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Sexualité et prévention : les pharmacies peuvent redresser la barre
Depuis le 1er septembre 2024, les patients ont la possibilité de demander le dépistage de quatre infections sexuellement transmissibles (IST) en plus du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dans les laboratoires de biologie médicale : Chlamydia trachomatis, gonocoque, syphilis et hépatite B. Cette nouveauté est une réponse à la recrudescence des IST depuis le début des années 2000. Selon les dernières données de Santé Publique France, près de 5 500 personnes ont découvert leur séropositivité en 2023. Un danger qui continue de croître malgré la baisse significative enregistrée en 2020. L’année dernière, le nombre de diagnostics d’infection à Chlamydia trachomatis, à gonocoque et à syphilis a été estimé respectivement à 55 500, 23 000 et 5 800. Or ces infections, que l’on n’appelle plus « maladies » car elles sont souvent asymptomatiques, peuvent avoir des conséquences graves comme des infertilités, des cancers et des thérapies à vie, pour le sida. Il faut ajouter à ce tableau l’infection par les papillomavirus humains (HPV) qui fait l’objet d’une campagne pour encourager la vaccination des adolescents. Ces virus susceptibles d’affecter 80 % des hommes et des femmes au cours de leur existence sont responsables de lésions qui peuvent évoluer en cancer, notamment du col de l’utérus.
Sex and the pharmacy
Les pharmacies d’officine jouent un rôle essentiel dans les politiques de prévention. Depuis le 1er janvier 2023, les jeunes de moins de 26 ans ont accès à des préservatifs gratuits : 16,7 millions ont été distribués en un an, a annoncé le président Emmanuel Macron à l’occasion du Sidaction, en mars dernier. Les officines ont à disposition des autotests VIH, dont les ventes se sont élevées à 79 500 unités en 2019, selon Santé publique France. Les bilans de prévention qui commencent à se mettre en place pour certaines catégories d’âge, dont les 18-25 ans, sont aussi l’occasion de faire le point sur la santé sexuelle et les dépistages. Surtout, « les pharmacies sont facilement accessibles, sans rendez-vous, avec de longues plages horaires, témoigne Paul Lemarquis, titulaire à Aire-sur-l’Adour, dans les Landes, et membre de la commission des nouveaux inscrits du Conseil de l’Ordre. On a la chance d’avoir deux atouts extraordinaires en France : la gratuité et l’anonymisation. Il est possible de rendre anonyme la prescription de contraception pour que les adolescents soient maîtres de leur santé sexuelle. Je reçois aussi des parents qui viennent me demander des informations sur le vaccin contre les papillomavirus. En un an, nous avons doublé le nombre de prescriptions, c’est une fierté. » Le jeune pharmacien participe à des réunions d’information au collège dans le cadre de sa communauté professionnelle territoriale de santé. Il organise des formations sur ces pathologies pour son équipe et s’apprête à mettre en place des entretiens de prévention dans un espace réservé.
Cependant, les lacunes en matière d’éducation sexuelle demeurent considérables. Pour son quarantième anniversaire, l’association Aides a réalisé un sondage avec l’Institut français d’opinion publique (Ifop) qui souligne une baisse de la prise de conscience des dangers dans ce domaine au sein de la population française : 40 % des sondés et 51 % des moins de 25 ans considèrent que les risques d’être contaminés par le virus du Sida sont faibles aujourd’hui. La réponse était de 14 % en moyenne en 1988. À l’échelle de l’Europe, un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé alertait sur la diminution alarmante de l’usage du préservatif chez les adolescents entre 2014 et 2022 : de 70 à 61 % lors de leur dernier rapport sexuel chez les garçons et de 63 à 57 % chez les filles. « Les jeunes ne vivent pas dans la hantise du Sida comme dans les années 1990, analyse Michaël Grynberg, gynécologue et chercheur rattaché à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Ils pensent que l’on en guérit, donc que ce n’est pas grave. Certes, l’instruction sexuelle est enseignée au collège et au lycée, mais cela reste très sommaire. Quand un professeur de sciences de la vie et de la Terre (SVT) donne un cours sur la géologie un jour et sur les IST le lendemain, il n’est pas audible. » Pour Michaël Grynberg, il est préférable de faire intervenir un expert, professionnel de santé ou représentant d’association, pour aborder ce sujet en classe. D’autant que les établissements manquent aussi de médecins scolaires.
Dans la confidence
En tant que titulaire de la pharmacie Wellpharma Jules Ferry à Waziers, près de Douai, dans le Nord, Christine Vanhamme constate également le manque d’information : « Lorsqu’une jeune fille vient nous voir après un rapport non protégé, elle pense “contraception”, mais nous lui rappelons l’existence des IST. Nous disposons d’une pièce à part dans laquelle les jeunes peuvent nous parler librement de sujets qu’ils n’osent pas aborder en famille, et ils le font volontiers. J’ai reçu un soir un garçon qui voulait savoir comment utiliser un préservatif. Il a demandé à son père qui l’a renvoyé vers nous ! » Pour les adolescents, la pharmacie est davantage adaptée aux confidences que le foyer ou même le cabinet du médecin, où ils vont souvent accompagnés de leur mère. Le tabou est bien présent, chez les adultes aussi. « Le Sidaction est l’occasion de distribuer des livrets d’information mais beaucoup de parents ne veulent pas en entendre parler, poursuit Christine Vanhamme. Même lorsque je réalise des vaccinations pour le HPV, beaucoup de jeunes ne savent pas pourquoi on les pique. J’en profite pour leur expliquer. Lorsque l’on accueille des stagiaires de 3e, je fais aussi passer le message sur les IST et la pilule. » Concernant les autotests VIH, la praticienne estime que les résultats sont difficiles à interpréter pour le grand public : « Il faudrait un kit explicatif sur les IST comme pour les personnes qui arrêtent le tabac. On pense que les gens sont informés mais ce n’est pas du tout le cas. » Les pharmaciens d’officine ne doivent pas hésiter à commander les brochures éditées par le Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (Cespharm).
Un glissement à tous les âges
Car les interrogations ne concernent pas que les jeunes qui font la découverte de la sexualité. Le manque d’information et le relâchement de la vigilance concernent tous les âges. D’après les données de Santé Publique France pour 2023, le taux d’incidence des diagnostics augmente de façon plus nette pour le gonocoque chez les 50 ans et plus et chez les personnes hétérosexuelles, hommes et femmes. Idem pour Chlamydia trachomatis. Pour la syphilis, la hausse est plus marquée chez les femmes et les plus de 50 ans. « Même dans la génération Sida, on observe une population de quinquagénaires qui se séparent de leur conjoint après avoir eu une sexualité sans protection pendant plusieurs années. Ils ont beaucoup de mal à se réhabituer au préservatif, voire ils se disent qu’à leur âge ils peuvent vivre avec le VIH », souligne le gynécologue Michaël Grynberg. Dans son officine, Paul Lemarquis reçoit régulièrement des adultes : « On m’a consulté récemment pour savoir ce qu’était une PrEP, une prophylaxie préexposition. J’ai fourni des explications et orienté vers un médecin. J’ai aussi été consulté pour savoir comment se faire vacciner contre le mpox. »
Le pharmacien de quartier est souvent le seul professionnel de santé de proximité à disposition, ce qui pose la question de l’inégalité d’accès aux structures de prévention, hôpitaux, laboratoires, centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), plannings familiaux… La pharmacie de Christine Vandamme se situe dans un bassin de population qui compte deux médecins pour 8 000 habitants, dont l’un part bientôt à la retraite. « J’ai pratiquement abandonné le comptoir, je fais essentiellement du dépistage, tant les besoins sont immenses », souligne-t-elle. À Aire-sur-l’Adour, commune semi-rurale de 6 000 habitants, la pharmacie de Paul Lemarquis est adossée à une maison de santé, ce qui facilite le partage d’information. Pour les professionnels, il ne fait pas de doute qu’il faut relancer une campagne de santé publique sur les IST et le préservatif pour amplifier leur action de terrain.
À retenir
- Les infections sexuellement transmissibles déclarées sont en hausse et l’usage du préservatif est en baisse chez les jeunes.
- La pharmacie est l’espace de santé privilégié pour la prévention en raison de son maillage territorial et de son accessibilité.
- L’éducation sexuelle dans les établissements scolaires devrait être assurée par des professionnels de santé plutôt que par des enseignants.
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