Bilan partagé de médication : faut-il croire à ce dispositif ?

© Getty Images

Bilan partagé de médication : faut-il croire à ce dispositif ?

Publié le 11 mars 2024
Par Alexandra Blanc
Mettre en favori

Le bilan partagé de médication (BPM) n’a, jusqu’à présent, pas suscité l’engouement des pharmaciens. L’Association pour le bon usage du médicament a réuni, à l’occasion du salon PharmagoraPlus qui s’est tenu à Paris les 9 et 10 mars 2024, les représentants de la profession pour envisager les leviers de développement de ce dispositif.

« Nous nous sommes trompés en élaborant le bilan partagé de médication sur un plan académique et pharmacologique. On a oublié de s’intéresser aux patients. Il s’agit en réalité de mettre par écrit ce qu’on fait déjà au comptoir ». C’est en ces termes que Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a fait une sorte de mea culpa sur le dispositif lancé en 2018. Il est vrai que la lourdeur de ces entretiens destinés aux personnes de 65 ans et plus polymédiquées, en 4 étapes et au cahier des charges très dense, a pu rebuter les pharmaciens. Ainsi, selon le président du syndicat, moins de 1000 pharmacies étaient engagées dans le dispositif en 2022. Les chiffres de prise en charge de l’Assurance malacie indiquent toutefois une augmentation de 55 % du nombre de bilans réalisés en 2023. « L’Assurance maladie veut investir sur les bilans partagés de médication », précise Pierre-Olivier Variot, « et le ministère veut pousser ce service dans les Ehpad ».

Une revalorisation de la rémunération des BPM pour un nouvel élan

Autre frein à l’engagement des pharmaciens, le paiement des pharmacies un an après l’inclusion des patients dans le dispositif. Aussi, l’USPO et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) ont négocié avec la Caisse nationale de l’Assurance maladie un nouveau calendrier de paiement : 25 % lors de la première phase, 25 % lors de la deuxième et 50 % à l’issue du bilan. Une revalorisation des montants perçus par les pharmaciens de 5 euros la première année et de 10 euros la seconde a également été « actée ». La FSPF, par la voix de Yorick Berger, responsable des relations avec la chaîne du médicament, milite pour la rémunération de la déprescription et de l’intervention du pharmacien dans un contexte de sobriété médicamenteuse.

Développer « l’aller-vers » et l’interprofessionnalité

Le recrutement des patients pose également problème, affirme Pascal Louis, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) de Bourgogne-France-Comté et du Collectif nationale des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) : « Ce qu’on ne sait pas faire, c’est proposer à un patient quelque chose qu’il n’a pas envie de partager avec nous. Il y a un d’apprentissage à faire du côté du pharmacien. On n’est pas très bon sur le  « push » et pourtant c’est le pharmacien qui doit aller au-devant des patients pour les convaincre ». Autre grain de sable dans l’engrenage, le peu d’adhésion des médecins à cette mission octroyée aux pharmaciens. Pour Yorick Berger, « On ne fait pas d’interpro car il n’y a pas d’attente des médecins. Mais, il ne faut pas se tromper, on ne doit pas faire un bilan de clinicien.​​ Il s’agit plutôt d’apporter aux prescripteurs des éléments qu’ils ignorent, telles que des informations sur le comportement et les spécificités de la vie des patients ». Constat similaire du côté de l’USPO. « Quand le médecin comprendra que le pharmacien n’est pas là pour dire qu’il a mal prescrit mais plutôt pour alerter sur un problème précis, ça se passera mieux ! », poursuit Pierre-Olivier Variot. Pour apporter des preuves de l’efficacité d’une collaboration entre pharmacien et médecin, un outil, Abimed, a été développé, pour le moment à l’état de projet de recherche. Il offre un espace d’échange entre les différents intervenants qui gravitent autour du patient au cours d’un bilan partagé de médication. La plateforme recrute des pharmaciens expérimentateurs pour tester la pertinence de la démarche.

Publicité