Entretiens et bilans Réservé aux abonnés

Je recrute, je gère, j’assure !

Publié le 19 février 2020
Par Marianne Maugez
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Faciliter les bilans partagés de médication. Se former a minima, informer, recruter, argumenter… les préparateurs ont un rôle à jouer dans le recrutement des patients et la gestion des dossiers.

De nouveaux services

Deux types d’entretien

Mener des entretiens pharmaceutiques et le bilan partagé de médication sont deux nouvelles missions officinales. Bien que réservées aux pharmaciens, elles nécessitent l’investissement de tous.

→ Les entretiens pharmaceutiques. Dédiés aux patients sous anticoagulants oraux, antivitamines K et ceux d’action directe, et sous corticoïde inhalé dans l’asthme, les entretiens visent à prévenir l’iatrogénie et à favoriser l’observance. Ils consistent en un entretien d’évaluation et un entretien thématique de suivi ciblé.

→ Le bilan partagé de médication cible les patients âgés polymédiqués sous traitement chronique. Il permet d’instaurer un dialogue, de véhiculer un maximum d’informations sur les traitements et de faire le point sur les prescriptions. Entretien de recueil, analyse des traitements, entretien de conseil puis suivi de l’observance font partie d’un bilan de qualité.

Critères d’éligibilité

Environ 3 millions de patients sont éligibles aux entretiens et 3,9 millions aux bilans partagés de médication.

→ L’entretien pharmaceutique : les majeurs sous anticoagulants oraux dont la durée de traitement, prévisible ou effective, est à 6 mois ; sous corticoïde inhalé avec une durée consécutive = ou > à 6 mois.

→ Le bilan partagé de médication : les patients de plus de 65 ans en ALD ; de 75 ans et plus avec ou sans ALD pour lesquels 5 principes actifs sont prescrits pour une durée consécutive = ou > à 6 mois. Les spécialités associant 2 molécules comptent pour 2 principes actifs.

Des intérêts pour tous

→ La pharmacie devient un incontournable de la chaîne de soins. Le pharmacien se (re) positionne comme un professionnel de santé, et pas seulement comme un « fournisseur de boîtes ». C’est un levier de fidélisation et un outil de reconnaissance du personnel.

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→ Pour le préparateur, c’est l’occasion de faire preuve d’initiative, de montrer ses compétences, d’enrichir sa pratique et son prochain entretien professionnel afin de solliciter une augmentation, formation, etc.

→ Pour le patient, entretien et bilan permettent de définir les problèmes réels ou potentiels des traitements, de fournir une base pour une évaluation continue de leur utilisation et un meilleur suivi par les professionnels. Iatrogénie prévenue, observance favorisée = santé préservée !

Avant de se lancer

S’informer

→ Assurez-vous d’avoir compris les tenants et les aboutissants des missions. Consultez le site de l’Assurance maladie où sont répertoriés les textes officiels et les outils, ainsi que la presse professionnelle.

→ Être incollable. Pourquoi, comment, en quoi la pharmacie présente un intérêt… cela vous permettra de répondre aux questions et/ou objections.

→ Se former. Une formation, non obligatoire dans les textes, vous sera utile pour connaître les médicaments, les situations à risque et les enjeux : maformation – officinale, mbpconseil, Alliance, etc.

Établir les étapes

Listez les étapes où vous pouvez intervenir.

→ Le recrutement. Il consiste à chercher les patients éligibles (voir plus haut) ou de votre choix (voir plus loin) et à leur expliquer en quoi consistent entretien et bilan.

→ La préparation des dossiers. Il s’agit de récupérer les ordonnances des médecins dans les historiques, de pointer les médicaments et situations à risque et de préparer une série de questions qui sera utile pour le pharmacien (voir plus loin). L’administratif (voir plus loin).

S’impliquer auprès du titulaire

→ Montrer son intérêt. « Je connais bien nos patients et j’ai envie d’avoir une place dans leur parcours de santé. »

→ Demander un entretien pour en discuter. « Comme je vous le disais, je peux vous aider pour la mise en place. » Puis : « Je pourrais gérer le recrutement, le recueil d’informations, la prise de rendez-vous et l’administratif, qu’en pensez-vous ? »

→ Définir la mission. Entretien, bilan, définissez avec lui la mission envisagée.

→ Se rapprocher du référent. A priori, si votre pharmacie s’est déjà lancée, il y a un référent. C’est souvent le titulaire, mais cela peut aussi être l’un des adjoints. Sollicitez son aide.

→ Demander les critères d’éligibilité selon la mission visée, les objectifs réalistes sur une période.

→ S’il existe, lire l’argumentaire élaboré pour présenter les missions aux patients…

Recruter les patients

Cibler l’environnement

→ Les médicaments. Certains génèrent davantage d’effets indésirables, comme hypotension, troubles de l’équilibre, ou nécessitent une surveillance particulière, biologique ou médicale : glycémie, lithiémie, etc. Rédiger une liste mémo.

→ Le contexte périprescription. « Pourquoi une prescription mensuelle de lopéramide ? », « M.Durand reçoit 10 boîtes de paracétamol par mois, comment gère-t-il la douleur ? », « Mme Bruno renouvelle souvent Ventoline, mais pas Bécotide »…

→ Les situations de fragilité. « M.Bertrand semble moins souriant et a maigri », « Mme Dumas a perdu son mari et ne sort plus guère, selon l’aide-ménagère », etc.

Notre conseil : noter ces informations dans la fiche de préentretien du pharmacien.

Sélectionner

Tous les logiciels ne permettent pas de sélectionner selon l’âge ou l’ALD. À vous de le faire. Voici quelques suggestions.

→ Ciblez les patients que vous connaissez, avec qui le contact est facile.

→ Ceux en difficulté, qui ont répondu négativement à ce type de questions : « Tout se passe bien avec votre traitement ? », « Vous souvenez-vous à quoi sert ce médicament ? », etc.

→ Lors d’une livraison de matériel médical.

Notre conseil : inscrire une note dans leur dossier pour le pharmacien ou pour leur en parler lors d’une prochaine visite.

Approcher

→ Exit le jargon médical, HTA, AOD, etc.

→ En douceur. « J’aimerais discuter de vos traitements avec vous. Nous n’avons pas toujours l’occasion de le faire quand je délivre votre ordonnance », « Il est important de connaître son traitement et certaines personnes ont besoin qu’on prenne le temps de leur réexpliquer », etc.

Proposer

→ En direct. « La pharmacie propose des entretiens avec un pharmacien pour faire le point sur votre traitement. Dans tous les cas, nous informons ensuite le médecin. » Laissez toujours le choix à la personne : « Nous pouvons en parler maintenant ou choisir un autre moment pour le faire. »

→ À ceux qui ont changé de traitement. « Ce médicament est nouveau, donc si vous le voulez bien, j’aimerais prendre le temps de vous expliquer comment le prendre. Nous en profiterons pour faire le point sur le reste de votre traitement. »

→ En parler à l’aidant. « Il n’est pas toujours évident de s’y retrouver avec tous ces médicaments. Le pharmacien peut s’assurer que votre papa/mari prend correctement son traitement en discutant avec lui. » Proposez d’appeler pour lui expliquer.

→ Mettez en avant la gratuité. « Cet entretien sera gratuit pour vous. Il est remboursé par l’Assurance maladie. »

→ Soyez flexible. Si le manque de confidentialité vous gêne, proposez de téléphoner pour parler « d’un nouveau service de suivi du traitement gracieux ».

→ Ne pas forcer la main. Certaines phrases peuvent contribuer à obtenir un accord : « Êtes-vous d’accord avec moi sur le fait que cet entretien/bilan pourrait vous aider à mieux gérer votre maladie et vos médicaments ? », « Voyez-vous comment votre participation à cet entretien/bilan pourrait vous faciliter les choses ? », etc.

Prendre les rendez-vous

→ Proposer. « Quel moment vous conviendrait pour fixer un premier rendez-vous ? » Notez-le dans l’agenda avec nom, numéro de téléphone et motif du rendez-vous.

→ Donner un écrit au patient.

→ Si aucune date n’est fixée tout de suite, dites : « Je vous appellerai début juin. Nous verrons vos disponibilités pour refaire un point sur ce qui a été abordé. »

Gérer le suivi

→ Avant l’entretien, recueillir les ordonnances dans l’historique. Remplir le tableau du bilan médicamenteux et noter vos remarques.

→ Après l’entretien par le pharmacien, remplir le dossier administratif sur Amelipro pour valider la démarche et obtenir le paiement par l’Assurance maladie.

→ Appeler les patients la veille des rendezvous, relancer ceux qui hésitent et ceux ciblés à domicile.

3 questions à Julien Gravoulet, pharmacien titulaire à Leyr (54)

• Les préparateurs ont-ils un rôle à jouer dans les nouvelles missions ?

Bien sûr. Tout ne peut pas reposer sur les épaules du pharmacien. Il faut que l’équipe au complet participe aux nouvelles missions en respectant les limites réglementaires imposées par les textes.

• Comment cela se passe-t-il ?

Pour le repérage et l’inclusion des patients, tout le monde au comptoir connaît les critères d’éligibilité aux entretiens et aux bilans. Nous avons préparé un argumentaire pour uniformiser notre discours et favoriser l’adhésion aux services proposés. Les préparateurs préparent les entretiens en collectant les ordonnances, s’occupent de l’administratif sur le site Amelipro et assurent le suivi en fixant les rendezvous suivants. Les entretiens en tant que tels et leur analyse restent du ressort des pharmaciens.

• Tout le monde y trouve son compte ?

Je pense que oui. Les préparateurs ne se sentent pas exclus ou cantonnés au back office et au comptoir. La préparation des entretiens permet un échange entre nous. Ils font remonter des informations qui pourraient nous échapper, comme une tendance à l’automédication chez un patient. L’implication de toute l’équipe ne peut qu’améliorer le suivi du patient.

(1) Merci à Valérie Lemoine et Pierre Barroyer, préparateurs à la pharmacie Gravoulet de Leyr (54).