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DP : des avancées et un chantier

Publié le 1 mai 2024
Par Yves Rivoal
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Déployé dans 100 % des LGO, le dossier pharmaceutique a aussi trouvé sa place dans le Ségur du numérique, et continue d’évoluer afin de sécuriser toujours plus les dispensations.

Ils auraient pu disparaître corps et âme, engloutis par la vague du Ségur du numérique. Il n’en a rien été. « Les 40 millions de dossiers pharmaceutiques (DP) actifs sont toujours utilisés au quotidien par les pharmaciens afin de sécuriser les délivrances », rappelle Olivier Porte, le directeur des technologies en santé du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), à l’origine de la création du DP en 2007, qui couvre aujourd’hui les trois quarts de la patientèle poussant les portes des officines.

Le DP a même profité de l’opportunité du Ségur pour évoluer. « Le décret du 4 avril 2023 ayant fait sauter la limite des quatre mois d’affichage de l’historique des dispensations, nous sommes aujourd’hui passés à douze mois, souligne Olivier Porte. Ce décret nous a aussi permis d’afficher le nom de la pharmacie qui a dispensé les médicaments dans l’historique. » Autre fonctionnalité déjà opérationnelle, la connexion au DP via l’application carte Vitale nichée dans les smartphones des patients. « Tous les logiciels de gestion d’officine (LGO) sont aujourd’hui en capacité de capturer les traits d’identité sur cette application afin de lancer la connexion au DP », assure cet acteur de la transformation numérique de notre système de santé.

Consentement.

Le décret du 4 avril introduit également un changement dans le mode de création du DP. « Jusqu’à présent, le régime du consentement nécessitait d’obtenir l’accord du patient au comptoir pour pouvoir créer son dossier pharmaceutique, rappelle Olivier Porte. Désormais, c’est le régime de l’opt-out qui prévaut. Comme pour Mon espace santé (MES), les patients n’ayant pas encore de DP ouverts recevront de la part de l’Ordre des pharmaciens un message avec un lien où ils pourront exercer librement leurs droits. Si, au bout de six semaines, un patient n’a réalisé aucune action, nous considérerons qu’il accepte la création de son DP. » Ce fameux décret introduit une autre contrainte pour les pharmaciens, qui impacte aussi la création des nouveaux DP. « Pour pouvoir procéder à la collecte des coordonnées du patient, les pharmaciens doivent qualifier son identité nationale de santé (INS) en interrogeant le téléservice INSi de l’Assurance maladie et le valider au comptoir en lui demandant une pièce d’identité, explique Olivier Porte. Aujourd’hui, près de dix millions d’INS ont déjà été collectés. Il nous en manque 30 millions. » L’introduction de ces deux obligations n’a pas été sans conséquence. « Le décret est paru le 4 avril 2023. Le lendemain, nous avons interrompu la création des nouveaux DP, confie Olivier Porte. Mais aujourd’hui, 95 % des officines disposent de LGO capables de gérer l’opt-out et la qualification de l’INS. Nous devrions donc relancer les ouvertures de DP d’ici quelques semaines. »

Nouvelle vague.

La vague 2 du Ségur devrait apporter une nouvelle fonctionnalité : la possibilité d’alimenter le DP avec les médicaments sans ordonnance (OTC) délivrés sans présentation de la carte Vitale. « À condition que l’INS du patient ait été qualifiée par l’équipe officinale », rappelle le directeur des technologies en santé du CNOP. Mais la vague 2 devrait surtout entraîner une innovation de taille : l’alimentation du dossier médical personnel (DMP) par le DP. « Ce sujet est un vieux serpent de mer, concède Olivier Porte. Depuis 2007, nous avons des échanges réguliers avec la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM) et la délégation au numérique en santé (DNS) pour lancer le chantier. Tout ce que je peux vous dire, c’est que l’Ordre est toujours très demandeur pour avancer sur ce sujet. »

Sollicitée, l’Assurance maladie n’a pas souhaité répondre à nos questions, nous renvoyant vers la DNS, qui a accepté de lever le voile sur le chantier qui attend l’Ordre et la CNAM. « L’Union européenne a un projet d’accès aux données de santé permettant aux patients européens d’être pris en charge où qu’ils se trouvent en Europe, dévoile Xavier Vitry, directeur de projets à la DNS. Pour les informations sur les traitements dispensés, le DP devra se conformer à un format européen lui permettant d’alimenter en e-dispensation le portail de contact français Sesali, qui sera interconnecté au portail européen. Ce dernier assurera l’interopérabilité entre tous les portails nationaux. Un professionnel de santé allemand pourra ainsi, à terme, avoir connaissance des traitements prescrits au patient en France, et accès à l’historique des dispensations sur douze mois. Pour cela, le DP passera par le DMP. La question de l’alimentation du DMP par le DP devrait donc être réglée dans le cadre de cette obligation européenne. »

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Complexe.

Les premières réunions ont été organisées entre la DNS, la CNAM et l’Ordre afin de fixer le cadre technique. « Ce chantier s’annonce extrêmement complexe, souligne Xavier Vitry. Mon espace santé (MES) contient en effet déjà l’historique de remboursement alimenté par le DMP. Si l’on y ajoute l’historique des médicaments dispensés en officine, cela risque d’être redondant et au final, les patients n’y comprendront plus rien. Nous devrons donc travailler sur l’alignement des informations grâce au référentiel unique du médicament afin que les traitements portent le même nom, et ainsi éviter les redondances. » Aucune date n’est avancée pour le déploiement de cette fonctionnalité.