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Un réseau ville-hôpital Ph@re

Publié le 20 novembre 2010
Par Dominique Fonsèque-Nathan
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Rémy Collomp et Cyril Boronad, pharmaciens hospitaliers, ne veulent pas rester derrière les murs de l’hôpital sans lien avec leurs confrères libéraux. Ils ont donc créé, en 2004, le réseau Ph@re. Leur objectif ? Réunir les pharmaciens des deux bords pour mieux prendre en compte le patient.

Nous exerçons avec les officinaux la même profession, dans des environnements différents, certes, mais au service de la même personne, le patient. Il faut des interfaces entre nous, sinon cela ne fonctionne pas. Nous sommes complémentaires. Les hospitaliers sont peut-être plus pointus sur les dernières technologies, mais ils n’approchent le patient que de manière transitoire. L’officinal rencontre régulièrement celui-ci. Il peut veiller à l’observance du traitement, intervenir dans son éducation thérapeutique, faire le lien avec d’autres pathologies chroniques ou temporaires, prendre en compte des facteurs psychologiques, sociaux, etc. », raconte Cyril Boronad, pharmacien hospitalier au CH de Cannes, créateur du réseau Ph@re avec Rémy Collomp, pharmacien hospitalier au CHU de Nice.

Ces réflexions sur la complémentarité entre pharmaciens hospitaliers et officinaux ont été menées très tôt. En 2001-2002, Cyril Boronad, qui avait 30 ans à l’époque, est attiré par un appel à projet du laboratoire GSK pour améliorer les relations entre la ville et l’hôpital. Pour monter un dossier, il pense immédiatement à Rémy Collomp, 33ans, rencontré lors de son stage d’internat au CHU de Nice, avec lequel il partage les mêmes convictions. Pour ce travail, ils obtiendront en 2002 le prix remis par le laboratoire. Huit ans plus tard, ils recevront le prix Initiatives Pharmacie 2010.

Anticiper sortie des patients et des médicaments

« En fait, dès cette époque, nous avions anticipé la sortie de la réserve hospitalière de nombreux médicaments et pensé à un système qui améliorerait le lien entre les traitements dispensés en ville et à l’hôpital, explique Cyril Boronad. Il y avait urgence à mettre en place un système qui garantisse au patient que, lors de la première dispensation en ville, il puisse disposer du produit, sans rupture de stock. De la même manière, il fallait, avant la parution des listes au Journal officiel, alerter les répartiteurs de la sortie des médicaments de la réserve et transmettre aux officinaux les informations nécessaires sur une pathologie et un traitement qui étaient, à ce jour, réservés aux services hospitaliers. »

Dès février 2004, quelques mois avant la sortie du décret du 15 juin, Rémy Collomp et Cyril Boronad portent sur les fonts baptismaux le réseau ville-hôpital Ph@re et son site d’information sur les pathologies chroniques et leurs traitements Pharemed. om. Ils le font en lien avec Pharma Soins 06, association d’officinaux travaillant notamment sur la toxicomanie. « Jacques Richard, titulaire à Nice, et Jean-Michel Cloppet, titulaire à Cagnes-sur-Mer, ont très vite intégré le conseil d’administration de Ph@re. Le premier en est toujours vice-président. »

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Des actions de formation continue

Dans le même temps, Rémy Collomp et Cyril Boronad lancent des actions de formation continue gratuites pour tous les pharmaciens et leurs équipes, mais aussi pour tous les professionnels de santé intéressés. Au départ, elles étaient principalement liées à la sortie des produits de la réserve hospitalière : EPO, anticancéreux per os, double circuit des antirétroviraux, etc. « C’était innovant par rapport aux laboratoires qui menaient des actions sur un seul produit », détaille Cyril Boronad, qui est aussi responsable de la formation continue et de l’éducation thérapeutique à Ph@re.

Dès le départ, les séances de formation sont plébiscitées par les officinaux des Alpes-Maritimes et leurs équipes, qui représentent les trois quarts des participants. Ils en apprécient le principe : exposé d’une pathologie par un spécialiste de l’hôpital, vision de la thérapeutique par un pharmacien, table ronde favorisant les échanges. Si le thème des soirées a évolué au fil du temps, le succès ne s’est jamais démenti. « Nous comptons entre 80 et 130 participants des Alpes-Maritimes avec une pointe à 150 pour la cancérologie », note Cyril Boronad.

Des projets innovants avec les officinaux

Le dernier volet du triptyque Ph@re concerne les projets de santé publique et l’éducation thérapeutique du patient. Côté éducation thérapeutique, Cyril Boronad, qui participe activement au programme d’éducation des patients dialysés et greffés rénaux du CH de Cannes, s’appuie sur les officinaux pour initier un vrai relais des actions d’éducation en ville. « Chaque pharmacien doit, lors de la délivrance en ville, pouvoir consolider les éléments transmis au patient dans le programme d’éducation reçu à l’hôpital. Il peut être un élément d’alerte d’une mauvaise compréhension ou d’une mauvaise observance, estime Rémy Collomp, responsable du secteur santé publique à Ph@re. Nos projets sont innovants, financés dans le cadre d’appels à projet qui vont dans le sens du rapport Rioli et des nouvelles missions des pharmaciens prévues dans la loi HPST. » Les exemples sont nombreux : prévention du risque iatrogène chez la personne âgée, éducation thérapeutique du patient ayant subi un infarctus du myocarde, mise en place d’un réseau de pharmaciens sentinelles pour la détection, l’alerte et l’information concernant la qualité de l’air et son incidence sur les maladies respiratoires, prévention du risque solaire. « A chaque fois, le principe est identique,décrit Rémy Collomp. Ph@re monte le projet, obtient un financement et lance un appel au volontariat auprès des 460 officinaux des Alpes-Maritimes, avec plus ou moins de succès, faute de temps et de moyens humains spécifiques pour recruter et dynamiser les troupes. »

Mais les deux pharmaciens hospitaliers restent optimistes et ont encore de multiples projets. D’autant que Rémy Collomp, membre du conseil d’administration de la Société française de pharmacie clinique, participe au groupe de travail sur le rapprochement entre pharmaciens hospitaliers et pharmaciens d’officine. L’exemple le plus significatif est l’évaluation du dossier pharmaceutique à l’hôpital au niveau des rétrocessions, testé dans différents établissements hospitaliers dont le CHU de Nice (environ 50 patients par jour). « C’est un début, mais le dossier pharmaceutique ne suffit pas. Le rôle d’information du pharmacien d’officine est capital. Idem quand le patient sort d’hospitalisation avec un nouveau traitement. Le lien avec la ville doit être développé », conclut Cyril Boronad.

Envie d’essayer ?

LES AVANTAGES

• Elargir son champ de compétences.

• Se remettre en cause.

• Echanger avec des pharmaciens hospitaliers et des équipes pluridisciplinaires.

• Approfondir et actualiser ses connaissances et celles de son équipe.

• Assurer un meilleur suivi du patient.

• Travailler en groupe sur des sujets pointus.

• Disposer d’informations scientifiques et exhaustives via la formation continue.

• Participer à des actions de santé publique.

• Anticiper les nouvelles missions du pharmacien prévues par la loi HPST.

LES DIFFICULTÉS

• Les actions sont chronophages.

Elles demandent une forte implication et une grande constance du titulaire et de son équipe.

• Le travail en réseau peut demander de la présence en dehors des heures d’ouverture de l’officine.

LES CONSEILS

• Avoir envie d’optimiser et de valoriser son rôle de conseil et dans la dispensation des médicaments pour aborder de nouveaux champs d’activité comme l’éducation thérapeutique du patient ou des actions structurées de santé publique.

• Se renseigner auprès des confrères appartenant à un réseau ville-hôpital pour connaître son fonctionnement, le temps passé, les actions à réaliser, etc.