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«   Les médecins compren nent très vite l’intérêt d’avoir des pharmaciens dans leur équipe.   »

Publié le 13 février 2019
Par Magali Clausener
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Créée en 1984, la Société française de pharmacie clinique (SFPC) réunit depuis dix ans des pharmaciens hospitaliers et d’officine. Stéphane Honoré, pharmacien hospitalier et Eric Ruspini, pharmacien d’officine, respectivement président et trésorier, font le point sur l’évolution et les travaux de la société savante.

La SFPC a la réputation de s’adresser d’abord aux pharmaciens hospitaliers. En quoi peut-elle être utile au pharmacien d’officine ?

Stéphane Honoré : La pharmacie clinique consiste à répondre à la question : comment travaille un pharmacien avec un patient ? Une prérogative qui n’est pas réservée aux pharmaciens hospitaliers ! L’aide au patient et l’optimisation de sa thérapeutique concernent aussi les pharmaciens d’officine. Il est vrai que la pharmacie clinique a été pendant longtemps une discipline très hospitalière. Mais depuis la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) adoptée en 2009, elle est apparue comme une nécessité pour l’ensemble de la profession. Après la modification des statuts de la SFPC il y a environ dix ans, des officinaux ont pu adhérer et aujourd’hui le bureau en compte deux.

Eric Ruspini : Je suis convaincu que la pharmacie clinique correspond à l’exercice de la pharmacie de demain, et même, déjà, à celui d’aujourd’hui, car elle permet une prise en charge du patient dans sa globalité. Pour cela, il faut disposer d’outils, et justement la SFPC en propose aux pharmaciens. La place des officinaux dans la SFPC est donc une évidence.

Quels travaux menez-vous avec les pharmaciens d’officine ?

E. R. : La SFPC a mis en place une formation de e-learning sur les bilans partagés de médication que proposent des URPS. Nous avons aussi produit des recommandations sur les bilans de médication. Actuellement, nous travaillons sur des « fiches mémo » autour des entretiens pharmaceutiques pour tous les pharmaciens. Nous avons à cet effet un groupe de travail spécifique pour les entretiens pharmaceutiques en officine.

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S. H. : La méthodologie est en effet la même, que l’entretien pharmaceutique ait lieu dans un espace confidentiel à l’officine ou au sein d’un hôpital. Il y a quelques années, nous avons également travaillé sur un référentiel qualité en officine et à l’hôpital. La SFPC a aussi un groupe de travail sur la gériatrie rassemblant experts, pharmaciens d’officine et hospitaliers.

La SFPC travaille aussi sur les interventions pharmaceutiques (IP) ?

E. R. : Effectivement, notre observatoire Act-IP permet aux pharmaciens de tracer leurs interventions et de les catégoriser afin de les valoriser. Au départ, Act-IP était axé sur l’hôpital. Avec un groupe de travail d’officinaux, nous avons adapté l’outil et nous l’avons rendu compa tible avec le travail en officine. Nous travaillons actuellement sur son intégration dans le logiciel métier.

S. H. : Il est important de tracer les IP et d’en extraire un travail scientifique sur les réalisations du pharmacien. Nous savons tous que les pharmaciens effectuent de nombreuses actions, mais pas de manière homogène et harmonisée. La SFPC œuvre justement à structurer ces actions, à les rendre plus efficientes et plus visibles.

A l’hôpital, êtes-vous confronté à cette méconnaissance du travail du pharmacien ?

S. H. : Des équipes ont mis en œuvre la pharmacie clinique, d’autres non. Lorsque des activités sont mises en place, nous observons toujours une réticence du corps médical dans un premier temps, mais les médecins comprennent très rapidement l’intérêt d’avoir des pharmaciens dans leur équipe. Depuis l’ordonnance de 2016, la pharmacie clinique fait partie des missions des pharmacies à usage intérieur (PUI). Un décret va paraître dans le mois qui vient pour préciser les actions à mettre en place à l’hôpital. Entre-temps, la Haute Autorité de santé (HAS) a produit des recommandations pour développer la conciliation médicamenteuse.

E. R. : Toute la profession change, et cette évolution n’est pas spécifique à la France. Le constat est partout le même : le pharmacien peut apporter beaucoup au système de santé en termes d’efficience.

La SFPC peut-elle jouer un rôle dans le renforcement du lien entre la ville et l’hôpital ?

E. R : C’est un rôle que nous jouons depuis déjà dix ans. à travers la SFPC, les pharmaciens de ville ont appris à dialoguer avec les pharmaciens hospitaliers. Cela leur donne la possibilité de tisser des liens interprofessionnels. La SFPC doit permettre à tous les pharmaciens de disposer d’outils qualitatifs et valorisants.

S. H. : Il y a quelques années de cela, les pharmaciens d’officine et hospitaliers ne se parlaient pas, mais, depuis quatre à cinq ans, la conciliation médicamenteuse est devenue un moteur dans les échanges. Elle a obligé les hospitaliers à rencontrer les officinaux. Des réunions ont eu lieu et continuent à se tenir dans toute la France. Cela contribue à construire une collaboration, une reconnaissance mutuelle des rôles de chacun, un partage des connaissances. C’est à la fois aux pharmaciens hospitaliers et aux officinaux de garantir au patient la continuité pharmaceutique et la continuité du traitement. Je suis très serein pour l’avenir.

La SFPC est-elle suffisamment reconnue ?

E. R. : Tous les membres du bureau participent à des travaux de la HAS en tant qu’experts, ce qui nous donne du poids et prouve que nos interlocuteurs reconnaissent le sérieux de la SFPC.

S. H. : Nous sommes effectivement reconnus par les tutelles et le ministère de la Santé fait appel à nous. Un autre indicateur est le nombre de personnes venant à nos congrès. La SFPC compte environ 400 membres actifs. Il y a quatre ans, le congrès annuel a accueilli 610 participants, en 2018, ils étaient 850. Pour le prochain congrès qui aura lieu en 2020 à Marseille, nous pensons recevoir plus de 900 participants. 