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Tests antigéniques, y aller ou pas ?

Publié le 5 décembre 2020
Par Favienne Colin
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Les pharmaciens d’officine ont été autorisés à pratiquer les tests antigéniques Covid-19 par prélèvement nasopharyngé fin octobre. Certains se sont rués sur l’occasion, d’autres non. Deux titulaires aux décisions diamétralement opposées, chacun avec des arguments solides, livrent leur opinion dans un face-à-face.

Arnaud Comte, pourquoi vous êtes-vous lancé d’entrée de jeu dans les tests antigéniques ?

Pour les pharmaciens qui ont l’envie, la structure adaptée et les moyens humains de le faire, c’est l’occasion de jouer un rôle de santé publique. Je suis convaincu que la bonne répartition géographique des pharmacies en France et la rapidité de réponse des tests antigéniques peuvent changer la donne dans l’efficacité de la politique de test.

On oppose souvent test PCR et test antigénique, mais je pense qu’il ne faut pas tomber dans ce piège car ces deux-là sont complémentaires. Cela fait plus d’un mois que nous étions prêts, formés à la technique du prélèvement en laboratoire, et j’avais reçu les tests dès la fin octobre.

Séverine Guillevin, pourquoi avoir fait le choix contraire ?

La première raison tient dans le fait qu’il y a suffisamment d’infirmières en place à Carnac. Elles sont une petite vingtaine pour 3 500 à 4 000 habitants à l’année. Déjà, l’an passé, je ne vaccinais pas. Il est d’ailleurs possible que je sois le seul pharmacien du Morbihan à ne pas vacciner cette année, et ce en accord avec les cabinets d’infirmières. Avant toute chose, je n’ai pas envie de marcher sur leurs platebandes, mais il est évident que si les infirmières ont besoin d’un coup de main, je serai là. Il ne s’agit pas d’un non catégorique de ma part. La deuxième raison, c’est que, comme pour les vaccins, il y a une injustice. Je trouve aberrant que certains pharmaciens puissent vacciner et d’autres non, et ce au seul motif d’avoir un local ou non. Selon moi, on devrait nous donner les moyens de faire ces tests et les vaccins, tant pour ce qui est du personnel que des locaux.

Vous insistez beaucoup sur la place des infirmières, mais avez-vous discuté de la faisabilité de ces tests avec elles ?

J’ai appelé tous les cabinets, j’ai exposé mon point de vue, et j’ai été remerciée de ne pas pratiquer les tests. Je me contente donc de passer la commande de tests antigéniques pour les médecins et les infirmières. Infirmières qui ont d’ailleurs contacté la mairie pour mettre une structure en place, car elles ne disposent pas de local.

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Et vous, Arnaud Comte, ne vous-êtes vous pas dit que cette activité allait crisper vos relations avec les soignants libéraux exerçant à proximité ?

Je pense que notre choix est très bien perçu par les médecins car cela permet de les décharger (comme pour les vaccins). C’est en théorie un peu plus compliqué avec les infirmières, mais en pratique cela se passe très bien. Nous avons le même objectif de santé publique et je trouve que cela nous rapproche.

Séverine Guillevin, vos collaborateurs ont-ils tous compris et accepté votre choix ?

J’ai pris la décision définitive seule mais, effectivement, tout le monde est d’accord. Vous savez, nous manquons de temps. Je n’ai pas assez de personnel et suis à la recherche d’un adjoint depuis un an et demi. Que je ne trouve pas.

A-t-il été difficile de convaincre votre équipe, Arnaud Comte ?

Nous avons l’habitude de lancer des initiatives et missions nouvelles, grâce à une équipe très investie. Sans ce soutien, nous n’aurions jamais réussi à mettre l’activité en place. Notre nouvelle structure, transférée il y a un an et demi, nous permet en plus de répondre aux exigences de ces tests. Une salle isolée du reste de la pharmacie, avec une grande porte, est en permanence ouverte vers l’extérieur, ainsi l’air circule et les patients testés ne rentrent pas dans la pharmacie. C’est comme s’ils étaient dehors. C’est hypersécurisé.

Pourriez-vous proposer de tels services à long terme ?

J’ai déjà formé cinq personnes de mon équipe au prélèvement nasopharyngé afin d’inscrire ce service dans le temps et de pouvoir augmenter notre capacité de tests si le besoin se faisait sentir. Pour l’instant, seule mon adjointe et moi testons. Continuer les tests demanderait une réorganisation en matière de personnel. Je suis pris par cette activité depuis un moment et, pendant ce temps-là, le reste du travail ne se fait pas. Pour continuer, nous serions obligés d’embaucher. Cela pourrait être un pharmacien à mi-temps ou un préparateur. Ce n’est pas décidé. En tout cas, le fait d’avoir mis en place ces tests antigéniques va nous permettre maintenant de développer le service des Trod en officine.

Elle ne se lance pas pour l’instant

Séverine Guillevin, titulaire de la pharmacie Saint Cornély à Carnac (Morbihan). Sa pharmacie balnéaire, sur la côte bretonne sud, génère un chiffre d’affaires de 1,60 M € avec trois salariés (un ou deux de plus durant l’été). Groupement : Pharma Référence Groupe.

Il s’est lancé dès le premier jour

Arnaud Comte, cotitulaire de la Pharmacie de la Rivière à La-Rivière-de-Corps (Aube), en zone périurbaine, dans l’agglomération de Troyes. Le chiffre d’affaires de son officine, appartenant au groupement Mediprix, est de 2,90 M €. Il emploie 12 salariés.