Autotests grippe/Covid-19 : les pharmaciens en alerte sur leur fiabilité

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Autotests grippe/Covid-19 : les pharmaciens en alerte sur leur fiabilité

Publié le 4 mars 2025
Par Sana Guessous et Christelle Pangrazzi
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L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a saisi l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) face à des autotests grippe-Covid-19 affichant des performances suspectes. En cause : des taux de sensibilité irréalistes, dépassant les standards validés par les autorités sanitaires.

L’alerte émane de Guillaume Racle, élu de l’USPO. En octobre dernier, il a constaté que certains autotests grippe revendiquaient une sensibilité de 100 %, une affirmation en totale contradiction avec les données validées par la Haute Autorité de Santé (HAS). À ce jour, cette dernière n’a jamais observé de performance supérieure à 92,6 %.

Soucieux de la fiabilité de ces dispositifs, Guillaume Racle a analysé les études cliniques mentionnées sur les notices. Plusieurs biais méthodologiques ont été mis en évidence : sélection des échantillons faussant la représentativité des résultats, absence de tests en aveugle, un critère pourtant essentiel pour évaluer objectivement un dispositif médical.

Une prise en charge par la HAS et un travail de fond de l’USPO

Face à ces constats, la HAS a repris le dossier pour approfondir l’analyse des performances des autotests. En parallèle, l’USPO a poursuivi son travail auprès des autorités de santé et de partenaires scientifiques pour réclamer une évaluation indépendante.

Un marquage CE trop permissif ?

Si ces autotests sont légalement commercialisés, c’est grâce au marquage CE, mais celui-ci ne garantit pas leur fiabilité. « Contrairement à une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un médicament, c’est une passoire », avertit Guillaume Racle. Ce marquage, attribué par des organismes privés, repose sur des études fournies par les industriels eux-mêmes, ce qui pose un problème de transparence et de rigueur scientifique. « Ces études sont souvent biaisées. Aujourd’hui, un test affichant des performances insuffisantes peut quand même être mis sur le marché », alerte l’USPO.

Vers une évaluation indépendante et un référentiel fiable ?

Conscient des enjeux, l’USPO travaille désormais avec les autorités et une revue scientifique à comité de relecture pour publier un tableau comparatif indépendant des performances des tests. Toutefois, Guillaume Racle appelle à la prudence : « Il y a des enjeux industriels majeurs, il faut être rigoureux pour éviter toute contestation. »

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Une liste officielle des tests les plus fiables pourrait voir le jour, mais pour l’instant, seul le rapport de la HAS de juin 2023 permet d’identifier les références les plus performantes.

Un enjeu de santé publique et de lutte contre l’antibiorésistance

L’enjeu dépasse le simple cadre des tests. La HAS doit rendre un premier avis intermédiaire en septembre 2025, avant un verdict final en 2026 sur l’intérêt des autotests combinés grippe-COVID.

Dans l’intervalle, l’USPO défend le maintien du remboursement de ces dispositifs. « Si on suspend leur prise en charge pendant un an, les patients perdront l’habitude de se tester en cas de symptômes grippaux. Ce serait une grave erreur dans la lutte contre l’antibiorésistance », alerte Guillaume Racle.

Les pharmaciens responsables en cas de défaut de qualité

Outre l’enjeu de santé publique, la fiabilité de ces tests pose une question de responsabilité juridique pour les pharmaciens.

En vertu des règlements européens 2017/745 et 2017/746, les pharmaciens sont tenus responsables du référencement, de la dispensation et de la traçabilité des dispositifs médicaux. « Contrairement aux médicaments, si un test est défaillant, c’est nous qui sommes tenus responsables », rappelle Guillaume Racle.

Alors que le dépistage en officine prend de l’ampleur, l’USPO met en garde : ne référencez pas à l’aveugle.