Covid-19 : faut-il encore continuer de tester ?

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Covid-19 : faut-il encore continuer de tester ?

Publié le 10 janvier 2022
Par Magali Clausener
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Entre le 27 décembre 2021 et le 2 janvier 2022, plus de 8 millions de tests antigéniques et RT-PCR ont été réalisés. Un nouveau record. Au total, 168,2 millions de tests RT-PCR et antigéniques ont été validés en 2021, dont 48,8 % de tests antigéniques. Des chiffres qui donnent le tournis et dont s’enorgueillit régulièrement Olivier Véran, ministre de la Santé. La France serait ainsi le deuxième pays au monde à tester autant. A bon escient ?

« Il n’y a pas de politique de tests en France. On teste finalement n’importe qui et, quoi qu’il en soit, on ne teste pas tous les cas. On peut estimer que pour un cas positif testé, il y a environ deux cas qui ne sont pas trouvés, déclare d’emblée Catherine Hill, épidémiologiste et biostatisticienne. Ainsi, le 1er mars 2021, un rapport du conseil scientifique estimait que 17 % de la population française avait été contaminée, soit 11 millions de personnes. Or, seuls 3,3 millions de cas avaient été trouvés grâce aux tests. La sous-estimation des cas en France est donc importante ».

« Une vraie politique doit avoir un objectif affiché et derrière une stratégie et des moyens pour y parvenir, qui sont crédibles, répond le Pr Renaud Piarroux, épidémiologiste et chef de service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Par exemple, à l’école, on veut limiter les contaminations pour éviter de fermer toutes les classes. C’est l’objectif. La méthode est alors de réaliser deux tests par semaine. Le dépistage d’un million de personnes par jour ou de tous les habitants d’une ville n’est pas un objectif, mais répond plus à une volonté politique. » « Si on utilisait la technique des tests groupés, on pourrait tester deux fois par semaine tous les enfants dans les écoles avec 600 000 tests par semaine », analyse d’ailleurs Catherine Hill.

« Il n’y a pas de vraie politique en la matière, au sens où l’on n’essaie pas d’obtenir des données d’un échantillon représentatif de la population, ni de monitorer un réseau sentinelles des tests qui pourrait nous donner des indications épidémiologiques moins biaisées dans chaque département ou région française, explique Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève (Suisse). Car le nombre des contaminations quotidiennes est biaisé par le  » recrutement  » des personnes qui décident de se faire tester, ce qui ne permet pas d’estimer avec précision le réel nombre de contaminations dans le pays. Si ces biais sont constants d’une semaine sur l’autre, les tendances, en particulier le calcul du taux de reproduction effectif, ne sont pas trop affectées, mais le taux d’incidence peut être très faussé. »

Tout arrêter, certainement pas

Renaud Piarroux est également favorable à un testing sur des échantillons représentatifs de la population : « Cela permettrait d’avoir des indications plus précises sur la circulation du virus et ses conséquences, et ainsi de mieux évaluer les besoins en lits à l’hôpital. Qu’il y ait aujourd’hui 300 000 cas et 200 000 il y a une semaine, cela ne signifie pas que le nombre de cas a augmenté de 50 %. Cela peut tout aussi bien traduire une augmentation encore plus forte, artificiellement minorée par les difficultés croissantes à se faire tester lorsque le nombre de cas augmente ».

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Alors faudrait-il arrêter de tester notamment devant la contagiosité du variant Omicron, puisque les chiffres ne reflètent pas la réalité de la circulation du virus ? « Il ne faut pas laisser filer la situation. L’intérêt de tester est de permettre aux personnes positives de prendre plus de précautions pour casser la chaîne de transmission et d’écrêter la vague qui risque sinon d’être trop abrupte. Dans ce contexte, mettre à disposition des tests gratuitement a du sens », tranche Renaud Piarroux.