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Quelle est la place des autotests salivaires VIH ?
NOTRE EXPERT
Pr François Simon, chef du service de microbiologie de l’hôpital Saint-Louis (Paris).
Pourquoi évoquer les autotests « salivaires » VIH en France ?
Bien que le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) se soit prononcé en défaveur des autotests VIH en 2004, les autotests salivaires reviennent sur le devant de la scène avec leur autorisation récente aux États-Unis (voir encadré) et leur vente sur Internet. En août 2012, Marisol Touraine, ministre de la Santé, déclarait ne pas exclure leur commercialisation en France et saisissait pour avis le CCNE et le Conseil national du sida (CNS). On attend la réponse. Reste à définir leur place dans notre pays où le dépistage est organisé, accessible et gratuit.
De quel type de test est-il question ?
Il s’agit d’un test de dépistage utilisant comme matrice le fluide oral, plus précisément le liquide créviculaire (sécrétions présentes dans le sillon gingivo-labial entre gencive et face interne des lèvres), destiné à un usage à domicile par les particuliers et donnant un résultat dans un délai court. L’OraQuick In-Home, seul vendu aux États-Unis, est la version OTC du test de diagnostic rapide OraQuick Advance, réalisable sur fluide oral, sérum ou plasma en milieu médical ou associatif, y compris en France.
Comment ça marche ?
La bandelette-test d’OraQuick est frottée entre lèvre et gencive, puis plongée dans un réactif qui détecte par immunochromatographie les anticorps dirigés contre les protéines d’enveloppe virale du VIH-1 et du VIH-2 (et non le virus lui-même ; on ne remet pas en cause la non-transmission du virus par la salive !). Le résultat apparaît en 20 minutes, sous la forme de bandes colorées (une « test » et une témoin). Aux États-Unis, une hotline d’accompagnement est disponible 24 heures sur 24.
Permettent-ils un diagnostic du VIH ?
Ce ne sont que des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), les résultats positifs ou douteux doivent être validés par un test en laboratoire. En France, le diagnostic de l’infection se fait par un test immuno-enzymatique Elisa de quatrième génération qui détecte sur sérum ou plasma les anticorps anti-VIH-1 et anti-VIH-2, mais aussi un antigène viral présent particulièrement lors de la primo-infection.
Est-ce fiable ?
OraSure, le fabricant d’OraQuick, annonce que le test buccal détecte une contamination dans 93 % des cas, et une exactitude de 99 % quand la personne n’est pas séropositive. Or, une étude menée en 2010 par l’hôpital Saint-Louis (1) sur l’OraQuick Advance a montré une sensibilité de 86 %, soit un résultat faussement négatif pour 14 personnes sur 100 (décalage en partie explicable par l’inclusion dans l’étude de patients sous trithérapie, pour lesquels le taux d’anticorps circulants est très faible ou en phase de primo-infection).
Pourquoi ce manque de sensibilité ?
Le taux d’anticorps dans le liquide créviculaire est 100 à 1 000 fois inférieur à celui du plasma. D’autant plus en phase précoce de l’infection, où la quantité d’anticorps est moindre. Comme les autres tests de dépistage rapide, les « salivaires » ne détectent pas les primo-infections, d’où un risque non négligeable de faux négatifs. La fenêtre sérologique après conduite à risque est évaluée à six mois aux États-Unis (trois à six semaines pour un test de référence).
Est-ce la seule limite ?
Non, les autres sont le manque de traçabilité puisque les résultats ne sont pas enregistrés, la lecture subjective, le problème d’élimination des déchets, le manque d’accompagnement notamment en cas de positivité, le prix (34 $ en moyenne) et l’absence de données concernant la réactivité face aux variants majeurs du VIH, souches africaines notamment. Ils ont aussi des avantages : la facilité d’emploi en tout lieu et la rapidité.
Quel serait leur intérêt en France ?
Ces tests ont un intérêt dans les régions où la situation sanitaire est sous-développée comme en Afrique ou aux États-Unis. Ce qui n’est pas le cas en France, avec les centres de dépistage anonyme et gratuit et la prise en charge globale d’un test Elisa, plus fiable. En outre, vu le délai d’utilisation, ils n’ont d’intérêt que pour détecter une infection datant de plus de six mois, hors conduites à risque répétitives (« épidémie cachée » estimée à 25 000 sujets). La cible se limiterait aux quelques cas où une recherche de confidentialité est avancée, tel le refus de consulter dans une petite ville. Ou, inversement, à des patients maîtrisant bien le suivi de leur statut sérologique et leurs facteurs de risque. Cet outil resterait donc vraisemblablement marginal, mais deux atouts au moins justifient la commercialisation : la mise à disposition d’un test contrôlé face à ceux qui circulent sur Internet et dont on a tout à penser qu’ils sont de qualité limitée, et une occasion de plus d’ouvrir le dialogue lors de sa délivrance pour orienter vers un dépistage plus fiable.
(1) Pavie J., Rachline A., Loze B., Niedbalski L., Delaugerre C., Laforgerie E., et al. Sensitivity of five rapid HIV tests on oral fluid or finger-stick whole blood : a real-time comparison in a healthcare setting.
Repères
→ 17 novembre 2010 : un décret étend l’utilisation des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) au VIH en dehors des situations d’urgence ; il autorise leur réalisation par les médecins libéraux, biologistes, sages-femmes, infirmiers en établissement de santé et par les personnes formées des associations.
→ Juillet 2012 : la Food and Drug Administration (FDA) approuve la mise en vente libre des autotests salivaires VIH aux États-Unis.
→ Octobre 2012 : l’autotest salivaire OraQuick In-Home est disponible outre-Atlantique dans plus de 30 000 points de vente et en ligne.
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