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Publié le 21 juin 2003
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Responsable des rapports d’études cliniques, le rédacteur médical est en général un spécialiste de la recherche clinique. Les pharmaciens exercent quant à eux leurs talents d’écriture plus souvent dans les services réglementaires ou scientifiques.

De la conception des protocoles destinés aux investigateurs à l’élaboration d’un rapport complet d’étude clinique, la rédaction médicale occupe une place importante dans le domaine de le recherche clinique. « C’est une étape cruciale ! Un rapport d’étude mal interprété nuit au dossier du médicament dans sa totalité », confirme Sébastien Duval, responsable de Chiltern International, société réalisant des essais cliniques pour l’industrie du médicament.

En effet, il ne suffit pas d’intégrer des données statistiques (résultats des études cliniques) dans le canevas déjà formaté d’un rapport médical. « Il faut aimer la bibliographie et faire preuve d’une importante culture médicale et pharmaceutique pour pouvoir replacer l’étude dans un contexte de recherche », poursuit Sébastien Duval. Concrètement, la difficulté consiste à valoriser les points positifs de l’étude. Les CRO (clinical research organizations) et les départements recherche développement de l’industrie recrutent donc des médecins ou des pharmaciens possédant une expérience dans l’industrie pharmaceutique et une expertise dans le domaine clinique.

Un métier très free-lance.

Il n’existe cependant aucune formation officielle conduisant à la rédaction médicale. « Peu importe le cursus, du moment que l’on peut effectuer une excellente synthèse », assure Denise Desmichels, directrice médicale et scientifique de la CRO Clinact. Mais elle emploie préférentiellement des personnes ayant déjà réalisé des essais cliniques et connaissant bien les pathologies. Dans ces conditions, les médecins sont largement favorisés par rapport aux pharmaciens, à moins que ces derniers soient passés par un poste de chef de projet ou d’assistant de recherche clinique dans l’industrie.

Beaucoup de rédacteurs médicaux exercent en free-lance, tels les hospitalo-universitaires, pour « arrondir les fins de mois », ou des mères de famille désirant travailler à temps partiel. Reste que les personnes expérimentées sont rares sur le marché et que les employeurs n’hésitent pas à bien les rémunérer : au-delà de 61 000 euros annuels à temps plein et près de 457 euros par jour en free-lance. Selon le Dr Laurence Saya, responsable d’une société de services auprès de l’industrie pharmaceutique et spécialisée dans la rédaction médicale, l’écriture d’un rapport d’études demande en moyenne 40 heures sans compter le travail de préparation et le conseil stratégique. Pour un dossier de transparence, tout dépend de la qualité et du nombre d’études cliniques réalisées, le rédacteur devant déployer tous ses efforts en vue d’obtenir un niveau optimal de service médical rendu.

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Passage obligé en réglementaire.

C’est aux départements des affaires réglementaires qu’incombe bien souvent la rédaction des dossiers d’enregistrement et de transparence. Aucun doute pour Sylvie Gauthier-Dassenoy, pharmacienne responsable Upsa Conseil chez Bristol-Myers Squibb : « Il ne s’agit pas d’une fonction exercée en permanence mais d’un passage obligé lorsque l’on débute dans les affaires réglementaires. Impossible de comprendre correctement un dossier si on n’en a jamais rédigé… »

Aujourd’hui, si les dossiers d’AMM arrivent dans les filiales pratiquement finalisés, les dossiers de transparence sont en revanche rédigés par des pharmaciens en relation avec la direction médicale et des responsables économiques. « Et pas de meilleure expérience que de travailler à l’Afssaps pour acquérir des qualités d’analyse », assure Sylvie Gauthier-Dassenoy.

Emmanuelle Duffau a justement suivi ce chemin après l’obtention d’un DESS de droit de la santé. Cette pharmacienne se consacre désormais à la rédaction d’un journal très pointu, Droit et pharmacie actualité, où toute l’actualité réglementaire est décryptée point par point. Salariée de la même société, Marie Garabédian sous-traite la rédaction des dossiers d’AMM, de transparence ou de prix pour les laboratoires. « Mais je donne aussi beaucoup de conseils au niveau des stratégies d’enregistrement », rapporte-t-elle. Cinq ans chez Servier dans le service réglementaire international lui ont permis de se forger une solide expérience dans le domaine de l’AMM et de faire ses premiers pas rédactionnels. « Désormais je mets à profit mes connaissances et mon travail est vraiment plus diversifié », raconte-t-elle avec enthousiasme.

Spécialistes de la formulation bienvenus.

Outre les points de réglementation, les pharmaciens sont amenés à rédiger les parties concernant la formulation des spécialités, dans le cadre du dossier clinique d’un futur médicament ou d’un dossier d’AMM. Au sein des services scientifiques des laboratoires, ils disposent avant tout d’une solide formation en galénique. « Lorsque nous développons un médicament, il faut expliquer tout le protocole d’obtention de la formule et décrire la composition aux autorités européennes et américaines », informe Gareth Lewis, responsable scientifique chez Sanofi-Synthélabo.

Devenir rédacteur spécialisé ne s’improvise donc pas mais permet à tous ceux qui aiment le travail de recherche bibliographique et l’analyse statistique d’appliquer noir sur blanc leurs connaissances au profit du développement de nouvelles molécules.

Les bases incontournables

– Etre bilingue français-anglais ou manier parfaitement l’anglais scientifique à l’écrit.

– Savoir interpréter les résultats statistiques. Le Centre d’enseignement de la statistique appliquée à la médecine et à la biologie médicale forme à l’utilisation de la méthode statistique en épidémiologie et recherche clinique. Le DU est délivré par les universités Paris-VI, Paris-VII et Aix-Marseille-II (http://cesam.vjf.inserm.fr).

– En réglementaire : esprit de synthèse et d’analyse indispensable.

– En recherche clinique : disposer d’une expérience dans le domaine.

– En galénique : sérieuses références en recherche galénique.

Tendance

La publication d’articles dans des journaux médicaux de référence tel The Lancet se voit de plus en plus confiée à des rédacteurs médicaux. « C’est une pratique courante aux Etats-Unis qui prend de l’ampleur en France, assure Francis Beauvais, rédacteur. Il faut alors faire preuve de plus de créativité que pour rédiger un rapport d’étude. Les techniques d’écriture s’apparentent alors à celles du journalisme. »