire, de diminuer le risque de chute ou encore d’agir sur l’anxiété ou le sommeil. Le patient est ensuite orienté vers une maison sport-santé (MSS), où il est pris en charge par un spécialiste », détaille Maxime Tréhout.

Lancées en 2019, les 436 MSS présentes sur le territoire s’adressent aux patients vivant avec une affection de longue durée (ALD), aux personnes en perte d’autonomie ou souffrant de pathologies chroniques « pour lesquelles l’activité physique et sportive est recommandée ». Ces structures proposent des activités adaptées sur place ou orientent le patient vers des établissements spécialisés. A la maison sport-santé du CHU de Caen, un accompagnement de 12 semaines est proposé aux patients, à raison de deux séances hebdomadaires. « Un bilan réalisé avant le programme permet d’évaluer la condition physique, les capacités fonctionnelles et les besoins spécifiques du patient. Au milieu des 12 semaines de pratique, nous refaisons le bilan pour que le patient reste motivé. A la fin du parcours, nous l’orientons vers une structure extérieure afin qu’il puisse pérenniser sa pratique », résume Camille Mongodin, coordinatrice de la MSS et enseignante en activité physique adaptée.

Oncologie, obésité, diabète, psychiatrie… Les affections prises en charge dans la structure caennaise sont nombreuses. « La grande majorité de nos patients sont très sédentaires. Notre rôle, c’est de les inciter à avoir un comportement moins inactif, de les aider à effectuer leurs tâches quotidiennes en travaillant leur endurance, leur force, leur souplesse et leur équilibre », poursuit Camille Mongodin.

Un dispositif qui manque de souffle

Sur le papier, le dispositif APA semble redoutablement efficace et facile à mettre en musique, mais dans les faits, il reste encore trop peu prescrit par les médecins. « Les patients se délestent de toutes leurs ordonnances sur le comptoir. Je n’en ai jamais vu une seule prescrivant du sport. Après la parution du décret en 2016, des patients sont venus se renseigner sur le sport sur ordonnance. Mais depuis, plus rien. Je trouve ça dommage, je pensais que ce dispositif aurait davantage de visibilité », confie Julie Bigot, pharmacienne à Rouen (Seine-Martitime).

Vincent Guerrier a, lui aussi, été témoin du désintérêt des praticiens pour l’activité physique : « Le cancer est sans doute la maladie la mieux documentée quand il s’agit de parler des bienfaits d’une activité physique. Mais étrangement, nous n’en avions jamais entendu parler, et peu de généralistes ou de spécialistes rencontrés au CHU étaient capables de développer ce sujet, de nous faire comprendre pourquoi et comment l’activité physique adaptée pouvait limiter la progression des tumeurs. »

Si la culture du sport n’a pas encore pénétré totalement les cabinets médicaux, elle est aussi freinée par un argument économique de taille : l’argent ! Malgré ces huit ans d’existence, l’APA n’est toujours pas remboursée par l’Assurance maladie. « Cette approche thérapeutique validée par des données probantes de la science et des comités d’experts doit être remboursée au même titre que la plupart des médicaments », plaide Maxime Tréhout. Car le non-remboursement est une réelle perte de chance, en particulier pour les patients disposant de peu de ressources. Aujourd’hui, en fonction des centres, il faut compter entre 15 et 55 € la séance de 1 heure.

Obtenir un effet d’entraînement

« Certes, certaines collectivités ou mutuelles prennent en charge l’APA, mais cela reste insuffisant au regard de la demande. Aujourd’hui, notre rôle est d’orienter les patients vers les structures les plus abordables et de leur parler de toutes les activités gratuites du quotidien qui peuvent les aider, comme la marche », regrette la coordinatrice de la maison sport-santé du CHU de Caen. D’ici à quelques mois, la donne pourrait bien changer. Dans son rapport « Charges et produits pour 2024, la Cnam envisage de rembourser une partie des programmes d’APA pour les patients atteints de cancer et de diabète, « deux pathologies pour lesquelles il est établi un bénéfice avec cette activité. Une telle prise en charge appellerait des mesures de niveau législatif et réglementaire », indique l’Assurance maladie.

Reste à mettre les bouchées doubles sur la formation des praticiens. Depuis 2019, un groupement d’experts de l’Inserm préconise ainsi d’intégrer « des modules obligatoires relatifs à la prescription de l’activité physique dans la formation des étudiants en médecine » et de sensibiliser les médecins à travers la formation continue. Au regard de l’ampleur et de la qualité des missions déléguées ces dernières années aux pharmaciens, ces modules de « prescription de l’activité physique » ne devraient-ils pas également être proposés aux étudiants en pharmacie ? Blouses blanches à vos baskets !

A retenir !

  • L’activité physique est un « élément majeur » du traitement de nombreuses maladies chroniques comme les cardiopathies, l’obésité, le diabète de type 2, les maladies neurologiques, les cancers ou encore les affections psychiatriques.
  • Depuis janvier 2024, les pharmaciens d’officine peuvent promouvoir l’exercice physique auprès de leurs patients dans le cadre des bilans de prévention aux âges clé de la vie. 
  • La Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) envisage de rembourser une partie des programmes d’activité physique adaptée (APA) pour les patients atteints de cancer et de diabète. 
  • A quand des modules obligatoires relatifs à la prescription de l’activité physique dans la formation des étudiants en médecine et en pharmacie ?