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L’officine alliée de l’onco… logique !
Alors que les officinaux se sont vu confier de nouvelles missions très visibles pendant la pandémie, ils ont, avec l’accompagnement conventionnel des patients sous anticancéreux oraux, l’opportunité d’ancrer plus largement encore – et durablement – leur image de professionnels de santé. Au service du bien-être des malades.
Une, deux, trois… Les officines multiplient les pièces de confidentialité et certaines de ces salles sont désormais totalement consacrées à l’oncologie. Alors que le Covid-19 mobilise une grande partie de l’énergie des équipes, les titulaires poursuivent la dynamique d’anticipation des nouvelles missions. Il faut dire que la pandémie a eu pour effet positif de placer l’officinal « visiblement » au cœur de la lutte contre le coronavirus. « Essentielles », les pharmacies sont restées ouvertes pendant les confinements, elles ont testé puis vacciné contre le Covid-19. Passée plus inaperçue pour le grand public, la possibilité, pour l’officine, depuis l’an dernier, d’accompagner les patients sous anticancéreux oraux dans le cadre d’un suivi conventionnel. Autrement dit, protocolisé et rémunéré. Ce nouvel « entretien » vient compléter un arsenal déjà composé des suivis des patients sous anticoagulants oraux, des asthmatiques et des personnes âgées polymédiquées (avec les bilans partagés de médication, BPM). Tous trois ont connu leurs difficultés de rémunération, de mise en place… « Au contraire, le suivi en oncologie est gratifiant pour le pharmacien, constitue une vraie aide pratique pour le patient… Je crois qu’il peut relancer la machine », s’enthousiasme Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). De fait, le cancer est la deuxième cause de mortalité en France, le réseau officinal connaît les effets secondaires des thérapies en oncologie et peut diffuser les conseils qui s’avèrent précieux au quotidien. Jusqu’à donner encore plus de carrure à l’image de professionnel de santé du pharmacien ?
Un entretien à mettre en place
Une chose est sûre, les équipes officinales sont encore noyées par les nouvelles missions en lien avec le Covid-19. A ce jour, peu d’entretiens « cancer » ont été effectués. Un an après leur lancement, l’Assurance maladie ne fournit d’ailleurs aucune donnée. « Il est encore trop tôt pour se prononcer à ce stade. Des contraintes techniques empêchent de sortir des chiffres », élude un porte-parole.
Reste que l’opportunité de mener ces rendez-vous existe. « Ces entretiens, j’y crois dur comme fer. De nos jours, 50 % des patients pris en charge en oncologie le sont à travers une thérapie par voie orale. Qui dit thérapie orale, dit patient à domicile, dit sans doute patient allant chercher ses médicaments en pharmacie officine… C’est bien le pharmacien d’officine le mieux placé pour faire la connexion entre la ville et l’hôpital », avance Dominique Gougeon, directeur de la business unit oncologie France pour le laboratoire Pierre Fabre. Hélène Touminet, responsable marketing chez Biogaran, abonde dans ce sens. « De plus en plus de traitements anticancéreux oraux, autrefois délivrés à l’hôpital, se retrouvent désormais en officine. […] C’est une énorme opportunité pour la pharmacie de monter en compétence sur l’accompagnement en oncologie et de proposer au patient d’aller plus loin que la simple délivrance au comptoir en réalisant un entretien pharmaceutique. Et même en allant plus loin que le cadre conventionnel, car le pharmacien est à même de parler de soins de support, de nutrition, d’activité physique… Cela permet au patient de bénéficier d’une continuité, dans l’officine, en ville, de son parcours de soins », explique celle qui constate aussi, avec l’échéance des brevets de certaines chimiothérapies orales, l’augmentation du nombre de génériques, ce qui peut nécessiter un accompagnement de substitution au comptoir. Autre signe des temps, les marques de cosmétique comme Même, Ozalys, Serenibio et Eye Care, largement positionnées sur l’oncologie, affichent ensemble une croissance de 16 % en valeur en cumul annuel à fin août 2021, selon le Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques (Gers).
Pour le président de la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie (Federgy), la prise en charge structurée de l’oncologie est d’autant plus à la portée des officinaux que les formations sont bien ciblées. « C’est une bonne chose après les autres entretiens. Le rôle du pharmacien est pleinement reconnu. On peut surfer sur la vague. D’autant que les sociétés de formation ont emboîté le pas et élaboré des modules très intéressants. Ainsi les pharmaciens motivés par cet accompagnement ont les moyens de le mettre en œuvre », se félicite Alain Grollaud. De plus, les entretiens en oncologie « sont très ciblés alors que les BPM étaient très vastes ». Donc plus compliqués. Il estime qu’une fois que le Covid-19 aura fini d’emboliser les officines, celles-ci pourront se mettre aux entretiens en oncologie « plus facilement » que pour les entretiens conventionnels précédents.
Les groupements se mobilisent…
Il faut dire aussi que cet accompagnement répond à des besoins souvent exprimés par les patients. Les groupements ne s’y trompent pas. Giropharm, PharmaVie, Alphega et plus récemment Pharmactiv, Wellpharma, Leader Santé… Ils sont en effet nombreux à concevoir des partenariats spécifiques à cette aire thérapeutique. Chez PharmaVie, on entame la troisième année sur le sujet avec une offre baptisée OncoPharmaVie. « Quand il y a quatre ans, avec notre président Jean Fabre, nous avons rencontré les laboratoires dans le cadre de notre stratégie orientée vers plus de proximité et de services afin d’asseoir cette image du pharmacien, le suivi en oncologie est apparu comme une évidence », se souvient Laurence Dubois, directrice marketing et services de PharmaVie. « C’est un service attendu car le patient est désorienté en sortant de l’hôpital », poursuit-elle.
… tout comme les laboratoires
Certains laboratoires accompagnent eux aussi la montée en puissance des anticancéreux oraux en plaçant l’officinal au cœur de leur stratégie. Ainsi Pierre Fabre vient de digitaliser son OncoGuide, un outil papier devenu une plateforme en ligne. Au programme : des informations sur les traitements, des formations, des astuces de savoir être pour un soutien psychologique du patient, etc. Tout cela est mis gratuitement à la disposition des officines. « Au-delà des traitements, chez Pierre Fabre, on se doit d’avoir une offre associée », estime Dominique Gougeon. « L’OncoGuide a pour intérêt de sensibiliser les pharmaciens au fait que la prise en charge évolue, que le lien ville-hôpital est plus que jamais renforcé. Il va leur falloir prendre une place dans ce schéma », analyse-t-il. Et déjà, le laboratoire castrais va plus loin, en proposant aux officines depuis la rentrée, sur demande, des formations d’une heure en visioconférence avec des cliniciens. En commençant par le cancer colorectal, puis le mélanome.
De son côté, le génériqueur Biogaran a été jusqu’à revoir sa plateforme de pilotage des entretiens, qui était utilisée uniquement pour les BPM. Sur ce nouvel outil baptisé Vision Patient, le pharmacien peut désormais mener un entretien en oncologie via un questionnaire enrichi de différents contenus sur le bien-être psychologique, la nutrition, l’activité physique… Mais surtout, la solution permettra, dès cet automne, de piloter cette activité d’un point de vue managérial : pour fixer à l’équipe des objectifs à atteindre (nombre de patients à suivre, d’entretiens à réaliser, etc.), disposer d’indicateurs (pourcentage de patients suivis versus l’objectif, rémunération estimée, etc.). « L’objectif de Vision Patient est de permettre au pharmacien de considérer ce type d’entretiens comme un projet d’entreprise. L’interface offre la possibilité d’appréhender ses nouvelles missions avec ses trois casquettes : professionnel de santé, manager et commerçant », analyse Hélène Touminet.
De fait, l’intérêt du suivi en oncologie est médical et économique. D’un côté, les patients trouvent des réponses à leurs questions et des solutions à leurs problèmes. De l’autre, le pharmacien est utile à sa patientèle qu’il fidélise ainsi, et procède à des ventes associées au médicament. Toutefois, il est difficile d’évaluer les retours sur investissement sonnants et trébuchants. Les pionniers se concentrent davantage sur l’aide qu’ils peuvent apporter d’un point de vue humain que sur le bilan comptable. Le groupement PharmaVie s’est pourtant penché sur les ventes. « Le chiffre d’affaires de l’activité oncologie pour les officines ayant installé un corner OncoPharmaVie avant la pandémie augmente en moyenne de 36 %, contre 20 % pour l’ensemble du réseau », a ainsi calculé Laurence Dubois. « Les facteurs clés de réussite sont la communication sur l’engagement en oncologie, la formation et la participation de toute l’équipe, et enfin la localisation du corner, qui ne doit pas être caché mais visible pour interpeller », ajoute Aïda Alami, responsable services patients et qualité chez PharmaVie. Le pharmacien, dans la lutte contre le cancer, pourrait encore aller plus loin et rapidement. « Il nous faut creuser la piste du dépistage, par exemple en prévention des cancers colorectal, de la prostate… Le rôle du pharmacien en sera grandi », anticipe Alain Grollaud. Toutefois, cet accompagnement entraînera des répercussions sur la pratique au quotidien. « On ne pourra pas tout faire, il faudra se spécialiser », estime Laurent Filoche.
Au-delà du produit
Depuis 2019, PharmaVie monte des partenariats avec des laboratoires, à présenter en back-office ou sur la surface de vente : les prothèses capillaires partielles Les Franjynes, 1001 Perruques, les produits de nutrition Nutricia, les cosmétiques Ozalys, etc. Cette année, le rayon OncoPharmaVie a été renommé « Ma vie mon bien-être » pour éviter tout effet stigmatisant dans le point de vente. Et sur Facebook, un compte OncoPharmaVie a été créé pour diffuser des conseils et orienter vers les quelque 100 officines du réseau proposant ce service. Partenaire d’« Allo Alex », une ligne téléphonique et un blog pour concilier maladie et travail, le groupement va au-delà de la sélection d’une offre de produits à vendre en donnant des moyens au pharmacien de se positionner plus largement comme source d’information.
Dans le même esprit, le groupement Alphega s’est allié avec le génériqueur Sandoz, pour bénéficier de son outil Oncoach, qui permet d’aborder le patient différemment selon son tempérament.
Pour la 11e année consécutive, les pharmaciens du groupement Giropharm (540 adhérents) sensibilisent leurs patientes au dépistage et le font voir et savoir avec du rose partout et le message « Tous engagés ». Les patientes concernées se verront ainsi remettre un flyer en trois volets sur le cancer du sein et les autres cancers féminins. Reconduite, la box patient permet de classer ses documents santé et de noter ses contacts (ville et hôpital) pour mieux gérer son parcours de soins. Elle peut être complétée par l’équipe officinale avec, par exemple, des livrets sur la chimio ou la radiothérapie.
Pharmactiv a retenu cette année un axe de communication autour de la prévention et de l’autopalpation mammaire avec pour slogan « L’autopalpation peut sauver des vies. Apprenez les bons gestes ». Le dispositif a été réalisé en partenariat avec les laboratoires Biogaran, Boiron et Nutricia.
Les 47 pharmacies appartenant au groupement iPharm vont diffuser sur leur vitrine une campagne destinée à promouvoir un accompagnement personnalisé à chaque patient. Réalisée en collaboration avec La Roche-Posay, elle s’appuie sur des formations en amont pour les équipes (pathologie, traitements, approche psychologique, parcours de soins, etc.). Ce sera la deuxième année consécutive que le groupement s’investit dans Octobre rose.
Quant à Pharmacie Lafayette, le groupement (250 officines) a conçu cette année son premier livret thématique proposant, entre autres, des recommandations pour mieux vivre sa maladie, ainsi que des articles pratiques pour prendre soin de son image…
Fabienne Colin et laurent Lefort
À RETENIR
– 50 % des patients pris en charge en oncologie le sont à travers une thérapie par voie orale.
– Groupements et laboratoires incitent donc les officinaux à s’engager dans les entretiens pour patients sous anticancéreux oraux.
– Le suivi en oncologie présente un intérêt économique en matière de conseils et de ventes associés ; il est cependant encore difficile d’évaluer le retour sur investissement.
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