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Paiement des entretiens, ROSP, prix des génériques… Ces sujets qui vous empoisonnent la vie

Publié le 31 mai 2019
Par Francois Pouzaud
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Côté face, l’orientation «   métier   » de la nouvelle convention (re)donne du sens et offre d’inédites perspectives de croissance. Côté pile, le développement des nouvelles missions s’accompagne d’un nombre important d’impayés qui se surajoutent au feu roulant des incidents de paiement sur le tiers payant. Ce qui oblige les syndicats pharmaceutiques à trouver de nouveaux antidotes à chaque poison qui s’invite dans la vie conventionnelle.

Après plus d’un an d’application de la réforme, la montée en charge sur les nouvelles missions conventionnelles est freinée par les loupés d’un système dont les rouages n’ont pas été suffisamment huilés au départ. Au mécontentement et/ou à la déception des pharmaciens à la suite de la baisse de la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) génériques, se sont ajoutés d’autres dysfonctionnements : des retards de paiement sur les ROSP paiement patient ; des blocages dans la facturation des honoraires pour ordonnances complexes et de l’honoraire de dispensation lors de la vente de vaccins antigrippaux dans les départements d’Outre-mer (DOM) ; des rejets de paiement ou des règlements sur la base de prix erronés sur des sets de pansements, à la suite de baisses de prix non encore officielles au moment où elles ont été enregistrées dans la base de données de l’Assurance maladie… Excusez du peu !

« C’est la loi des séries, je suis conscient que tout dysfonctionnement entraîne des irritants inutiles, reconnaît Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). La profession est en pleine mutation et la réforme est allée vite ; dans ce contexte, des bugs sont inévitables. C’est le rôle des syndicats de les identifier le plus rapidement possible et de trouver tout aussi vite des solutions avec l’Assurance maladie. C’est pourquoi l’USPO a mis en place une cellule de veille destinée à recueillir les déclarations d’incidents de paiement des confrères pour éviter que les dossiers ne s’enveniment. »

Règlement immédiat pour les entretiens

Le dossier des bilans partagés de médication (BPM) est emblématique de la crispation actuelle. En Occitanie, c’est d’ailleurs l’une des raisons qui a conduit les élus affiliés à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) à boycotter la commission paritaire régionale du 21 juin à Montpellier (Hérault). En effet, seulement 46,2 % des BPM ont donné lieu à une rémunération. C’est encore pire avec les entretiens pharmaceutiques, le taux de dossiers payés tombe avec les patients sous antivitamines K (AVK) à 20 %, sous anticoagulants oraux d’action directe (AOD) à 24,5 % et avec les patients asthmatiques à 19,6 %. La réalisation d’un nombre insuffisant d’étapes dans le cadre des accompagnements, des difficultés d’identification du malade (numéro d’identification au répertoire, ou NIR, invalide), un non-respect des critères d’éligibilité des patients liés à l’âge ou des bugs dans les saisies comptent parmi les causes. Des chiffres qui ont justifié la demande des syndicats de régulariser immédiatement tous les entretiens impayés sans exception. Cependant, si la MSA a promis de régler tous les impayés sur les BPM en juillet, l’Assurance maladie a indiqué qu’elle ne régulariserait qu’un tiers des ROSP accompagnement dans le courant de l’été. Dans l’intérêt de la poursuite et du développement des nouvelles missions du pharmacien, « j’attends un geste fort de la part de l’Assurance maladie », lance Philippe Besset, président de la FSPF. Depuis plusieurs mois, il demande une sortie des entretiens des ROSP et leur remplacement par un paiement à l’acte. « Pour les BPM, l’acte est divisé en trois étapes, il faut donc créer deux codes actes traceurs destinés à matérialiser les entretiens pharmaceutiques et un troisième qui, à la fin du cycle, embarquerait la rémunération », explique-t-il.

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Appelant également de ses vœux une plus grande fiabilité et fluidité des procédures, Gilles Bonnefond rejoint son homologue de la FSPF sur une tarification immédiate avec télétransmission dès la réalisation. « Le système de paiement sur AmeliPro est inopérant, l’envoi de la facture doit être intégré aux flux des FSE de manière à ce que les pharmaciens soient réglés à J+4 et puissent identifier les patients pour lesquels il y a eu un incident de paiement », explique-t-il. Nicolas Revel, directeur général de la caisse nationale de l’Assurance maladie, devrait donner sa réponse lors de la commission paritaire nationale du 13 juin.

D’autres régularisations estivales

Sur d’autres ROSP impayées qui empoisonnent la vie conventionnelle, la régularisation devrait intervenir cet été. « 8 000 pharmacies vont toucher un complément de ROSP génériques au titre de leurs performances de substitution sur l’ézétimibe, et plus de 1 000 officines lésées sur le calcul de la ROSP FSE vont percevoir un complément de 175 », annonce Gilles Bonnefond. De même, les incidents de paiement sur des dossiers de CMU sécurisés, récurrents depuis 6 mois, vont aussi être réglés dans les prochaines semaines. « Si les droits de l’assuré CMU sont en carte, on a obtenu la confirmation de l’Assurance maladie que les pharmaciens ne seraient plus embêtés par des rejets », indique-t-il. Toutefois, des erreurs humaines sont toujours possibles sur la liquidation de dossiers, il arrive aussi que les consignes nationales de l’Assurance maladie aux caisses primaires ne soient pas correctement suivies. « Nous pouvons compter sur des relations de qualité avec l’Assurance maladie, d’autant que sur ces sujets, il n’y a pas d’enjeux de blocage », poursuit le président de l’USPO.

Le CEPS, un sacré fauteur de troubles

En revanche, les choses sont plus compliquées quand les partenaires conventionnels n’ont pas totalement la main sur les dossiers. C’est le cas avec les mises à jour tardives ou erronées des fichiers prix des médicaments du Comité économique des produits de santé (CEPS). « L’USPO a demandé à l’Assurance maladie de vérifier la qualité de ces fichiers et de mettre en place des outils de contrôle pour éviter à l’avenir de planter toute la chaîne de liquidation des dossiers », signale-t-il.

Actuellement, le CEPS donne du fil à retordre aux partenaires conventionnels en voulant substituer à la convergence des prix (l’écart de prix entre princeps et générique se réduit avec le temps) un alignement des prix dans les groupes génériques créés depuis plus de 5 ans (autrement dit, plus la moindre différence de prix), conduisant à une généralisation du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) et à la mort programmée du générique. Si l’idée d’un delta-prix de zéro est abandonnée par le CEPS, celui-ci entend maintenir un différentiel prix minimum de 5 %, alors que l’USPO est favorable au maintien d’un écart de prix de 15 % au minimum et la FSPF de 20 %. « En dessous, le CEPS prend une responsabilité trop lourde », estime Philippe Besset. Les relations avec cette instance ne relevant pas de négociations, « le seul moyen d’action est le recours gracieux ou contentieux devant le Conseil d’Etat… Nous avons déjà lancé une telle action à l’encontre du CEPS à propos des faux conditionnements trimestriels », indique-t-il, à l’instar des grandes boîtes de Levothyrox.

Sur les baisses de prix des génériques, qui vont contribuer, avec les convergences de prix et l’arrivée de nouveaux TFR (Subutex, Inegy, etc.), à réaliser 50 M€ d’économies, les syndicats ont demandé des reports d’application. Cependant, « il ne faut pas qu’il y ait des baisses de prix entre le 1 er septembre et le 31 décembre, réclame Philippe Besset, et ce, afin que « les pharmacies des DOM ne soient pas confrontées au risque de revente à perte ou d’indus, compte tenu de leur délai spécifique d’écoulement des stocks de 75 jours (contre 50 en métropole) et de la nouvelle modification de la marge de dispensation au 1 er janvier 2020 ». 

À RETENIR


•   Incidents de paiement et impayés sont légion actuellement.

•   Les syndicats réclament désormais un règlement au fil de l’eau des entretiens pharmaceutiques et des bilans partagés de médication. L’Assurance maladie devrait se prononcer le 13 juin.

•   8 000 pharmacies toucheront un complément de ROSP génériques cet été.

•   Plus de 1 000 officines vont percevoir un complément de 175 € de ROSP FSE.

•   Côté génériques, le CEPS entend réduire l’écart de prix au minimum à  5 % entre princeps et groupes génériques créés depuis plus de 5 ans.