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Test’Angine : non à l’overdose d’antibiotiques

Publié le 27 avril 2002
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Le front des résistances bactériennes à l’antibiothérapie se durcit. La faute aux prescriptions massives d’antibiotiques… Pour l’angine, la solution passe sans doute par la systématisation à l’échelon national du test de diagnostic rapide (TDR) qui a fait ses preuves en Bourgogne depuis 1999. Retour sur une expérimentation réussie.

Chaque année en France, 9 à 11 millions de personnes consultent pour une angine et 8 à 9 millions d’antibiothérapies sont prescrites, dont 5 à 6 millions… inutiles ! Pour une bonne raison : le streptocoque bêtahémolytique du groupe A (SBHA) n’est en cause que dans 25 à 40 % des cas chez l’enfant et dans 10 à 25 % des infections pharyngées de l’adulte. Ce qui signifie que les angines sont majoritairement virales, et peuvent donc se soigner en utilisant uniquement des antipyrétiques, des anti-inflammatoires et des antiseptiques locaux. Mais l’examen clinique ne permet pas toujours de différencier une atteinte virale d’une infection bactérienne.

Pas de tests sans formation

Dès 1996 pourtant, la conférence de consensus de la Société de pathologie infectieuse de langue française recommande la mise à disposition aux médecins d’un test de diagnostic rapide streptococcique. Il faut attendre 1999 pour que l’Afssaps reprenne les mêmes conclusions. C’est qu’il existait un frein de taille à la faisabilité de ces tests : l’interdiction pour les praticiens de les facturer aux patients. « C’est dans ce contexte que la Direction générale de la Santé a décidé d’évaluer l’impact du TDR à l’échelle d’une région », retrace le Pr Henri Portier, infectiologue au CHU de Dijon.

Financée par la CNAMTS, la campagne bourguignonne baptisée Test’Angine a donc débuté en novembre 1999. Soit deux années de partenariat entre médecins, universités et Assurance maladie. Sans oublier la collaboration de la fédération bourguignonne de formation médicale continue. « Nous estimons qu’il est primordial d’assortir l’usage du test d’une formation. Sur l’angine bien entendu, mais également sur le bon usage des antibiotiques en général. D’ailleurs, l’expérience prouve que la mise en circulation du TDR sans aucune formation ne donne que des résultats médiocres sur la diminution des prescriptions d’antibiotiques », assure Henri Portier, également référent scientifique de l’opération Test’Angine.

Au total, quarante réunions de FMC ont été organisées auprès de 732 médecins (près d’un sur deux). Et seuls les praticiens formés ont reçu gratuitement les tests. Parmi eux, le Dr Françoise Baudot, généraliste à Chenôve (16 000 habitants, Côte-d’Or), avoue avoir accueilli les TDR avec un brin de scepticisme. « Mais j’ai vite constaté que les patients acceptaient très bien la pratique du test dont le résultat est quasi instantané », reconnaît-elle avec satisfaction. L’analyse des questionnaires patients confirme ses propos puisque 96,7 % des malades se disent prêts à recommencer le test. Et ils sont plus de 87 % à vouloir le conseiller à un proche, même si certains notent que le prélèvement de gorge à l’aide de l’écouvillon ne se révèle pas très agréable. « Les enfants n’ont pas émis d’opposition majeure, s’étonne encore Françoise Baudot. L’acceptation de la démarche par les parents facilite la coopération des plus jeunes. »

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Des parents de plus en plus méfiants vis-à-vis des antibiotiques, aux dires de la généraliste. « Ils sont d’ailleurs très contents de ressortir du cabinet sans antibiotiques, et c’est vraiment motivant », confie-t-elle. Ainsi les objectifs sont atteints et les antibiotiques perdent avec ce test leur valeur de « médicament miracle ».

55 millions d’euros d’économies attendues

Des médecins satisfaits, des patients conquis… Les résultats de la campagne sont donc très encourageants. La prescription d’antibiotiques n’est avérée que dans 41 % des cas d’angines contre 90 % sans l’utilisation du TDR. La fréquence des tests positifs est de 28 %, chiffre qui coïncide avec le pourcentage de SBHA et qui prouve la fiabilité de la méthode. Pour le régime général, l’économie ne fait aucun doute. Elle s’élève à 6,11 euros par angine sans antibiotiques soit plus de… 55 millions d’euros par an si on rapporte ce chiffre au 9 millions d’angines annuelles en France. A noter toutefois la prescription d’antibiotiques pour 18 % des tests négatifs. Une statistique qui ne choque pas le Pr Henri Portier. « Nous ne souhaitons pas rendre ce test opposable au diagnostic des médecins qui doivent rester maîtres de leur décision, annonce-t-il. Simplement, certains prescripteurs n’ont pas bouleversé leurs habitudes du jour au lendemain dès la mise à disposition des tests. »

Pour changer les mentalités, le Pr Henri Portier souhaite intégrer le Test’Angine dans une politique globale de prescription raisonnée et justifiée des antibiotiques. Lucide, il sait que la tâche n’est pas aisée en ce qui concerne les infections ORL. « Si le message passe bien pour les angines grâce à l’argument imparable que représente le test, il va aussi falloir informer les patients sur la prise en charge des rhinopharyngites, bronchites et sinusites », souligne-t-il, avant de préciser que les pharmaciens ont un rôle important à jouer dans l’éducation de la population.

La généralisation du Test’Angine est prévue à la fin de cette année, mais en attendant l’inscription du TDR à la nomenclature, la CNAM lance un appel d’offres à l’échelon européen en vue de l’achat des tests. Il faudra faire vite. La preuve : le Dr Françoise Baudot, à cours de TDR, se remet à ordonner des antibiotiques en cas d’angine même si désormais elle s’octroie un délai de 48 heures avant d’initialiser le traitement.

Qui assurera le réapprovisionnement des médecins en test ? Pharmaciens ou fabricants ? Réponse en automne 2002

L’antibiorésistance progresse

Avec 80 millions de prescriptions en ville, la consommation française d’antibiotiques par habitant bat des records peu enviables. C’est par exemple quatre fois plus qu’aux Pays-Bas, selon une récente étude publiée dans The Lancet. 40 à 45 % des rhinopharyngites sont soignées par des antibiotiques alors que seules 15 % justifient d’une telle prise en charge. De la même manière, 75 % des bronchites et des sinusites font l’objet d’une antibiothérapie alors que la moitié seulement relèvent d’infections bactériennes. Conséquence fâcheuse de cette surconsommation d’antibiotiques : la sélection de souches bactériennes résistantes. Ainsi le pneumocoque, dans 60 % des cas, et l’Hæmophilus, dans 40 % des cas, ont développé une résistance importante aux pénicillines. La résistance bactérienne s’est aussi renforcée dans le camp des colibacilles. Résistants dans 40 % des cas à la pénicilline, ils le sont désormais aux fluoroquinolones dans 5 à 8 % des infections. Autant de raisons qui justifient le lancement, en novembre dernier, du plan national 2001-2005 pour préserver l’efficacité des antibiotiques. Au programme notamment, un délai de 72 heures avant l’instauration d’une antibiothérapie en cas de sinusite, l’abstention thérapeutique en première intention dans l’otite moyenne aiguë de l’enfant de plus de 2 ans (sauf si la fièvre est élevée et l’otalgie intense), la généralisation du TDR à tout l’Hexagone et le choix d’antibiotiques adaptés. En l’occurrence, le traitement de référence dans l’angine correspond à la prise de pénicilline V pendant dix jours.