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Prévention : faites le bilan

Publié le 20 janvier 2024
Par Matthieu Vandendriessche
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Longtemps négligée, la prévention ne figure plus, désormais, dans l’intitulé du ministère de la Santé. Et ce au moment même où voit le jour un dispositif d’envergure visant à détecter les risques sanitaires individuels, avec des bilans aux âges clés de la vie. Explications.

 

Quel est l’objectif ?

Le but principal de ce nouveau dispositif est de mettre en œuvre une démarche de sensibilisation et de prévention personnalisée aux âges clés de la vie. Cet entretien avec un professionnel de santé doit permettre de hiérarchiser les risques de santé individuels. Puis d’aboutir à l’élaboration concertée d’un plan d’action, appelé plan personnalisé de prévention ou PPP. Outre de dépister, le bilan de prévention a pour vocation d’intégrer et d’orienter, si besoin, un patient dans un parcours de soins. Il ne doit pas être confondu avec l’examen de prévention en santé, également proposé par l’Assurance maladie et destiné en priorité aux personnes de plus de 16 ans éloignées du système de santé et à celles qui recourent moins aux dispositifs de prévention.

Quelles sont les populations ciblées ? 

Les bilans de prévention se destinent à tout assuré social de 18 à 25 ans, de 45 à 50 ans, de 60 à 65 ans et de 70 à 75 ans. A chaque entrée dans l’une de ces tranches d’âge, l’Assurance maladie enverra par courriel une invitation aux bénéficiaires. Pour mieux le faire connaître, ce dispositif fera l’objet d’une campagne d’information à la télévision et sur les réseaux sociaux, dans les prochaines semaines.

Quels sont les professionnels de santé impliqués ? 

Les bilans de prévention sont réalisés sur la base du volontariat par les médecins, les infirmiers, les pharmaciens et les sages-femmes.

Comment s’enregistrer ? 

Un annuaire des professionnels de santé et des pharmacies habilités est mis en ligne sur le site sante.fr/annuaire-mon-bilan-prevention. Pour se déclarer, le professionnel se connecte avec sa carte de professionnel de santé (CPS ou e-CPS) sur le site sante.fr/professionnel/connexion, puis sélectionne « Bilan prévention » et renseigne les informations nécessaires.

A partir de quand ? 

Les bilans de prévention peuvent être réalisés dès à présent. Mais leur lancement officiel avec envoi des courriels aux bénéficiaires de l’Assurance maladie est prévu en mars pour la classe d’âge des 45-50 ans, en avril pour les 60-65 ans, en juin pour les 70-75 ans et en septembre pour les 18-25 ans. Cette sollicitation par vagues doit permettre d’éviter un trop-plein du côté des professionnels de santé impliqués : près de 3 millions de personnes seront conviées à ce rendez-vous de prévention dans chacune des classes d’âge.

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Quels sujets seront-ils abordés ? 

Le bilan de prévention aborde les antécédents médicaux personnels et familiaux, ainsi que les habitudes de vie et les comportements à risque : alimentation, activité physique et sédentarité, addictions, etc. Il est aussi question de la prévention et du repérage de pathologies chroniques, telles que maladies cardiovasculaires et cancers. Les thématiques de prévention sont très larges puisqu’elles vont des symptômes de la ménopause et du repérage des infections urinaires à répétition, au risque de perte d’autonomie, en passant par l’identification de troubles du comportement alimentaire (voir Repères). Le parcours de santé avec, par exemple, rappels de vaccinations et suivi buccodentaire est également au programme, de même que le bien-être mental et social : sommeil, santé sexuelle, statut d’aidant, repérage des situations de violence et de maltraitance, etc. Le bilan de prévention n’a pas vocation à répondre à un besoin de soins déjà identifié. En cas de suspicion de pathologie non connue ou non suivie, le bénéficiaire est directement orienté vers une consultation médicale. Il en va de même si un examen clinique doit être réalisé et que le bilan de prévention ne peut l’intégrer.

Quelle formation particulière est-elle requise ? 

Aucune formation complémentaire n’est obligatoire pour mener ces entretiens, mais il est demandé au professionnel de tenir à jour ses connaissances sur les thématiques abordées. Les modalités de réalisation des tests cliniques (voir Repères) sont précisées au professionnel. Une approche motivationnelle est indispensable pour stimuler l’adhésion du bénéficiaire. Cela comprend l’adoption d’une attitude non culpabilisante. Diverses formations sont proposées et une plateforme de e-learning spécifique est mise en place par le ministère de la Santé, axée sur la prévention et les techniques de l’entretien motivationnel.

Sur quels documents s’appuyer ? 

Les professionnels disposent d’un livret d’accompagnement1 sur le contenu des bilans de prévention. Seize fiches thématiques (activité physique, tabac, alcool, vaccinations, chlordécone, etc.) sont mises à disposition, de même que des autoquestionnaires par tranche d’âge à remplir par les bénéficiaires, en amont du rendez-vous. D’autres fiches à l’usage du professionnel se destinent à l’aide au repérage des risques par tranches d’âge. Un document formalisant le PPP est également disponible. Tous ces éléments sont à retrouver sur le site ameli.fr dans l’onglet « Santé et prévention » de l’espace consacré aux pharmaciens.

Comment organiser un entretien ? 

Le bénéficiaire prend rendez-vous chez l’un des professionnels de santé de son choix. Le professionnel a la possibilité de communiquer directement auprès de ses patients et de les inviter à effectuer ce bilan. En officine, ce dispositif peut être assimilé à un nouvel entretien pharmaceutique. Il se tient de préférence dans un espace de confidentialité.

Comment préparer ce rendez-vous ? 

Le bénéficiaire remplit un autoquestionnaire disponible dans Mon espace santé. Il a été retravaillé à la suite de l’évaluation d’un programme pilote2 mis en œuvre dans les Hauts-de-France. Moins de 10 minutes suffisent pour remplir ce document d’une quarantaine de questions à choix multiples, ne nécessitant pas de connaissance médicale. A cette occasion, le bénéficiaire fait le point sur ses habitudes de vie et commence à y réfléchir. Une version PDF du document est disponible sur ameli.fr ou sur la page du ministère de la Santé. Il peut ainsi être imprimé pour être rempli. Aucune question n’est obligatoire et compléter cet autoquestionnaire reste facultatif pour participer à un bilan de prévention.

Quelles sont les étapes ? 

D’une durée estimée entre 30 et 45 minutes, le bilan de prévention se décompose en trois temps : repérage des risques individuels, priorisation d’un ou de deux sujets de prévention choisis par le bénéficiaire avec le professionnel et rédaction d’un PPP. En premier lieu, le repérage vise à identifier les facteurs de risque propres au bénéficiaire. L’autoquestionnaire et la fiche d’aide au repérage des risques y participent. Lors de cette première étape, le professionnel peut être amené à réaliser un examen en mesurant, par exemple, la pression artérielle ou en procédant à un test d’acuité visuelle. Dans un deuxième temps, les thématiques à aborder sont priorisées selon une décision commune entre professionnel de santé et bénéficiaire. Enfin, ils rédigent ensemble le PPP. Celui-ci comprend l’identification et les traitements des risques, puis l’écriture du plan d’action vers un changement d’habitudes de vie. Le bilan de prévention doit aussi permettre de diriger le bénéficiaire vers le professionnel adéquat, en fonction de sa situation. Un kit d’orientation est fourni au professionnel qui dispose aussi d’un annuaire en ligne des ressources utiles en matière de prévention sur son territoire.

Et ensuite ? 

Le PPP est déposé, de même que la fiche d’aide au repérage des risques, dans le dossier médical partagé du bénéficiaire, s’il existe. Ces documents peuvent ainsi être accessibles à son médecin traitant avec son accord. Dans le cas contraire, il est possible de les transmettre au médecin par messagerie sécurisée. De plus, des actes complémentaires peuvent être décidés par le professionnel. C’est le cas lorsqu’un acte de prévention ou de diagnostic est réalisé au cours du même rendez-vous. En officine, cela concerne la vaccination et la remise du kit de dépistage du cancer colorectal. Rien n’empêche, non plus, le pharmacien de dispenser un médicament du sevrage tabagique ou un complément alimentaire à l’issue de cet entretien.

Quelles modalités de rémunération et de facturation ? 

Le bilan de prévention est pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, pour tous les bénéficiaires. Il est rémunéré à hauteur de 30 € (31,50 € en outre-mer) et ne peut pas faire l’objet d’un dépassement. Un seul bilan de prévention par personne et par tranche d’âge est possible. Pour les pharmacies, le code acte est RDP. Une mise à jour du logiciel est nécessaire pour qu’il soit pris en compte. Un seul acte de prévention (vaccination ou remise du kit de dépistage du cancer colorectal) peut être facturé en plus.

Le PPP point par point

Tout d’abord le plan personnalisé de prévention ne doit pas être confondu avec le plan pharmaceutique personnalisé, qui est désigné par la même abréviation PPP. Cet outil de pharmacie clinique consiste en une synthèse écrite avec propositions ciblées à l’équipe de soins ou à un patient suite à un bilan de médication, par exemple.

Le plan personnalisé de prévention est rempli à la main par la personne elle-même, accompagnée par le professionnel. Il consiste en un tableau à double entrée comprenant en colonnes sur une feuille simple les éléments suivants :

– les objectifs prioritaires établis par le professionnel et le bénéficiaire ;

– les obstacles rencontrés dans la conduite du changement des habitudes de vie ;

– des conseils et modalités pratiques pour faciliter ce changement ;

– les ressources et intervenants que le patient a la possibilité de consulter (orientation vers un professionnel de santé, ressources en ligne, etc.).

À retenir

Les bilans de prévention aux âges clés de la vie peuvent être réalisés, dès à présent, dans les pharmacies, qui se caractérisent par leur proximité et leur accessibilité.

Au moyen de différents outils mis à disposition par le ministère de la Santé et l’Assurance maladie, le professionnel fait le point lors d’un entretien avec le bénéficiaire sur ses habitudes de vie et d’éventuels comportements à risque. Des tests cliniques peuvent être pratiqués et le bénéficiaire peut être orienté, si besoin, vers une consultation médicale.

D’une durée estimée entre 30 et 45 minutes, le bilan de prévention est rémunéré 30 €. Il ne requiert pas de formation obligatoire mais nécessite de tenir à jour ses connaissances en matière de prévention.

  • Livret de présentation du dispositif « Mon bilan prévention » édité par le ministère de la Santé et de la Prévention, avec l’Assurance maladie et Santé publique France.
  • 2 Programme pilote mené dans les Hauts-de-France, entre octobre et décembre 2023, avec l’appui de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et de professionnels de santé volontaires. Seule la tranche des 45-50 ans a fait l’objet de ce programme.