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Julien souffre de diarrhées sévères au retour de Bolivie
Julien, 47 ans, est rentré depuis 10 jours. Il souffre à nouveau depuis 5 jours de diarrhées sévères avec des crampes intestinales invalidantes. Le médecin prescrit une antibiothérapie probabiliste et une coproculture.
Ce que je dois savoir
Législation
L’ordonnance respecte la réglementation. La posologie usuelle de la trimébutine est de 100 mg 3 fois par jour mais elle peut être portée exceptionnellement à 200 mg 3 fois par jour.
Contexte
C’est quoi ?
• Les diarrhées du voyageur sont le plus souvent infectieuses, liées au péril fécal après ingestion d’eau ou d’aliments contaminés dans un pays à risque. Cliniquement, les diarrhées aiguës du voyageur – bénignes, modérées ou sévères selon leur impact sur les activités – se distinguent des diarrhées persistantes qui durent plus de 2 semaines. On parle de syndrome dysentérique quand la diarrhée est sanglante. Julien souffre de fortes douleurs abdominales et d’un malaise général qui empêche toute activité. C’est une diarrhée aiguë sévère.
• Dans 80 % des cas, les agents infectieux sont des bactéries telles Escherichia coli, Campylobacter, Shigella, Salmonella…, plus rarement des virus (rotavirus, norovirus…), des parasites (Entamoeba histolytica, Giardia intestinalis…) ou des champignons (candidoses, microsporidies…). En cas de fièvre associée, penser aussi à la fièvre typhoïde ou à un accès de paludisme.
• Hormis les complications en cas de typhoïde (hémorragie intestinale, péritonite) ou de paludisme (neuropaludisme = atteinte cérébrale), le principal risque est la déshydratation.
Quelle prise en charge ?
• Une consultation médicale est systématiquement conseillée en cas de diarrhée au retour d’une zone à risque pour évaluer la sévérité et la déshydratation et éliminer des causes qui nécessitent une prise en charge urgente.
• Prévenir et corriger la déshydratation sont toujours les premières mesures.
• Un antidiarrhéique anti-sécrétoire (racécadotril) peut être indiqué en cas de diarrhée bénigne à modérée. Les ralentisseurs du transit (lopéramide) ne sont pas conseillés (voir J’accompagne p. 37). Les pansements intestinaux n’ont pas prouvé leur efficacité et le niveau de preuve d’efficacité des probiotiques est insuffisant.
• La coproculture est indiquée seulement dans les formes sévères et/ou persistantes ou en cas d’échec d’un traitement antibiotique présomptif.
• Une antibiothérapie probabiliste instaurée avant résultats de la coproculture n’est recommandée qu’en cas de diarrhée grave et/ou dysentérique : azithromycine ou ciprofloxacine.
Objectifs
Traiter de manière probabiliste une infection intestinale bactérienne, rechercher le germe en cause pour réorienter si besoin le traitement et soulager les douleurs intestinales.
Médicaments
Ciprofloxacine
Fluoroquinolone antibiotique à large spectre, actif sur les entérobactéries. C’est l’un des deux antibiotiques recommandés en cas de diarrhée grave au retour d’un voyage, sauf d’Asie ou d’Inde où l’apparition de bactéries résistantes, notamment salmonelles et campylobacter, fait préférer l’azithromycine(1).
Trimébutine
Antispasmodique actif sur la motricité intestinale, indiqué dans le traitement des douleurs, des troubles du transit et de l’inconfort intestinal.
Repérer les difficultés
• Expliquer le principe du traitement antibiotique présomptif.
• Indiquer les modalités de la coproculture.
• Insister sur la prévention de la déshydratation.
• Déconseiller les ralentisseurs du transit en automédication.
Ce que je dis au patient
J’ouvre le dialogue
« La diarrhée du voyageur est le plus souvent due à des bactéries présentes dans les aliments ou l’eau contaminée. Elle est en général passagère mais elle peut entraîner une déshydratation. Savez-vous comment l’éviter ? »
J’explique le traitement
Mécanismes d’action
L’antibiotique est administré d’emblée pour lutter rapidement contre les principales bactéries responsables de diarrhées. La coproculture doit néanmoins être faite pour rechercher le germe en cause et adapter si besoin le traitement avec un antiparasitaire ou un antifongique, ou changer d’antibiotique en cas de bactérie non sensible à la ciprofloxacine. L’antispasmodique soulage les douleurs abdominales.
Mode d’administration
• Ciprofloxacine. Un comprimé matin et soir pendant 3 jours (absorption plus rapide à jeun). L’absorption peut être diminuée par le calcium ingéré entre les repas (produits laitiers ou boissons enrichies en minéraux…). Dans ce cas, prendre la ciprofloxacine 1 à 2 heures avant ou au moins 4 heures après leur consommation.
• Trimébutine. Un comprimé si douleurs abdominales, à renouveler si besoin jusqu’à 3 fois par jour. Arrêter dès soulagement des douleurs.
• Prélèvement de selles. Faire le premier prélèvement avant la première prise d’antibiotique. En faire 3 sur 3 jours différents espacés de 3-4 jours pour optimiser les chances de détection d’agents infectieux. Le matériel est fourni par le labora toire d’analyses. Mettre des gants, recueillir les selles hors de l’eau des toilettes dans un flacon propre ou sur un support papier maintenu par la lunette des toilettes. Transférer dans le pot stérile l’équivalent d’une noix ou du tiers du pot (selles liquides) en privilégiant les fragments glaireux. Apporter au laboratoire le plus vite possible (< 2 heures), sans l’avoir réfrigéré ou congelé.
Effets indésirables
• Ciprofloxacine : nausées et diarrhées sont les plus fréquents (voir Info+ ci-contre).
• Trimébutine : des réactions d’hypersensibilité sont parfois décrites (prurit, urticaire, éruptions cutanées…).
J’accompagne
Prévenir ou corriger la déshydratation
Boire abondamment tant que les selles sont liquides, en alternant boissons sucrées et salées.
Adapter son alimentation
Opter pour du riz blanc, de la compote de pomme, des bananes, des viandes maigres… Éviter le lait, les aliments trop gras (charcuterie, fritures…), très riches en fibres (céréales complètes, fruits secs, fruits et légumes crus…) et les irritants tels café, alcool, jus d’agrumes…
Automédication
Éviter le lopéramide (risque de stase avec constipation et ballonnements plus gênants que la diarrhée), sauf si diarrhées très liquides et gênantes en cas d’activité incontournable.
Vie quotidienne
• Pour limiter la transmission oro-fécale, se laver les mains fréquemment – a fortiori après passage aux toilettes -, désinfecter régulièrement les toilettes (lunette, poignée de porte, bouton de chasse d’eau…). Ne pas faire préparer les repas par la personne malade.
• Éviter l’exposition solaire non protégée : risque de photosensibilisation sous fluoroquinolones.
Vente associée
Proposer des sachets de soluté de réhydratation orale, une bouillotte pour l’effet antispasmodique de la chaleur…
(1) Recommandations sanitaires aux voyageurs, Haut Conseil de la Santé publique, mai 2023.
Prescription
Dr M., médecin généraliste. Julien N. né le 23/11/1976, 73 kg, 1,87 m.
Ordonnance 1
• Ciprofloxacine 500 mg comprimé 2 par jour pendant 3 jours.
• Trimébutine 200 mg comprimé 1 si douleurs, maximum 3 par 24 heures.
Ordonnance 2
Faire pratiquer au laboratoire une coproculture avec recherche de tous germes, y compris recherche mycologique et parasitologique. Retour de Bolivie.
Le patient me demande
« Le médecin m’a dit de boire du jus de pomme, pourquoi ? » Des études chez les enfants(1) ont montré que le jus de pomme dilué de moitié a une efficacité similaire à un soluté de réhydratation oral (SRO) pour prévenir les risques de déshydratation. La Société française de pédiatrie propose aussi cette alternative aux SRO chez les plus de 1 an(2). C’est efficace chez les adultes comme chez les enfants, en n’oubliant pas de diluer le jus de moitié pour une osmolarité optimale (dosage en glucides et minéraux).
(1) Effect of Dilute Apple Juice and Preferred Fluids vs Electrolyte Maintenance Solution on Treatment Failure Among Children With Mild Gastroenteritis Randomized Clinical Trial, JAMA, 2016.
(2) Avis de la Société française de pédiatrie, 21 février 2022.
Info +
→ Les fluoroquinolones font l’objet de restrictions d’utilisation en raison d’effets indésirables rares mais potentiellement graves de type tendinopathie, neuropathie périphérique, régurgitation/ insuffisance des valves cardiaques et anévrisme aortique. Consulter en urgence en cas de gonflements/douleurs des articulations, fourmillements, palpitations cardiaques, difficultés respiratoires, œdème des membres, douleur intense abdominale, thoracique ou dorsale.
Dico +
Coproculture : culture des matières fécales afin de détecter d’éventuelles bactéries ou champignons pathogènes. L’examen s’accompagne d’une recherche au microscope des parasites et de leurs œufs, et d’un antibiogramme pour tester la sensibilité ou la résistance d’une souche potentiellement pathogène.
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