Prescription officinale d’antibiotiques : les points clés du projet d’arrêté

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Prescription officinale d’antibiotiques : les points clés du projet d’arrêté

Publié le 17 avril 2024
Par Alexandra Blanc
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Les contours de la mission se précisent. Le projet d’arrêté fixant la liste des antibiotiques pouvant être délivrés sans ordonnance ou sur ordonnance conditionnelle après la réalisation du test rapide d’orientation diagnostique de l’angine et de la cystite, et définissant les arbres décisionnels ainsi que les modalités de la formation obligatoire vient d’être envoyé aux parties prenantes pour avis. Voici les principaux points à retenir avant d’éventuels amendements.

Après le projet de décret sur la délivrance des antibiotiques de l’angine et de la cystite par le pharmacien après réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod), c’est au tour d’un arrêté d’être soumis à l’avis des syndicats de pharmaciens, de l’Ordre et du Comité national professionnel (CNP) Pharmacie. Ceux-ci ont jusqu’au 30 avril pour transmettre leurs remarques. L’arrêté suivra ensuite le circuit classique de validation avec comme ligne de mire une parution au Journal officiel avant l’été. « Le gouvernement veut qu’on soit prêt pour les Jeux olympiques ! », pressent Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Pour la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’analyse est similaire. « Les pouvoirs publics ont tout intérêt à faire paraître les textes avant les vacances d’été, période pendant laquelle il est souvent plus difficile d’obtenir une rendez-vous médical », précise Philippe Denry, vice-président de la FSPF.

La liste d’antibiotiques concernés est sans surprise

Le projet d’arrêté, s’appuyant sur les recommandations en vigueur de la Haute Autorité de santé, liste les principes actifs préconisés pour le traitement d’une cystite aiguë non compliquée chez la femme et ceux préconisés pour le traitement d’une angine bactérienne à streptocoque du groupe A dont la délivrance, par le pharmacien, sans ordonnance ou sur ordonnance conditionnelle, après réalisation d’un Trod positif sera autorisée. Ainsi, sans grande surprise, la fosfomycine trométamol et le pivmecillinam sont autorisés dans la cystite ; l’amoxicilline, le cefpodoxime proxétil, l’azithromycine et la clarithromycine sont autorisés dans l’angine de l’enfant de 3 ans et plus, s’y ajoute le cefuroxime axétil chez l’adulte (la josamycine fait également partie de la liste mais aucune spécialité en contenant n’est actuellement commercialisée).

Définition des conditions d’éligibilité et du matériel nécessaire

Des arbres décisionnels ont été élaborés sous forme de logigrammes, présentés en annexes de l’arrêté, pour définir les conditions dans lesquelles une délivrance d’antibiotiques est possible. Les logigrammes recensent ainsi les critères d’exclusion, les questions à poser pour vérifier l’éligibilité du patient, les signes de complication et de gravité. Pour cela, le pharmacien devra être en capacité de prendre la température du patient ainsi que de mesurer sa pression artérielle et sa fréquence cardiaque et respiratoire. Le projet d’arrêté impose donc au pharmacien de disposer d’un thermomètre et d’un tensiomètre. S’y ajoute un pèse-personne pour peser les enfants en cas d’angine bactérienne et adapter la posologie de l’antibiotique le cas échant. De même, le local doit disposer de sanitaires permettant d’assurer la réalisation du test urinaire d’orientation diagnostique dans le respect des règles d’hygiène. « C’est un point qui pose problème, signale Pierre-Olivier Variot, car toutes les officines ne disposent pas de sanitaires accessibles au public ou aux normes pour les personnes à mobilité réduite. D’ailleurs, les laboratoires d’analyse médicale qui réalisent ce test urinaire ne sont, eux, pas obligés de disposer de toilettes. Le patient peut amener son flacon d’urine après avoir réalisé le prélèvement à son domicile. C’est une obligation imposée aux pharmacies que notre syndicat voudrait voir supprimée. »

Les modalités de la formation obligatoire

Pour pouvoir réaliser cette délivrance d’antibiotiques sans ordonnance ou sur ordonnance conditionnelle, le pharmacien doit avoir suivi une formation dispensée par un organisme de formation indépendant des laboratoires pharmaceutiques. Le contenu de la formation est défini dans le projet d’arrêté et comprend, dans le cadre de la prise en charge d’une angine, une partie théorique de 4 heures qui peut être réalisée en e-learning et une formation pratique d’une heure qui peut être réalisée en présentiel ou en classe virtuel. La formation pour la cystite aiguë est d’une durée de 4 heures dont tout ou partie peut être réalisée en présentiel.

L’attestation de formation devra être envoyée à l’Ordre des pharmaciens avec la déclaration de l’activité. « Les formations proposées avant la publication de l’arrêté et donc non conformes au cahier des charges ne sont pas validantes. Les pharmaciens devront impérativement justifier d’une formation réalisée à partir de la date de publication des textes », insiste Jocelyne Wittevrongel, présidente du CNP Pharmacie. Seules deux situations dispensent les pharmaciens de cette formation. Il s’agit des pharmaciens formés dans le cadre du protocole de coordination dans une structure d’exercice coordonné ou d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ou du projet Osys, ainsi que, pour la partie pratique de la formation « angine », des pharmaciens ayant suivi la formation prévue dans l’arrêté du 29 juin 2021.

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Les organismes de formation dans les starting-blocks !

Peut-on penser que les autorités ont pris acte des couacs des précédentes missions officinales (notamment la vaccination à l’officine) concernant la formation des pharmaciens ? Sans doute. Sous l’impulsion du CNP Pharmacies, la direction générale de la santé a envoyé le projet d’arrêté aux organismes de formation pour qu’ils se préparent et puissent proposer des actions de formation conformes dès la parution des textes au Journal officiel. « C’est la première fois que les programmes de formation d’une nouvelle mission sont envoyés en amont aux organismes de formation », indique Jocelyne Wittevrongel. De son côté, l’Unoformation, association rassemblant des organismes de formation des équipes officinales, se réjouit de cette initiative. « Il est primordial que les organismes puissent préparer des actions de formation en amont de la parution des textes réglementaires. Nous serons ainsi en mesure de former rapidement et massivement les pharmaciens sans délai », explique, enthousiaste, la présidente de l’Unoformation, Marie-Pierre Béranger.